12 février 1998 |
Depuis un an, Nathalie Noël a fait beaucoup de chemin grâce à la bicyclette: Washington, Paris, Barcelone, Londres, Nottingham, Lausanne, Berne, Bâle... Pourtant, l'étudiante-chercheure inscrite au programme de doctorat en Aménagement du territoire et développement régional se définit comme une cycliste tout ce qu'il y a de plus ordinaire. "J'ai grandi à Louiseville où le vélo était un moyen de transport courant parce qu'il n'y a pas d'autobus. Aujourd'hui, je fais du vélo comme tout le monde. Quand l'occasion s'y prête, je l'utilise pour me rendre à l'Université." Si le vélo lui a permis de faire tant de chemin, c'est qu'elle en a fait son sujet de prédilection depuis qu'elle est inscrite aux études supérieures.
Pendant sa maîtrise, Nathalie Noël a fait l'autopsie des accidents survenus aux intersections d'une bande cyclable bidirectionnelle du quartier Limoilou. Ses analyses, qui ont révélé qu'une forte proportion des collisions impliquaient des cyclistes roulant à contresens de la circulation, ont incité la ville à apporter des modifications aux intersections les plus dangereuses. Son doctorat, entrepris il y a un an avec Martin Lee-Gosselin et Denise Piché, porte sur la place du vélo dans les déplacements de 200 ménages de la région de Québec. L'étudiante-chercheure évalue comment les formes urbaines et les aménagements routiers influencent l'utilisation de la bicyclette. Elle rentre d'ailleurs d'un stage de six mois à l'Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité de Paris où elle a participé à une étude sur les relations entre cyclistes et automobilistes. "À la maîtrise, j'avais surtout travaillé en sécurité routière et ce stage a élargi mes horizons en matière de planification du transport urbain."
Les allures de cycliste modérée et sage de Nathalie Noël cadrent mal avec l'image traditionnelle de radicalisme accolée à ceux qui consacrent une part importante de leur vie au vélo. Mais Nathalie Noël ne rêve pas d'éliminer toute trace d'automobile des routes de la planète. "Je ne veux pas que tout le monde se mette au vélo et je ne veux pas devenir Madame Vélo", insiste-t-elle, consciente que l'avenue sur laquelle elle a engagé ses recherches risque de la conduire dans un ghetto. "Mon but n'est pas de faire la promotion du vélo. Je me vois d'abord comme une urbaniste intéressée par les questions de transport et j'ai le goût d'avoir un champ de pratique plus large que la bicyclette."
Même parmi les scientifiques, le sujet ne fait pas l'unanimité. "Un professeur m'a déjà suggéré de changer de sujet parce que le vélo, disait-il, ce n'est pas très sérieux." Évidemment, Nathalie Noël n'est pas d'accord. "Dans certaines grandes villes du monde, la pollution de l'air a atteint un degré tel qu'il faut imposer la circulation alternée (chaque voiture n'a droit de rouler qu'une journée sur deux). Le vélo, comme la voiture électrique, fait peut-être partie de la solution."
Malgré son souci d'objectivité, Nathalie Noël se laisse, à l'occasion, happer par son sujet. "On m'a toujours appris qu'on faisait de l'urbanisme d'abord et avant tout pour les personnes, dit-elle. Il est temps qu'on considère les besoins des cyclistes et des piétons, les usagers vulnérables de la route. Les études que je fais constituent des outils qui pourront aider les planificateurs à développer des aménagements qui tiennent compte de ces personnes souvent oubliées."