6 novembre 1997 |
Une première thèse de doctorat entièrement
sur cédérom est déposée à la
Faculté des études supérieures.
L'étudiant-chercheur Denis Harvey, de la Faculté des sciences de l'éducation, a écrit une nouvelle page d'histoire à l'Université en déposant, le 31 octobre, la première thèse de doctorat entièrement sur cédérom. Selon le doyen de la Faculté des études supérieures, Ngoc Dinh Nguyen, il s'agit non seulement d'une première à l'Université mais également au Québec, au Canada et dans la francophonie. Seule une thèse déposée l'année dernière au Texas peut revendiquer un droit de préséance. La maison d'édition française L'Harmattan a même manifesté son intérêt pour acheter les droits de diffusion de l'hyperdocument.
Comme première hyperthèse, on ne pouvait rêver d'un sujet plus approprié: "Analyse de la multimédiatisation des messages et évaluation de leur efficacité dans un système d'apprentissage multimédia interactif". Marshall McLuhan serait ravi. L'auteur de l'hyperthèse l'est tout autant. "Après avoir travaillé pendant quatre ans sur la médiatisation des messages, j'aurais trouvé bizarre de livrer mon message sur papier, dit Denis Harvey. En plus, je voulais vivre à fond, dans la pratique, l'expérience d'un système multimédia."
Professeur à la Faculté de médecine vétérinaire de Saint-Hyacinthe depuis 1982, Denis Harvey s'est aventuré pour la première fois dans le monde du multimédia à l'occasion d'une année sabbatique prise à l'Université Laval en 1992. "En tant que professeur, je sentais que le multimédia allait prendre de l'importance comme outil d'apprentissage. J'en faisais déjà dans mes cours mais en amateur et je cherchais des recettes déjà prêtes. Je suis donc venu voir les spécialistes du GRAIM (Groupe de recherche sur l'apprentissage interactif multimédiatisé) et j'ai vite réalisé qu'il n'y avait pas de réponses. Comme je suis curieux de nature, j'ai voulu en trouver alors je me suis inscrit au doctorat avec Philippe Marton."
Sa thèse, qui porte sur l'intégration des messages sonores et visuels dans l'apprentissage interactif, teste l'efficacité de 32 principes de design de système multimédia. À partir de règles existantes en psychologie expérimentale, il a bâti un simulateur sur l'anémie qu'il a testé auprès de 15 étudiants en médecine. Sa conclusion: la réalité est toujours plus complexe que la théorie. Il a, entre autres, noté que, parce qu'ils sont encore novices et qu'ils ont l'habitude de tout noter par écrit, les étudiants de troisième année de médecine dépendent davantage du texte écrit que de la narration pour assimiler des concepts. Par contre, ils apprécient les vidéos de mise en situation qui leur permettent d'intégrer les connaissances acquises pour la résolution de problèmes.
Sortir des cadres
L'hyperthèse de Denis Harvey est composée de plus d'une centaine
de pages de texte auxquelles sont imbriqués des images, du son, de
la vidéo et des outils propres aux consultations médicales.
"Il s'agit en fait d'une nouvelle façon de structurer l'information
et de présenter des résultats, dit Philippe Marton. On comprend
tout bien mieux que si c'était sur papier. L'intérêt
des hyperthèses ne se limite pas aux sujets traitant spécifiquement
de technologies éducatives. Éventuellement, toutes les thèses
qui gagnent à avoir recours à cette forme de structuration
de l'information pourraient en profiter."
Évidemment, cette thèse nouveau genre n'est pas sans bousculer une certaine tradition universitaire. "Lorsque Denis a avancé l'idée de présenter sa thèse sur cédérom, j'ai approché le doyen Nguyen pour savoir si c'était acceptable, raconte Philippe Marton. Après en avoir discuté avec les membres de son conseil et après avoir vu un prototype, le doyen nous a donné le feu vert."
"Notre principale préoccupation dans ce dossier était la pérennité de l'information, explique Ngoc Dihn Nguyen. Présentement, une hyperthèse basée sur la technologie de l'heure ne pose pas de problème mais dans 50 ans, aurons-nous encore l'équipement pour la lire?" Même si cette importante question demeure sans réponse pour l'instant, la Faculté des études supérieures tenait à ne pas freiner l'élan de Denis Harvey. "D'une part, parce que c'était la seule façon de rendre justice à son travail et d'autre part parce que nous ne voulions pas être en reste par rapport aux possibilités qu'offrent les nouvelles technologies de l'information."
Trouver des examinateurs disposés à "lire" cette hyperthèse et capables d'en évaluer les mérites a également posé certaines difficultés. Finalement, Pierre Gagné, de la Télé-université, Max Giardina, un diplômé de Philippe Marton maintenant professeur à l'Université de Montréal et Marie-Michèle Boulet, du Département d'informatique, ont accepté de relever le défi. "Ça se lit bien, résume la professeure, mais les critères habituels d'évaluation des thèses proposés par la Faculté des études supérieures s'appliquent mal à ce type de document. Nous avons eu la chance d'avoir un excellent candidat dont la thèse ne posait pas de problèmes".
Objectif numérisation 2000
Un des grands défis qui attend les bibliothèques de l'avenir
est le stockage et la consultation des documents numérisés.
La Faculté des études supérieures, de concert avec
la Bibliothèque, a d'ailleurs mis sur pied un comité pour
étudier les formats qui seront utiles et utilisables dans l'avenir.
À brève échéance, des documents numérisés, tels que la thèse de Denis Harvey, pourraient être diffusés sur Internet. Et, à moyen terme, les thèses conventionnelles pourraient emprunter la même voie. "Nous allons tenir des consultations sur la question, dit le doyen Nguyen. Si tout se déroule comme je l'espère, d'ici l'an 2000, tous les mémoires et toutes les thèses déposés à la Faculté des études supérieures pourront être consultés de partout dans le monde grâce à Internet."