9 octobre 1997 |
D'abord voués à la défense du
Pape,
les Zouaves se sont transformés peu à peu en un groupe social.
Dans un des épisodes de l'émission des Belles histoires des pays d'en haut, dans les années 1950, le personnage du Père Ovide, qui fait partie du régime des zouaves pontificaux canadiens, rentre chez lui en état d'ébriété avancée. L'un des téléspectateurs, le Colonel Roger Langevin - zouave dans la vraie vie et fier de l'être - téléphone à Radio-Canada pour porter plainte. Résultat: non seulement l'auteur du téléroman, Claude-Henri Grignon, s'excuse-t-il auprès des personnes que la situation aurait pu choquer, mais plus jamais le personnage du zouave ne sera présenté sous cet aspect négatif, du moins à la télévision de Radio-Canada.
Selon Diane Audy, qui a consacré son mémoire de maîtrise en ethnologie des francophones en Amérique du Nord à l'Association des zouaves du Québec, l'anecdote illustre à merveille l'importance et la notoriété de ce groupe, avant qu'il tombe en désuétude avec les années. Car si la seule prononciation du mot "zouave" fait aujourd'hui sourire, évoquant un personnage mi-idiot, mi-bouffon, il fut un temps où faire partie du corps des zouaves au Québec représentait un grand honneur pour les hommes qui s'y enrôlaient. Fondé en 1899 par Charles-Edmond Rouleau, ce corps de zouaves fonctionnait en tout point sous le modèle français, créé trente ans plus tôt pour assurer la défense du Pape en Italie. En fait, l'Association des zouaves de Québec était structurée comme un régiment, avec des compagnies regroupées bataillons. Ayant comme devise "Aime Dieu et va ton chemin", les zouaves portaient fièrement l'uniforme, défendant les valeurs religieuses en véritables soldats du pape. Deux critères d'admission suffisaient pour se joindre au groupe: être un bon catholique et un bon citoyen, respectueux de l'ordre établi.
"À côté des activités militaires, les zoauves pouvaient s'adonner à toutes sortes d'activités sociales, souligne Diane Audy. En fait, beaucoup de jeunes hommes - provenant en majorité de la classe ouvrière - étaient attirés par la possibilité de pratiquer des sports avec des équipements de pointe, de faire partie de corps de clairons et d'effectuer de petits voyages par le biais de l'Association, et ce, tout à fait gratuitement. De leur côté, les mères de famille encourageaient leurs fils et leurs maris à se joindre au groupe, sachant qu'ils étaient parfaitement encadrés dans un lieu où la morale était sauvegardée."
Si le groupe atteint son apogée dans les années 1950, comptant alors plus de 2 000 membres, un certain déclin commence à se faire sentir au tout début de la Révolution tranquille. Voyant que leur étoile commence à pâlir, les zouaves essaient de se mettre au goût du jour, notamment en modernisant l'uniforme (le pantalon bouffant devient droit, en 1964) et en organisant des activités à caractère familial où les femmes sont admises. Peine perdue: il est bien fini le temps où les zouaves accompagnaient en grandes pompes les dignitaires, à l'occasion de fastueuses cérémonies religieuses ou encore, assuraient le service d'ordre à la messe du dimanche. En 1984, lors de la venue du pape Jean-Paul ll, les zouaves connaîtront leur ultime heure de gloire, faisant à leur illustre chef une dernière haie d'honneur.
"Jusqu'en 1995, les derniers zouaves se réunissaient annuellement sur la tombe d'un des leurs afin de lui rendre hommage, rappelle Diane Audy. Symboles d'un passé révolu, les zouaves qui restent ne sortent plus. Chose certaine, la création d'un tel groupe aura permis à des jeunes et moins gens de se réunir et de participer à toutes sortes d'activités éducatives et sociales. Au cours d'un entretien, un monsieur très âgé m'a confié que son intégration aux zouaves, alors qu'il était adolescent, l'avait sauvé de la délinquance."