5 février 1998 |
La quantité de nourriture consommée augmenterait le risque de cancer de la prostate. Les gros mangeurs seraient presque trois fois plus vulnérables.
Le risque d'être atteint d'un cancer de la prostate augmente en fonction de la quantité de calories consommées, révèle une étude menée par une équipe du chercheurs de la Faculté de médecine. Le poids, la taille et la carrure des sujets n'auraient rien à voir dans le portrait, pas plus que le type d'aliments consommés. Seule la quantité totale de calories ingérées semble entrer en ligne de compte, un résultat que les chercheurs n'hésitent pas à qualifier de "puzzling" dans l'article qu'ils publient sur la question dans le dernier numéro de Nutrition and Cancer.
"Il semble que cette relation dépende d'un ensemble d'aliments et de nutriments plutôt que d'un ou de quelques-uns en particulier, explique le chercheur François Meyer. La quantité de calories consommées ne serait pas à l'origine du cancer mais elle favoriserait la croissance des cellules cancéreuses en agissant sur le métabolisme." Un cancer de la prostate peut évoluer pendant dix à vingt ans avant qu'une personne ne ressente les premiers symptômes, rappelle le chercheur.
François Meyer, Isabelle Bairati, Yves Fradet et Lynne Moore, du Centre de recherche en cancérologie et du Groupe de recherche en épidémiologie, arrivent à ces conclusions après avoir analysé le régime alimentaire de 215 hommes chez qui la présence de cellules cancéreuses a été identifiée à la suite d'un test de dépistage pour le cancer de la prostate ou lors d'une chirurgie pour hypertrophie de la prostate (sans lien avec le cancer). Aucun des participants n'éprouvait de symptômes de cancer de la prostate parce que la maladie en était encore à un stade précoce; chez 92 % des sujets, la tumeur était encore restreinte à la prostate. "Nous croyons donc que les participants n'avaient pas modifié leur diète dans les mois qui ont précédé le diagnostic, dit François Meyer. Les autres études qui ont examiné cette question ont toujours été réalisées auprès de sujets qui avaient un cancer avancé de sorte que la maladie ou le traitement avaient pu les inciter à s'alimenter différemment."
Les chercheurs ont comparé le régime alimentaire de ces 215 hommes avec celui de 593 hommes, recrutés lors des mêmes circonstances, qui ne présentaient aucun indice physique ou biochimique de cancer de la prostate. Les participants ont été subdivisés en quatre groupes selon leur consommation quotidienne de calories (moins de 2 288 kilocalories, entre 2 288 et 2 837, entre 2 837 et 3 475, plus de 3 475). Le risque de cancer de la prostate augmente progressivement en fonction des calories consommées; le facteur de risque est 2,7 plus élevé dans le groupe des gros mangeurs (plus de 3 475 kcal) que dans le groupe des hommes prenant moins de 2 288 kcal.
Étonnamment, aucun type d'aliments ne semble pouvoir expliquer cette tendance. Les gras, quel que soient leur type, n'augmentent pas le risque. Par contre, ceux-ci interviendraient lors de phases plus avancées du cancer de la prostate. À l'opposé, les données ne démontrent pas d'effet protecteur des vitamines, contrairement à ce que suggéraient d'autres études. Les chercheurs concluent que l'alimentation interviendrait relativement tôt dans le développement du cancer de la prostate et pas uniquement dans la progression des stades avancés, comme l'ont suggéré des études antérieures.
"Jusqu'à présent, on pensait qu'il n'y avait pas grand chose à faire pour diminuer le risque de cancer de la prostate, dit François Meyer. Notre étude montre cependant que les règles de base d'une bonne alimentation pour prévenir certaines maladies, les maladies cardiaques entre autres, peuvent également s'appliquer au cancer de la prostate."