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30 octobre 1997 ![]() |
Les National Institutes of Health injectent 6 millions de dollars dans le projet HERITAGE piloté par des chercheurs de Laval.
Les National Institutes of Health des États-Unis viennent d'accorder une subvention de près de 6 millions de dollars (CAN) à une équipe de chercheurs de cinq universités nord-américaines, dirigée par Claude Bouchard, du Laboratoire des sciences de l'activité physique (LABSAP) de l'Université Laval. Cette subvention servira à la réalisation de la phase 2 du projet HERITAGE (HEalth, RIsks factors, Training And GEnetics). Plus de la moitié de la subvention, soit 3,6 millions, ira à la mise en oeuvre de travaux menés par des chercheurs de l'Université Laval.
"Même si ce que nous proposions était la suite logique
du projet déjà subventionné par les NIH, le financement
de la phase 2 d'HERITAGE n'était pas acquis à l'avance, explique
Claude Bouchard. Les NIH ont l'habitude de financer des projets qui ne dépassent
pas trois ans et dont le budget est en moyenne de 140 000 $. Pour qu'un
centre de recherche étranger comme le nôtre obtienne 3,6 millions
de dollars, il a fallu que nous soyons très bien cotés par
les évaluateurs et que nous fassions la démonstration de l'importance
du projet."
Entrepris en 1992, HERITAGE vise, d'une part, à déterminer
l'effet de l'exercice sur huit facteurs de risques (endurance respiratoire,
pression artérielle, taux de graisses, métabolisme du glucose
et de l'insuline, etc.) associés aux maladies cardio-vasculaires
et au diabète. D'autre part, les chercheurs espèrent identifier
les gènes qui font que des personnes soumises à un même
programme d'entraînement n'obtiennent pas des bénéfices
équivalents quant à la diminution des risques de maladies
cardio-vasculaires et de diabète. Les travaux antérieurs de
l'équipe de Claude Bouchard ont montré que chez certaines
personnes, un programme d'entraînement peut avoir des effets spectaculaires
sur la capacité de travail ou sur le taux de graisses, alors que,
chez d'autres sujets, le même programme ne produit aucun changement.
Des effets génétiques conditionneraient, en partie, ces différences
interindividuelles.
En plus de fournir des données inédites sur l'effet de l'exercice physique dans la prévention des maladies cardiaques et du diabète, l'étude devrait permettre d'élucider certaines questions touchant les mécanismes génétiques impliqués dans l'adaptation du corps humain à l'exercice.
De nouvelles pistes génétiques
HERITAGE est une étude multicentrique à laquelle participent
quatre autres universités américaines: University of Minnesota,
Washington University Medical School à Saint-Louis, Indiana University
et Texas A&M University. L'équipe de Laval assure la coordination
de l'ensemble des travaux. Pendant la première phase du projet, 745
personnes sédentaires provenant de 200 familles nord-américaines
ont été soumises à un programme d'entraînement
de 20 semaines. Les participants ont subi une batterie de tests avant et
après le programme afin de mesurer le métabolisme de l'insuline
et du glucose, les lipides sanguins, la pression sanguine au repos et pendant
l'exercice, le poids, la masse adipeuse, les graisses viscérales,
la répartition des graisses dans différentes parties du corps
ainsi que la concentration des hormones sexuelles et de plusieurs autres
hormones. Des prélèvements de sang ont été effectués
pour l'analyse de l'ADN des participants et pour divers autres dosages.
Au cours des quatre prochaines années, les chercheurs analyseront l'énorme banque de données ainsi constituée. Les chercheurs de Laval concentreront leurs efforts sur les pistes génétiques. "Nous allons effectuer le criblage complet du génome avec 300 marqueurs dans le but d'associer des régions du génome à la réponse obtenue à l'entraînement, dit Claude Bouchard. Nous allons également tester une centaine de gènes connus pour vérifier s'ils sont ou non associés à la réponse à l'exercice. Enfin, nous allons chercher de nouveaux gènes candidats en comparant les ARN exprimés dans le muscle de sujets qui ont très bien répondu à l'entraînement à ceux de sujets chez qui l'entraînement n'a pas produit d'amélioration."
Des voies métaboliques insoupçonnées
En plus de disposer d'une banque de gènes de tous les participants,
les chercheurs ont conservé, pour chacun des sujets, des échantillons
de plasma, de sérum et d'urine totalisant 60 000 éprouvettes.
"Au besoin, ceci nous permettra de réaliser des "études-congélateur"
(sans devoir rappeler les participants) pour tester des hypothèses
qui pourraient émerger en cours de route, dit Jacques Gagnon, un
des chercheurs d'HERITAGE. On pourrait ainsi trouver des voies métaboliques
insoupçonnées qui interviennent dans les bénéfices
produits par l'exercice."
"Si tout se déroule selon les plans, poursuit Claude Bouchard, dans quatre ans, nous aurons identifié les mécanismes génétiques qui interviennent dans la réponse à l'entraînement et nous aurons isolé plusieurs gènes qui interviennent dans le contrôle des facteurs de risques. C'est le premier effort de cette envergure jamais tenté dans ce domaine et nous disposons maintenant des ressources financières pour le réaliser."
Le volet Laval du projet HERITAGE regroupe neuf chercheurs du LABSAP (Claude Bouchard, Jacques Gagnon, Louis Pérusse, Angelo Tremblay, Jean-Aimé Simoneau, Germain Thériault, Denis Prud'homme, France Dionne, Yvon Chagnon), deux chercheurs du Centre de recherche sur les maladies lipidiques, Jean-Pierre Després et Jean Bergeron, un chercheur du Laboratoire d'endocrinologie moléculaire, Alain Bélanger, et un chercheur de l'Unité de recherche sur le diabète, André Nadeau. Suzanne Lussier-Cacan, de l'Université de Montréal, participe également aux travaux. Pour la phase deux du projet, HERITAGE compte sur une équipe de 70 personnes réparties dans les cinq universités. L'équipe de Laval regroupe 40 personnes dont de nombreux étudiants-chercheurs et cinq chercheurs post-doctoraux.