29 janvier 1998 |
Ne pas faire vacciner son enfant en raison de croyances "alternatives" est un choix personnel aux conséquences sociales insoupçonnées.
C'est essentiellement par conviction que des mères ne font toujours pas vacciner leur enfant au Québec en 1998. Si, chez certaines minorités, les croyances religieuses expliquent cette décision, ce sont surtout les croyances répandues par le mouvement des médecines alternatives et par les drop-out de la médecine conventionnelle qui font des adeptes. "De nombreuses mères choisissent de ne pas faire vacciner leur enfant parce qu'elles croient que la maladie est essentielle au développement de la santé de leur enfant et que la vaccination court-circuite ce processus naturel", explique Marie Rochette, résidente en médecine, qui vient de réaliser une étude sur le sujet avec Pierre Bergeron et de Bernard Duval, du Département de médecine sociale et préventive.
Dans le cadre du programme de maîtrise en santé communautaire, Marie Rochette a rencontré dix femmes, la plupart recrutées par l'intermédiaire de naturopathes, qui avaient consciemment choisi de ne pas faire vacciner leur enfant. Au fil des entrevues, elle a dressé la liste des croyances de ces femmes par rapport à la santé et à la vaccination. "Mon but premier n'était pas de juger ces croyances mais de les identifier. Ce genre d'étude permet de mieux saisir les préoccupations des gens par rapport à la vaccination et d'ajuster les programmes d'information de façon à aider la population à faire un choix éclairé." Notons que le dernier noyau de résistance à la vaccination touche moins de 1 % des jeunes Québécois.
Assurance collective
Les dix mères rencontrées disent être arrivées
à la décision de ne pas faire vacciner leur enfant à
la suite d'un cheminement personnel vers les médecines alternatives.
Selon elles, la plupart des maladies sont reliées à notre
mode de vie; les maladies infectieuses, par contre, servent au développement
de la santé et les vaccins court-circuitent le développement
du système immunitaire. À cause de la bonne alimentation qu'elles
donnent à leur famille, elles croient que leur enfant est moins à
risque que les autres face aux maladies infectieuses. Elles sont cependant
très présentes pour aider leurs enfants à passer à
travers les maladies qui les frappent.
La plupart de ces femmes conçoivent la santé sur le plan individuel mais elles ne réalisent pas que leur enfant est mieux protégé des maladies infectieuses parce que les autres enfants sont vaccinés. "Lorsqu'une forte proportion de la population est vaccinée, un virus peut difficilement se propager et causer des épidémies, explique Marie Rochette. Pour la rougeole par exemple, il faut qu'au moins 95 % des enfants soient vaccinés pour prévenir une épidémie. Ceci assure une forme d'immunité aux enfants chez qui le vaccin ne fonctionne pas de même qu'aux enfants non vaccinés."
Forcer le bras?
À cause des vaccins, il n'y a presque plus de cas de maladies infectieuses
graves chez les enfants québécois, dit Marie Rochette. "Nous
avons perdu la notion qu'il y a une menace parce que la vaccination est
efficace. On ne voit plus d'enfants frappés par la polio autour de
nous. Les complications secondaires du vaccin sont devenues plus courantes
que la maladie, ce qui fait que la perception de l'utilité de la
vaccination est à la baisse."
Les médecins auraient-ils failli à la tâche de bien renseigner la population sur les bienfaits de la vaccination? Marie Rochette croit que non. "Les médias sont toujours preneurs pour des déclarations spectaculaires comme celles que fait Guylaine Lanctôt mais pas pour celles de médecins qui disent qu'il faut continuer à vacciner contre la polio parce que c'est efficace."
Les États-Unis et la plupart des provinces canadiennes ont réglé la question en rendant la vaccination des enfants obligatoire sur leur territoire. Marie Rochette ne croit pas que le Québec devrait forcer le bras de ses citoyens. "Ça ne paraît pas nécessaire parce que la couverture vaccinale est très bonne. Les sondages indiquent que 85 % des enfants d'âge préscolaire ont reçu tous les vaccins et qu'un autre 14 % les auraient presque tous reçus. Si on obtenait des taux de couverture de 60 %, il faudrait peut-être légiférer, mais ce n'est pas le cas présentement."