19 février 1998 |
Considéré comme le plus métier du monde, le phénomène de la prostitution est plus souvent qu'autrement étudié sous l'angle des raisons essentiellement économiques et sociales. En effet, qu'est-ce qui peut bien pousser un être humain à "vendre son corps" - selon l'expression consacrée - sinon pour fuir un milieu pauvre ou violent ? Dans son mémoire de maîtrise réalisé sous la supervision de Cécyle Trépanier, du Département de géographie, Marie-Claude Dupont démontre que dans certains pays, en l'occurrence au Brésil, la prostitution peut s'expliquer par des facteurs socio-culturels. Selon elle, les us et coutumes ont ainsi un impact direct dans le développement et le maintien de la prostitution au Brésil; ces caractéristiques culturelles donnent l'illusion du besoin de prostituées et, par conséquent, de la nature inévitable de la prostitution, en un mot, "d'un mal nécessaire".
Parmi ces caractéristiques, note Marie-Claude Dupont, on retrouve la définition de la sexualité masculine comme étant irrationnelle, la pression pour la performance sexuelle de l'homme se traduisant par un besoin de prostituées pour s'initier et ainsi arriver au mariage <<en fin connaisseur>>, la définition de la masculinité valorisée par une multitude de partenaires sexuels et la valorisation de la virginité de la jeune fille pour des questions d'honneurs de la famille. En un mot, l'idéologie machiste mène le monde au Brésil, favorisant la prostitution de plusieurs façons. Dans ce contexte, souligne Marie-Claude Dupont, l'homme ne peut résister à la tentation d'abuser d'une fillette, par exemple, puisqu'il est homme justement. N'ayant aucun contrôle sur ses puissants instincts, il n'a, par le fait même, aucune responsabilité dans l'encouragement de la prostitution.
Par ailleurs, rapporte l'étudiante, la sensualité constitue le mythe d'identification par excellence de la culture brésilienne, la mûlatresse étant devenue le porte-parole de ce mythe. Au Brésil, la question de la sexualité est ainsi centrale, intégrée comme un phénomène social et culturel, au même titre que la prostitution. Cette caractéristique doit être évidemment comprise dans le cadre social et patriarcal, qui insiste constamment sur l'opposition entre l'homme et la femme et fait de l'homme le détenteur du pouvoir. Dans une société valorisant avant tout le groupe, et surtout le groupe masculin, les conditions de vie tant matérielles, sociales que psychologiques des prostituées relèvent d'une analyse individuelle, et féminine.
S'il semble théorique, ce discours s'inscrit parfaitement bien dans le déroulement de l'histoire brésilienne, soutient Marie-Claude Dupond. En effet, les textes historiques et les documets scientifiques qu'elle a consultés au cours der ses recherches démontrent que la prostitution adulte et enfantine au Brésil ne représente pas un phénomène nouveau mais remonte au premier temps de la colonisation du pays par les Portugais. À cette époque, les relations sexuelles avec de jeunes esclaves féminines n'étaient sans aucun doute pas considérées comme de la prostitution mais cet esclavage sexuel en demeure l'ancêtre, en ayant imprégné dans cette société andocentrique des us et coutumes considérant la sexualité comme un trait culturel.