15 janvier 1998 |
Les compensations financières proposées par Ottawa aux peuples autochtones relèveraient d'une "politique de la sensiblerie" occultant des points majeurs d'un contentieux séculaire.
L'annonce récente d'un versement compensatoire de 700 millions de dollars par le gouvernement fédéral aux peuples autochtones soulève des problèmes moraux fondamentaux, selon Jean-Jacques Simard, professeur au Département de sociologie à l'Université Laval.
Cette somme constitue une réponse au rapport de la Commission royale d'enquête sur les peuples autochtones, déposé l'an dernier. La moitié de cette somme, soit 350 millions de dollars, sera versée aux autochtones en compensation des sévices psychologiques, physiques et sexuels subis par des anciens élèves de pensionnats religieux. La seconde partie sera employée à l'amélioration des conditions de vie des autochtones, notamment en ce qui a trait à l'éducation et à la formation professionnelle.
Selon Jean-Jacques Simard, le fait d'accorder une compensation financière ne résout pas vraiment le problème. À son avis, par l'octroi de cette somme, le gouvernement se trouve à avouer sa culpabilité au nom de tous les citoyens du Canada, sans faire de distinction entre les coupables et les personnes n'ayant aucun lien avec les actes commis. "La culpabilité collective n'existe pas, explique Jean-Jacques Simard. Le gouvernement fédéral a méprisé un principe de justice fondamental, puisque ce n'est qu'une minorité qui a commis ces actes. Dans cette affaire, le gouvernement a fait preuve d'ethnocentrisme car il n'y a pas de différence entre porter un jugement biaisé sur une ethnie différente de la nôtre et juger des actes passés qui ont été commis dans une culture et un contexte différents de ceux d'aujourd'hui. " Selon lui, le gouvernement a utilisé une "politique de la sensiblerie": "Personne ne peut dire que d'avoir subi des sévices de cette sorte n'est pas grave. Les médias et le public se sont attardés à cet aspect car il faisait appel aux émotions. "
D'autres dossiers majeurs
Paul Charest, professeur au Département d'anthropologie, estime que
la déclaration de la ministre des Affaires indiennes, Jane Stewart,
donne un avant-goût des autres décisions qui découleront
du rapport de la Commission royale d'enquête : "C'est un début,
mais ça ne veut pas dire que le gouvernement fédéral
tiendra compte des principales recommandations qui concernent le territoire
et les ressources naturelles, ainsi que la décentralisation et le
pouvoir d'autogestion. Si le gouvernement se limite seulement à cette
somme compensatoire, il n'aura traité qu'un aspect marginal de la
question."
Rappelons que le rapport de la Commission d'enquête recommandait au gouvernement, entres autres, de consacrer de 1,5 milliard à 2 milliards de dollars de plus par année au financement actuel afin d'améliorer, sur une période de 20 ans, les conditions d'emploi, de santé et de logement des autochtones.