12 février 1998 |
Loto Québec verse 350 000 $ pour la création du Centre québécois d'excellence pour la prévention et le traitement du jeu. Le National Center for Responsible Gaming (USA) ajoute 200 000$ pour raffiner le traitement mis au point à l'École de psychologie.
Loto-Québec vient d'octroyer 350 000 $ pour la création, à l'Université Laval, du Centre québécois d'excellence pour la prévention et le traitement du jeu. Cette somme servira aux cinq premières années de démarrage du nouveau centre dont l'objectif principal est de faire progresser les connaissances dans le domaine de la psychologie des jeux de hasard et de former des spécialistes capables de venir en aide aux personnes pour qui les jeux de hasard et d'argent ne sont plus un jeu.
"Notre groupe a mis au point un traitement très efficace pour les joueurs pathologiques, explique Robert Ladouceur, professeur à l'École de psychologie et directeur du nouveau centre. Nous recevons beaucoup de demandes de joueurs qui veulent obtenir de l'aide mais nous sommes cependant incapables de tous les recevoir. Aucun autre centre au Québec ne possède l'expertise dans ce domaine et le nombre de joueurs pathologiques ou problématiques est à la hausse. Avant que la marmite n'explose, il nous apparaissait urgent de former des psychologues et d'autres spécialistes de l'intervention sociale capables d'aider les personnes aux prises avec de graves problèmes de jeu."
Loto-Québec distribue des dépliants sur les risques du jeu aux entrées des casinos, elle offre des services d'auto-exclusion des joueurs et elle assure les services d'une ligne 800 qui dirige les joueurs vers des ressources pouvant leur venir en aide. "Le problème est qu'il existe peu d'expertise pour les joueurs pathologiques au Québec, dit Robert Ladouceur. Pour combler ce manque de ressources, le Centre va faire de la formation continue auprès des psychologues, des travailleurs sociaux et des policiers."
Le Centre poursuivra également des travaux de recherche pour améliorer la compréhension théorique des jeux de hasard et d'argent. "Nous voulons aussi développer et diffuser des outils de prévention pour conscientiser les jeunes et les adultes aux risques du jeu excessif, poursuit le chercheur. Un de nos projets vise à évaluer des programmes de prévention auprès des jeunes en milieux scolaires".
Rattaché à la Faculté des sciences sociales, le Centre regroupe présentement neuf professeurs, étudiants-chercheurs et employés de l'Université.
Miser sur le traitement
Les besoins en matière de jeu pathologique se font grandissants,
estime Robert Ladouceur qui travaille sur la question du jeu depuis 18 ans.
Les plus récentes études indiquent que les joueurs pathologiques
forment 1,2 % de la population adulte et il semble que ce chiffre soit à
la hausse depuis quelques années. De plus, 2 % des adultes présentent
des comportements de jeu qui les rendent susceptibles de s'ajouter au groupe
des joueurs pathologiques. "La plupart des gens jouent pour s'amuser,
rappelle le chercheur. Le joueur pathologique, lui, joue pour se refaire."
Les traitements destinés aux joueurs étaient souvent calqués sur ceux offerts aux personnes souffrant de problèmes de drogues ou d'alcool. Or, dit Robert Ladouceur, la dynamique du joueur pathologique est différente; elle provient de sa perception erronée du hasard. "Les joueurs pensent qu'en flattant le hasard dans le sens du poil ils vont pouvoir orienter l'issue du jeu. Il faut donc corriger des perceptions du genre "je suis dû pour gagner parce que je viens de perdre dix fois d'affilée" ou "après cinq "pile", un "face" est dû pour sortir". On demande donc aux joueurs de verbaliser ce qu'ils pensent pendant le jeu et on leur fait prendre conscience du fait que les trucs qu'ils utilisent pour prédire l'issue du jeu sont incompatibles avec le hasard." Robert Ladouceur, Caroline Sylvain et Jean-Marie Boisvert viennent tout juste de publier, dans le Journal of Consulting and Clinical Psychology, des résultats indiquant que ce traitement donne un taux de succès de 85 %.
Le traitement développé à l'École de psychologie est maintenant connu en Norvège, en Suède et aux États-Unis. D'ailleurs, un organisme américain, le National Center for Responsible Gaming, dont le siège social est situé à Kansas City, vient d'accorder une subvention totalisant 200 000 $ canadiens sur trois ans au groupe de Robert Ladouceur pour qu'il détermine les facteurs clés du traitement chez les adultes. Le projet prévoit également la possibilité d'utiliser ce traitement chez les adolescents.