8 janvier 1998 |
Le jour où j'ai appris à ma petite fille de huit ans, Laurie, que j'avais terminé mon mémoire de maîtrise, elle est sortie en trombe de la maison et a couru annoncer la nouvelle à tous les voisins. "Ma mère a fini sa maîtrise!" criait-elle à la ronde, tout excitée. Pour elle comme pour le reste de la famille, mon retour aux études a constitué tout un défi où chacun a dû y mettre du sien. Mais l'expérience en valait la peine et tout le monde en est ressorti grandi, à commencer par moi."
Enseignante à temps plein et mère de trois enfants, Suzanne Demers se souvient avec émotion du jour de sa collation des grades, particulièrement du moment où tous les pa-rents et amis se lèvent pour applaudir les nouveaux diplômés. Si ce souvenir lui est cher, elle n'oublie pourtant pas ces innombrables soirs et fins de semaine passés le nez dans ses livres, où elle frôlait parfois le découragement. "Dans cette démarche, il est non seulement essentiel d'être appuyée par ses proches mais on doit aussi être passionné par son sujet. Finalement, retourner aux études s'apparente à un long voyage qu'on entreprend pour soi, parce qu'on veut avancer."
Dans cette étude dirigée par Jocelyne Giasson et codirigée par Andrée Boisclair, du Département de didactique, de psychopédagogie et de technologie éducative, Suzanne Demers se penche sur l'enseignement réciproque, un modèle d'intervention en lecture auprès d'élèves en difficulté. Pour les fins de sa recherche, elle a analysé le travail de quatre enseignants au primaire auprès de cinq enfants, à raison de 20 mi-nutes par jour, quatre fois par semaine, durant un mois.
"L'enseignement réciproque consiste à se mettre dans la peau de l'enfant lorsqu'il lit un texte en classe, explique Suzanne Demers. L'enseignant aide à la compréhension du texte, en demandant à l'enfant s'il y a des mots qu'il ne comprend pas, par exemple. Parfois, les enseignants croient que l'enfant a saisi le sens d'un mot alors qu'il n'en est rien. Même chose pour les enfants qui réalisent eux-mêmes qu'ils se méprennent sur la signification d'un mot, grâce aux questions ciblées de l'enseignant."
Par le biais de cette expérience, les enseignants se sont aperçus qu'il était important que les enfants verbalisent leurs difficultés. Ils ont appris à composer avec les silences, à ne pas donner de réponses toutes faites et à laisser les enfants poursuivre leur réflexion sur un problème, note la chercheuse . "Avec la mé-thode de l'enseignement réciproque, on travaille pas sur la réponse mais sur le comment faire. L'enseignant doit avoir en tête que ce n'est pas parce que l'enfant sait lire qu'il comprend nécessairement ce qu'il lit."
Selon Suzanne Demers, la bonne compréhension d'un texte constitue un prérequis pour toutes les matières, d'où l'importance de remettre sur les rails un enfant qui s'égare dans le train-train quotidien de la lecture.
Ayant appliqué la méthode de l'enseignement réciproque sur ses propres enfants, elle est à même de constater que se mettre dans la peau des jeunes lecteurs représente un excellent moyen de les faire cheminer dans leur apprentissage. Car lire, c'est vivre!