5 février 1998 |
Étudiante au baccalauréat spécialisé en études anciennes, cette jeune femme bien d'aujourd'hui brûle de passion pour la Grèce d'hier.
À l'âge de huit ans, alors qu'elle feuilletait un tome de l'Encyclopédie de la jeunesse illustrée, Valérie Giffard est tombée sur une image dont elle se souvient encore: celle de Cerbère, le chien Gardien des Enfers dans la mythologie grecque, et dont le cou, surmonté de trois têtes, est hérissé de serpents. De là à dire que sa fascination pour l'histoire de la Grèce remonte à cet instant magique, il n'y a qu'un pas que cette jeune femme au regard pétillant d'intelligence franchit aisément. Au fil des ans, sa passion pour tout ce qui concerne l'histoire de la Grèce ne s'est jamais démentie, tant et si bien qu'à l'heure des choix universitaires, Valérie Giffard s'est tout naturellement inscrite au baccalauréat spécialisé en études anciennes à la Faculté de lettres de l'Université Laval.
Poussée par les vents de la curiosité intellectuelle, cette étudiante modèle ne s'est toutefois pas contentée d'étudier dans les livres. Du 15 septembre au 20 décembre, elle a ainsi fait un stage d'études dans le petit village de Kolimbari, en Crète, dans le cadre du programme Ithaka, après avoir obtenu la bourse canadienne Virginia-Parker 1997, décernée par la Fondation Citadel (Famille Price), d'un montant de 16 000 $. Seule francophone du groupe, elle a partagé son quotidien avec huit autres étudiantes et étudiants américains, ce qui lui a permis de constater qu'elle se débrouillait aussi bien - sinon mieux - en grec qu'en anglais.
Une île bénie des dieux
"Le programme Ithaka m'a permis de m'immerger complètement dans
la culture grecque", révèle Valérie Giffard, joliment
prénommée Theodora pour la durée de son séjour.
"À l'instar de mes compagnons de stage, j'étais jumelée
à une famille grecque que j'aidais aux champs, à la ferme
ou encore à la maison, durant tous les avant-midis. Si l'après-midi
était consacré à l'étude ou au temps libre,
il y avait cours de 16 h à 20 h 30. Les cours portaient sur la poésie,
l'histoire, l'anthropologie, l'archéologie et sur l'apprentissage
de la langue grecque."
Loin de souffrir de ce régime spartiate, Valérie Giffard trouvait toujours le temps d'aller rêver sur les bords de Méditerranée, sur cette île magnifique, pour elle bénie des dieux. Vouées à la découverte et au plaisir, les fins de semaine étaient consacrées à la randonnée en montagne et à la cueillette des raisins et des olives. Toutes ces activités se déroulaient dans la langue de Platon, langue que cette lumineuse jeune femme maîtrise (presque) à merveille. N'a-t-elle pas été la seule étudiante du groupe à réussir l'examen final de grec?
"Quand on a compris comment fonctionne le système des langues à déclinaisons, l'apprentissage du grec moderne s'avère assez facile", affirme avec modestie Valérie Giffard, qui projette de lire dans un proche avenir L'Iliade et l'Odyssée d'Homère, dans le texte s'il-vous-plaît, oeuvre qu'elle a d'ailleurs lue au cours de ses études collégiales. À cet égard, il faut dire que l'étudiante n'en était pas à ses premières armes au pays de Socrate, puisqu'elle y a déjà effectué un voyage d'études archéologiques d'une durée de trois semaines, en 1995, alors qu'elle fréquentait le Cégep François-Xavier-Garneau. "Je me souviens des cours pratiques suivis à l'ombre du Parthénon, dit-elle avec un brin de nostalgie. C'était tout simplement magnifique. Finalement, il n'y a rien de mieux que d'être sur place pour apprendre et comprendre l'histoire d'un peuple."
Une histoire de vents
Grande lectrice devant l'Éternel, cette jeune femme de 21 ans attribue
son amour de la littérature à "de bons professeurs de
français", mais également à sa mère, qui
lui a donné le goût des livres. Au nombre de ses auteurs préférés
figure - comme par hasard - Michel De Grèce, biographe dont elle
apprécie le style et la culture, sans compter Paul Verlaine et Paul
Valéry. Du côté de la littérature québécoise,
ses préférences vont à Anne Hébert, écrivaine
dont l'oeuvre lui va droit au coeur et dont elle cite des extraits de mémoire.
Récipiendaire de plusieurs prix littéraires, Valérie
Giffard manie elle-même la plume avec bonheur, aussi à l'aise
dans le genre poétique que dans l'essai ou la nouvelle. Fidèle
à ses amours, elle puise souvent son inspiration dans la mythologie
grecque. Mais contrairement à Narcisse qui fut séduit par
sa propre image et mourut de ne pouvoir saisir cet autre lui-même
dont il était devenu amoureux, Valérie Giffard a les deux
pieds bien sur terre, possédant un reflet exact non seulement de
la réalité mais aussi de cet avenir dont elle rêve:
faire un doctorat dans une université grecque pour ensuite transmettre
sa passion de la Grèce à des jeunes. "Pour savoir où
l'on va, il faut savoir d'où l'on vient."
S'apprêtant à repartir pour un second séjour de trois mois en Crète afin de poursuivre son apprentissage de la langue et de la culture grecques, Valérie Giffard a le vent dans les voiles, portée par cette soif de connaissance qui ne l'a jamais quittée. Quand on lui demande de décrire son expérience de la Grèce en trois mots, "Theodora" réfléchit un instant, avant de répondre qu'"il y aurait sans doute une histoire de vents". "J'ai été poussée par les vents jusqu'en Grèce et la Grèce me ramène à mes racines. Oui, c'est tout à fait cela."