19 février 1998 |
Les patients hébergés dans des unités de soins de longue durée seraient particulièrement vulnérables à cette maladie.
Une étude menée auprès de patients hébergés dans une unité de soins de longue durée d'un hôpital de Québec révèle que près de 31 % d'entre eux présentent une réaction positive au test à la tuberculine. "Un résultat positif à ce test signifie que le patient a déjà été infecté par la bactérie qui cause la tuberculose ou bien qu'il a une tuberculose active", explique un des auteurs de l'étude, le professeur Yvan Leduc. La tuberculine est une protéine libérée par la bactérie lorsqu'elle est détruite par les cellules immunitaires du corps humain.
La prévalence observée dans l'étude est élevée, reconnaît l'équipe de médecins qui a effectué la recherche, mais elle n'est pas exceptionnelle. D'autres études réalisées aux États-Unis, dans des établissements de soins chroniques, ont produit des résultats similaires. "La différence est que là-bas, le problème est pris très au sérieux, signale Yvan Leduc. Ici, comme il n'existait pas de données, on se comportait comme si la prévalence était moins élevée."
Un patient sur trois
Yvan Leduc et Jean-Guy Émond, professeurs au Département de
médecine familiale, et les résidents Sylvain Drapeau, Isabelle
Samson et Roger Tremblay ont obtenu la participation de 55 patients pour
mener à bien cette étude-pilote. Ces patients, dont l'âge
moyen était 80 ans, recevaient des soins de longue durée dans
deux unités rattachées à l'Hôpital de l'Enfant-Jésus
à Québec. Dans le numéro de décembre de la revue
Le médecin de famille canadien, les chercheurs rapportent 17 tests
positifs sur 55. "Ces gens ont tous été exposés
à la tuberculose, dit Yvan Leduc. Certains ont pu l'être il
y a 20 ans et en ont guéri. Chez d'autres, il peut s'agir d'une infection
récente."
Les personnes âgées forment un groupe à risque pour la tuberculose. Au Canada, on signale 43 cas par 100 000 chez les 75 ans et plus comparativement à 7,5 cas par 100 000 dans le reste de la population. Les risques seraient également plus élevés en milieu de soins de longue durée. Aux États-Unis, la tuberculose est de 2 à 4 fois plus courante en milieu de soins chroniques que chez les personnes du même âge vivant à domicile. "Des données ont montré que l'infection peut se propager à l'intérieur même des centres parce que sa prévalence augmente avec le temps dans un même groupe de patients", souligne le professeur Leduc.
"Notre étude montre que la situation au Québec est comparable à ce qui existe aux États-Unis, poursuit-il. Nous n'avons pas démontré que la maladie se propageait d'un patient à l'autre mais il n'y a pas de raison de croire que nous soyons différents des Américains. Il s'agit d'un avertissement pour nous. Il faudrait qu'on s'occupe sérieusement du problème nous aussi."
Mieux vaut prévenir...
Au Québec, écrivent les auteurs de l'étude, les autorités
médicales dressent une ligne de conduite claire dans laquelle la
tuberculose n'est pas dépistée en milieu d'hébergement
et un traitement prophylactique n'est pas entrepris d'emblée chez
les patients qui montrent un résultat positif au test à la
tuberculine. On explique cette décision par le fait que les risques
ne seraient pas plus élevés dans les centres d'hébergement.
Aux États-Unis, les autorités médicales proposent de
soumettre au test à la tuberculine tous les patients admis dans les
établissements de soins chroniques. Les médecins assurent
ainsi un traitement adéquat aux patients atteints de tuberculose
tout en prévenant la propagation de la maladie.
Comme il existe des mesures de prévention efficaces et un traitement adéquat contre la tuberculose, le médecin de première ligne doit être plus vigilant pour participer au contrôle de la maladie, estime Yvan Leduc. "Les médecins pourraient demander un test à la tuberculine pour tous les patients qui sont admis dans une unité de soins prolongés et ils pourraient traiter tous les patients dont le test est positif", dit-il.
La tuberculose serait en recrudescence partout à travers le monde. "Il y a beaucoup de cas dans les pays en voie de développement, entre autres à cause du sida, signale Yvan Leduc. Mais, même ici au Québec, il est maintenant assez fréquent qu'on hospitalise des gens pour la tuberculose."