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30 octobre 1997 ![]() |
Pour les nouveaux professeurs, les premiers mois de
vie à l'université
peuvent ressembler à ceux des nouveaux étudiants.
Claudius a les mains moites aujourd'hui en pénétrant dans dans la fosse aux lions car c'est la première fois qu'il soumet ses connaissances à l'épreuve de feu. Va-t-il être à la hauteur des attentes des spectateurs? Même si les nouveaux professeurs qui se jettent dans la rentrée universitaire chaque année n'affrontent pas des fauves dans leur salle de classe, leur angoisse n'a parfois rien à envier à celle de ces lointains gladiateurs découvrant le Colisée de Rome. Au choc de se retrouver dans un nouveau milieu de travail, parfois dans une ville inconnue, s'ajoute souvent la panique d'affronter un premier cours sans aucune expérience d'enseignement. Heureusement, les nouveaux venus disposent aujourd'hui de diverses activités d'accueil pour les aider à passer ce cap difficile.
Après la traditionnelle rencontre avec le recteur et les autres membres de l'équipe de direction de l'Université, organisée en début d'année par le Vice-rectorat aux ressources humaines, les nouveaux engagés bénéficient du programme mis sur pied par le Réseau de valorisation de l'enseignement, une série de huit ateliers échelonnés sur trois ans. Quatre de ces ateliers, organisés la première année d'arrivée à l'Université Laval, ont pour but de familiariser les professeurs avec les différents règlements, les ressources disponibles, mais aussi de les guider dans leur démarche pédagogique en abordant quelques incontournables comme le plan de cours ou l'auto-évaluation de l'enseignant. La formule s'assouplit ensuite, pour que chaque atelier corresponde aux besoins individuels de chaque professeur, qui pourra, au choix, suivre un cours d'enseignement ou bénéficier des conseils d'un enseignant d'expérience.
Nager avant ou dans le bouillon?
"Nous avons hésité entre deux approches en élaborant
ce programme d'accueil, confie Hélène Leclère, directrice
du Réseau de valorisation de l'enseignement. Certains membres voulaient
fournir aux professeurs une formation avant qu'ils ne dispensent des cours,
tandis que d'autres affirmaient qu'il fallait les jeter dans le bouillon
et recueillir ensuite leurs réactions." Finalement, la formation
constitue un compromis entre ces deux tendances, puisque la première
année permet d'acquérir l'abc de l'enseignement, et que les
autres ateliers s'adaptent aux expériences individuelles.
Le programme d'accueil permet aussi aux nouveaux venus de briser leur isolement en créant un groupe capable de s'entraider mutuellement. "Rencontrer des nouveaux profs qui vivent des situations similaires, c'est capital", reconnait Manuel Rodriguez-Pinzon, professeur au Département d'aménagement. "On s'aperçoit que d'autres affrontent aussi une situation difficile, et certains nous suggèrent des conseils qu'on peut appliquer dans nos propres cours." Cet enseignant qui, en arrivant en août dernier, a dû bâtir en quelques semaines un cours sur la gestion environnementale, songe ainsi à appliquer bientôt les conseils d'un de ses camarades participant aux ateliers de pédagogie en ce qui concerne la notation de groupe.
Seul face aux élèves
L'échange mutuel de trucs et de conseils s'avère d'autant
plus important que les nouveaux professeurs sans expérience préalable
d'enseignement se sentent parfois un brin désemparés en début
d'année. "Personne ne m'avait expliqué au départ
que je serais le seul maître à bord, libre d'orienter le cours
à ma guise, explique Frédéric Michaud, professeur
en actuariat depuis août dernier. Cela m'a beaucoup surpris de constater
à quel point on nous laisse aller dans la jungle."
L'expérience s'avère décoiffante même pour des professeurs aguerris comme Jean-Michel Boulay, nouveau venu à la Faculté de musique, qui a déjà fait ses premières armes dans d'autres universités: "En arrivant, j'ai constaté que les professeurs d'ici avaient bien plus de latitude pour concevoir leurs cours que dans les universités anglophones où il faut constamment coordonner les contenus." Ce professeur d'écriture musicale a dû par ailleurs se débrouiller par lui-même en prenant ses fonctions en août dernier, et élucider à froid quelques énigmes administratives, ou même des questions aussi pratiques que fonctionnement de la photocopieuse, en posant de nombreuses questions à ses collègues professeurs. Selon lui, sa faculté d'accueil recrute trop rarement de nouveaux professeurs pour disposer de structures d'accueil efficaces.
La mécanique subventionnaire
Éric Van der Schuren a pâti, de son côté, d'un
manque d'informations en arrivant au Département des littératures
à la rentrée: "J'ai dactylographié deux cours
dirigés à simple interligne avant d'apprendre qu'il suffisait
de rencontrer régulièrement les étudiants et de leur
donner des lectures, pour ce type de cours." Engagé dans la
préparation de deux cours qu'il donne pour la première fois
àce trimestre, ce professeur spécialisé en littérature
belge a bien failli également manquer de temps pour présenter
des demandes de subvention pour ses recherches et, surtout, d'informations
pertinentes sur la manière de présenter son projet de recherche.
Heureusement, une de ses collègues l'a initié aux subtilités
respectives des bailleurs de fonds d'ici, bien différentes de celles
des organismes européens.
Tatiana Stevanovic-Janézic n'a que quelques jours, elle aussi, pour boucler sa première demande de subvention. Deux mois après sa première rentrée dans une université québécoise, cette professeure originaire de l'ex-Yougoslavie commence tout juste à respirer un peu. Elle a repris au pied levé un cours de physico-chimie appliqué au bois, quelques jours seulement après son arrivée à la Faculté de foresterie et de géomatique. "Heureusement que le directeur du Département m'a aidé à trouver un logement et une école pour mes deux enfants, raconte-t-elle, car je ne connaissais pas du tout Québec et j'arrivais directement de Belgrade."
Finalement, le stress inévitable occasionné par cette très rapide adaptation des nouveaux enseignants à leur nouvelle condition ressemble assez à celui celle des étudiants et des étudiants qui débarquent pour la première fois à l'Université Laval de leur lointaine Gaspésie ou Côte-Nord.