27 novembre 1997 |
par Louis O'Neill, professeur à la Faculté de théologie et de sciences religieuses
Un symbole transmet un message. Ainsi en est-il des drapeaux. Le fait d'arborer tel ou tel drapeau n'est pas une banalité. Le drapeau annonce une appartenance, exprime une liberté, parfois révèle une sujétion.
Quand il fut question, il y a quelque trente ans, de supplanter l'Union Jack et le Red Ensign, les dévots de l'Empire britannique protestèrent avec véhémence. Leur appartenance était anglaise, non canadienne. Ils se résignèrent néanmoins à accepter l'unifolié quand ils comprirent qu'il y avait là une formule de remplacement devenue souhaitable face à la montée du courant nationaliste au Québec. Deux nationalismes, deux drapeaux.
De nos jours, l'unifolié symbolise pour les uns l'unité canadienne, pour d'autres l'indication d'un lieu d'exercice d'une compétence fédérale, pour plusieurs la prépotence du pouvoir fédéral sur l'ensemble de l'espace canadien et sur les provinces, particulièrement le Québec.
Depuis la mise en oeuvre du plan B, l'unifolié est devenu le signe de ralliement des forces fédéralistes contre l'indépendance du Québec. Dans ce contexte, la présence de l'unifolié sur un édifice ou un établissement relevant de la compétence québécoise revêt une signification politique. Comme s'il n'existait pas d'institution vraiment de compétence québécoise, telle une ville, une université, un hôpital, des écoles. On veut ainsi signifier que le pouvoir fédéral est partout chez lui dans l'espace pancanadien. Fédéralisme dominateur que Robert Bourassa, homme de concession et de bonne entente s'il en fut, a pourtant dénoncé.
Pour légitimer leur envie secrète de céder face à la manoeuvre du plan B visant à imposer la présence de l'unifolié devant l'Hôtel de ville de Québec, des démissionnaires virtuels invoquent le devoir de courtoisie. Mais ils oublient que la courtoisie doit s'exprimer dans les deux sens. Ils devraient donc exiger que le fleurdelisé flotte sur la Citadelle, les Plaines d'Abraham, la base militaire de Valcartier, les bureaux de poste. Les stratèges du plan B sont-ils disposés à faire preuve d'une telle courtoisie?
Au fait, avant la courtoisie se pose une question d'identité et d'honneur. Il est normal que le peuple québécois exprime son identité et sa fierté en arborant un emblème spécifique, distinct. S'obliger à arborer en plus un drapeau porteur d'un message contraire, c'est se reconnaître un statut colonial.
Méprisable, une querelle de drapeaux? Pas aux yeux des fédéralistes qui nient l'identité québécoise et favorisent l'hégémonie pancanadienne. Pourquoi cela deviendrait-il méprisable quand des Québécois qui aspirent à devenir maîtres chez eux interviennent dans le débat?
Vaine querelle, laissent entendre des citoyens tentés de mettre en veilleuse leur identité et leur fierté. Ces gens font problème. Car il y a aussi triste qu'un drapeau étranger qu'on voudrait imposer: c'est la mise en veilleuse de sa fierté.