15 janvier 1998 |
Des chercheurs de la Faculté de médecine
font une percée remarquable en génietissulaire. Les premières
greffes chez l'humain pourraient
être faites dans cinq ans.
Il y a quelques mois à peine, on leur répétait que la piste sur laquelle ils s'étaient engagés était vouée à l'échec et que jamais ils ne parviendraient à fabriquer, en laboratoire, un vaisseau sanguin entièrement biologique. Mais les chercheurs du Laboratoire d'organogenèse expérimentale (LOEX) de la Faculté de médecine n'en n'ont fait qu'à leur tête et la tournure des événements semble leur donner raison. En effet, la page couverture du numéro de janvier du FASEB Journal montre que les chercheurs du LOEX sont parvenus à créer, par génie tissulaire, le premier vaisseau sanguin humain ne contenant aucun tissu synthétique. "Ceci signifie qu'à partir de cellules prélevées chez un patient, on pourrait fabriquer des vaisseaux et les lui greffer pour remplacer de petits vaisseaux défectueux du coeur ou des membres inférieurs", précise Lucie Germain, coordonnatrice scientifique du LOEX.
Viser petit
Les matières synthétiques donnent de bons résultats
pour remplacer de gros vaisseaux défectueux mais, dans les vaisseaux
de petit diamètre où le flot sanguin est moins élevé,
elles favorisent la formation de caillots, d'où l'idée de
leur substituer des vaisseaux entièrement biologiques. Jusqu'à
présent, les tentatives en ce sens avaient donné des résultats
décevants, surtout du point de vue de la résistance à
l'éclatement. Cet inconvénient majeur avait amené plusieurs
chercheurs à conclure que le recours à des matériaux
synthétiques était incontournable pour renforcer la solidité
des vaisseaux "biologiques".
. "C'était avant que l'on repense complètement notre façon de construire les vaisseaux", explique Lucie Germain. Les trois couches de tissus qui composent un vaisseau (la paroi intérieure, la media et l'adventice) sont maintenant cultivées séparément, dans des conditions qui favorisent la synthèse d'une matrice naturelle liant les cellules (auparavant, cette matrice était ajoutée au milieu de culture). Au bout de quelques semaines, le feuillet de média est enroulé sur lui-même pour former un cylindre et les autres feuillets sont ajoutés à celui-ci. Les chercheurs Nicolas L'Heureux, Stéphanie Pâquet, Raymond Labbé, Lucie Germain et François Auger ont démontré, grâce à des tests effectués in vitro de même que chez des animaux de laboratoire, que les vaisseaux ainsi produits sont fonctionnels et résistants. "Le sang circule bien, il ne se forme pas de caillots sur les parois et le vaisseau ne se distend pas, résume Lucie Germain. De plus, chose très importante, les vaisseaux tolèrent des pressions atteignant jusqu'à 20 fois la pression sanguine d'une personne normale. "
La beauté d'un système entièrement biologique, poursuit Lucie Germain, est que c'est vivant et donc, en principe, ça se régénère et ça s'autorépare en cas de bris." Cette découverte suscite évidemment beaucoup d'espoir chez les personnes souffrant de problèmes vasculaires. "Le délai de fabrication des vaisseaux sanguins par cette méthode exclut son utilisation dans des situations d'urgence, précise cependant Raymond Labbé, chirurgien vasculaire et professeur au Département de chirurgie. On peut tout de même croire que beaucoup de patients pourront éventuellement bénéficier des résultats de ces recherches." Les chercheurs du LOEX estiment qu'il faudra encore compter cinq années d'études avant d'effectuer une première transplantation chez l'humain.