27 novembre 1997 |
En matière de discrimination systémique, les femmes professeures d'université ont parfois peur des mots.
Si vous vous comparez à vos homologues masculins qui ont joint votre département à la même époque que vous, diriez-vous que votre progression de carrière a été plus rapide, la même ou plus lente?
Telle est l'une des questions qu'a posée Jacqueline Seck à quinze femmes professeures oeuvrant en milieu universitaire, dans le cadre de son mémoire de maîtrise portant sur la discrimination systémique dans une université, dont elle ne souhaite pas divulguer le nom, pour fins de confidentialité. À cette question pour le moins cruciale, douze répondantes ont affirmé que leur progression de carrière avait été la même que celle de leurs collègues masculins, alors que trois d'entre elles ont répondu que la leur avait été plus lente, en raison de choix personnels.
Dans cette étude réalisée sous la supervision de Hélène Lee-Gosselin, du Département de management de la Faculté des sciences de l'administration, Jacqueline Seck s'est notamment intéressée, de façon plus générale, à la perception des répondantes quant au rythme de la progression de carrière des femmes professeures d'université, comparativement à celui de leurs homologues masculins. Ainsi, six répondantes sur quinze considèrent que généralement, les femmes mettent plus de temps à parvenir au sommet de leur carrière universitaire, tandis que six autres estiment que les hommes et les femmes mettent autant de temps à le faire. Si deux personnes n'ont pas voulu se prononcer, une troisième croit que les femmes réussissent plus vite en raison de leur engagement élevé au travail.
Parents au travail
"Certaines disent que la progression de carrière des femmes
est ralentie par les charges familiales pesant sur elles, explique Jacqueline
Seck. D'autres insistent sur le fait que les enfants portent préjudice
à la carrière de la mère, même si le conjoint
leur accorde beaucoup de support. D'autres encore font référence
à la mentalité féminine, affirmant que les femmes sont
conscientes de leurs limites et plus perfectionnistes. Par conséquent,
elles attendent d'avoir un dossier parfait, avant de faire une demande de
promotion, alors que les hommes, eux, n'attendent pas aussi longtemps, sachant
mieux "se vendre"."
En se basant sur les perceptions des participantes à l'étude, Hélène Seck en conclut qu'une certaine discrimination systémique s'exerce à l'égard des femmes quant à leur progression de carrière. En effet, si les hommes peuvent se permettre d'exercer le rôle de parent sans qu'il y ait de répercussions négatives sur le travail, les femmes, elles, ne peuvent exercer ce même droit sans que leur carrière ne connaisse un ralentissement. En somme, le système de promotion ne permet pas aux hommes et aux femmes d'occuper les mêmes rôles sociaux.
Selon la définition globale du concept de discrimination systémique émise par les répondantes, des obstacles à l'avancement de même que des difficultés particulières constituent de bons exemples de discrimination systémique, note Hélène Seck. En même temps, les femmes affirment ne pas subir de discrimination lors des étapes de recrutement, d'agrégation, de titularisation et d'évaluation de la recherche. Cependant, dès que l'entrevue (enregistrée) prenait officiellement fin, plusieurs femmes donnaient des exemples de discrimination qu'elle avaient vécue, souligne la chercheure, pour qui cette situation illustre la tendance, chez les femmes professeures, à émettre des réponses toutes faites sur le sujet. Ce qui l'incite à poser la question suivante: ces femmes sont-elles vraiment conscientes de la discrimination systémique qu'elles subissent ou ne veulent-elles tout simplement pas l'admettre?