5 février 1998 |
Après neuf ans d'efforts, la première lettre du premier continent du Dictionnaire mondial des arbres de Miroslav Grandtner est accessible sur le web.
Un jour, en 1989, une question a traversé l'esprit de Miroslav Grandtner: combien existe-t-il d'espèces d'arbres sur la Terre? Depuis ce moment, la vie de ce professeur du Département des sciences du bois et de la forêt n'a plus été tout à fait la même. "J'ai fait quelques recherches pour réaliser que personne n'avait encore fait l'inventaire complet des arbres. Alors, je me suis dit: je vais le faire."
Neuf ans plus tard, le travail titanesque qui consiste à rassembler, valider et saisir les renseignements disponibles sur chaque arbre du globe, du plus humble au plus majestueux, livre ses premiers fruits. Depuis le début de janvier, les arbres d'Amérique du Nord dont le nom latin commence par un A sont accessibles sur le site web du Dictionnaire mondial des arbres. Un petit pas considérant l'ampleur de la route à parcourir mais un grand pas pour le dictionnaire. "Si nous ne pouvons pas faire l'inventaire des arbres d'Amérique du Nord, on arrête le projet tout de suite, dit-il. Sinon, qu'est-ce qu'on va faire en Afrique et en Amérique du Sud? Plus on approche des zones tropicales, plus c'est complexe en terme de botanique et aussi en termes linguistiques puisque la documentation disponible est en plusieurs langues."
Miroslav Grandtner a entraîné une centaine de personnes dans cette virée mondiale: des chercheurs, des consultants, des recherchistes, des informaticiens. "Je n'ai pas eu de difficulté à trouver des collaborateurs. En général, les yeux s'allument lorsque je parle du dictionnaire. Parce que c'est fantastique d'avoir la chance de travailler sur une question dont personne ne connaît la réponse. En plus, la forêt, c'est notre espace vital vert à nous, les hommes. Connaître la diversité des arbres, leur distribution et les dangers d'extinction qui pèsent sur eux sont des choses fondamentales. Le Dictionnaire mondial des arbres sera le ^'benchmark°' de la diversité mondiale des arbres. Dans 50 ou 100 ans, on pourra s'y référer pour voir comment les choses ont évolué à l'échelle de la planète."
Pour bien saisir les proportions de l'entreprise, il suffit de consulter la première tranche du dictionnaire sur le web. À elle seule, la lettre A de l'Amérique du Nord regroupe 600 taxons (espèces et sous-espèces). "On sait maintenant qu'il y a au-delà de 6 000 taxons en Amérique du Nord seulement et probablement plus de 60 000 taxons à travers le monde", explique Miroslav Grantner. Pour chaque espèce, les chercheurs doivent rassembler des renseignements sur la nomenclature, la répartition géographique, l'écologie, la hauteur, le type de feuillage, l'usage fait par l'homme et les risques de disparition.
Le travail est beaucoup plus avancé que ne le laisse présager le site web. En fait, Miroslav Grandtner et ses collaborateurs ont jusqu'à maintenant complété les fiches de 36 000 taxons. "L'idée derrière le site web est de partager une partie de nos connaissances avec le reste du monde et de les soumettre à la critique universelle." L'opération semble atteindre ses buts puisqu'en un mois, le site, réalisé par Pierre Laplante, de l'UQAR, a accueilli des usagers provenant d'une trentaine de pays qui ont transféré plus de 2 500 fichiers.
Le Dictionnaire mondial des arbres s'adresse aux forestiers, botanistes, écologistes, environnementalistes, chercheurs et étudiants de tous les niveaux. Les linguistes et les traducteurs devraient aussi y trouver de précieux renseignements puisque les noms des arbres y figurent en plusieurs langues. "Il s'adresse même à toute personne curieuse intéressée aux arbres et à la protection de l'environnement ou à ceux qui cherchent tout simplement un arbre à planter sur leur terrain", ajoute le professeur.
Le plan de Miroslav Grandtner prévoit la publication d'un manuscrit par continent. Le premier tome, celui sur l'Amérique du Nord, devrait être prêt d'ici la fin de l'année. Un éditeur d'Amsterdam veut acheter les droits pour le manuscrit et pour le cédérom qui devrait suivre. Mais le financement de la recherche et de la saisie s'avère plus délicat. Quand prévoit-il publier les autres tomes? À cette question, le professeur Grandtner offre une réponse aussi résignée qu'incontournable. "Donnez-moi le financement et je vous donnerai un échéancier".