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2 avril 1998 ![]() |
Les femmes peuvent retrouver une qualité de vie normale après un cancer du sein. À condition de ne pas retrouver cette maladie sur leur chemin.
Les femmes peuvent survivre à un cancer du sein mais peuvent-elles retrouver une bonne qualité de vie après un événement aussi traumatisant? Une étude réalisée par le Groupe de recherche en épidémiologie semble indiquer que oui. En effet, des femmes chez qui le cancer n'a pas récidivé dans les huit années suivant un traitement pour cancer du sein ont une qualité de vie qui, dans presque tous les domaines, équivaut à celle de femmes du même âge et de même milieu qui n'ont pas connu d'ennuis de santé importants.
Les chercheurs Michel Dorval, Elizabeth Maunsell, Luc Deschênes, Jacques Brisson et Benoît Mâsse ont analysé un ensemble de variables associées à la qualité de vie chez un groupe de 129 femmes qui ont eu un cancer du sein. Toutes ces femmes avaient subi une résection totale ou partielle d'un sein lors du traitement de leur maladie. Exception faite des 26 femmes qui ont eu un nouvel épisode de cancer, environ 80 % des participantes estiment jouir d'une bonne santé, huit ans après leur traitement. Elles n'ont pas été davantage hospitalisées au cours des cinq dernières années, elles ne s'inquiètent pas davantage de leur santé et elles ne souffrent pas plus de détresse psychologique que les femmes du groupe témoin. Les chercheurs dressent le même constat par rapport au travail, aux sorties sociales, au bonheur conjugal, au soutien émotionnel et à l'activité sexuelle.
Bien que les femmes qui ont eu un cancer du sein soient demeurées aussi actives sexuellement, un peu moins de 80 % d'entre elles se disent satisfaites de leur vie sexuelle contre 92 % chez les femmes du groupe témoin. "Les traitements de chimiothérapie peuvent accélérer la ménopause chez les femmes pré-ménopausées, avec les répercussions que cela entraîne, dit Elizabeth Maunsell. La prise d'hormones de remplacement n'est pas recommandée aux femmes qui suivent un traitement pour le cancer du sein. Il faudrait sans doute leur offrir du counseling afin de mieux les préparer aux changements qui peuvent survenir dans leur vie sexuelle."
La seule autre différence significative observée concerne les douleurs aux bras qui sont environ 20 % plus fréquentes chez les femmes ayant eu le cancer que dans le groupe témoin (43 %). "C'est une séquelle connue de la chirurgie aux seins et aux aisselles, précise la chercheure. Les ganglions situés sous le bras sont enlevés pour vérifier la propagation du cancer. Les chirurgiens explorent maintenant d'autres façons de faire. Quand les femmes sentent continuellement une douleur sous le bras, ça leur rappelle le cancer et ça peut créer encore plus de détresse."
Publiés dans le numéro de février du Journal of Clinical Oncology, ces résultats portent à croire que l'apparition et le traitement d'un cancer du sein n'affectent pas de façon globale et permanente la qualité de vie des femmes. "Elles ne s'inquiètent pas davantage de leur santé, ce qui suggère que la peur des récidives n'est pas aussi forte que le rapportaient d'autres études. On ignore cependant combien il faut de temps après le traitement pour que leur qualité de vie redevienne normale."
Sans surprises, les résultats diffèrent considérablement chez les 26 femmes qui ont dû affronter à nouveau le cancer. Dans ce groupe, tous les indices de qualité de vie se situent nettement plus bas que chez les autres femmes, à l'exception du fonctionnement social. "Ce dernier point est encourageant, dit Elizabeth Maunsell, parce que ces femmes ne sont pas laissées pour compte, elles maintiennent un réseau social."
Les femmes doublement éprouvées par le cancer pourraient avoir besoin de suivi psychologique pour retrouver une meilleure qualité de vie. "Après huit années sans récidive, les femmes ont une bonne qualité de vie et le suivi psychologique ne semble pas nécessaire. Il vaudrait mieux utiliser le peu de ressources disponibles pour le suivi psychologique des patientes récemment diagnostiquées et pour celles chez qui le cancer récidive. On risque ainsi d'avoir un plus grand impact en santé publique", conclut Elizabeth Maunsell.