9 octobre 1997 |
Gravure, lithographie, sérigraphie: les étudiants en arts visuels de Laval et de l'UQTR proposent leurs "oeuvres vives"
Sur un navire, les oeuvres vives sont cette partie de la coque située au-dessous de la ligne de flottaison. Immergées dans l'océan, cachées dans la mer obscure et inconnue, les oeuvres vives symbolisent l'inconscient, cette part de nous-mêmes qui ne demande qu'à respirer. C'est cette plongée au coeur de l'intériorité et de la créativité que proposent une trentaine d'étudiants et d'étudiantes en arts visuels de l'Université Laval et de l'Université du Québec à Trois-Rivières, à travers une exposition baptisée à bon escient "Oeuvres vives".
Dédiée à l'estampe, l'exposition - qui se tient à la salle d'exposition du pavillon Alphonse-Desjardins - présente des oeuvres choisies d'étudiants de premier cycle en gravure, lithographie et sérigraphie. Mais ce qui pourrait constituer une banale illustration de différents procédés d'impression s'avère ici un brillant exercice artistique de la part d'artistes dont le professionnalisme saute aux yeux. Professeure à l'École des arts visuels et responsable de l'exposition, Nicole Malenfant est extrêmement fière du résultat. "À l'Université Laval, nous avons une tradition d'excellence au niveau de l'estampe qui ne se dément pas au cours des années, affirme-t-elle. En fait, l'une de nos forces réside dans cette capacité de faire le lien entre le processus créateur et l'apprentissage technique. Quand on met trop l'accent sur la technique, on occulte le processus de création. Il faut donc savoir doser."
Le hasard et la liberté
Selon Nicole Malenfant, l'exposition met bien en relief les préoccupations
et les différences des enseignements prodigués par les deux
universités. Alors que les étudiants de Trois-Rivières
utilisent beaucoup l'informatique pour réaliser des oeuvres à
dominante figurative porteuses de messages sociaux, leurs confrères
de Québec, eux, usent d'une écriture plus "poétique",
davantage centrée sur la recherche du hasard: "À Laval,
le jeu de transformation de l'image se fait davantage manuellement et la
dominante est abstraite. Le message se lit moins directement. Finalement,
plus une oeuvre d'art est énigmatique, plus elle est forte. Ceci
étant dit, la qualité des oeuvres présentée
est frappante, de part et d'autre."
"Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage": cette phrase de Boileau s'applique à merveille au travail de ceux qui s'adonnent à l'estampe. En effet, qu'il s'agisse de sérigraphie, de lithograhie ou encore d'eau-forte, les étudiants doivent faire preuve d'une patience infinie afin de rendre leur travail à terme, et ce, sans brûler les étapes. "Ce que j'aime dans l'estampe, ce sont les transformations qui s'opèrent, souligne ainsi Jocelyne Coderre. C'est une forme d'alchimie convenant à ma nature. En art, tant que les sentiers sont connus, on n'est pas véritablement engagé dans le processus de création." À cet égard, Jocelyne Coderre avoue que son Don Quichotte (eau-forte), dont la silhouette mythique ne prête aucunement à confusion, constitue presque le fruit du hasard.
"Même si on pense avoir le contrôle en gravure ou en lithographie, on ne sait jamais vraiment ce qui va sortir", estime pour sa part Louise Lasnier, qui expose notamment deux gravures sur bois représentant une énigmatique tête de femme. "Chose certaine, chaque technique possède son potentiel et ses limites. "Refusant le travail en série, Louise Lasnier veut conserver son caractère sacré à l'estampe, un genre qui doit conserver ses titres de noblesse, à l'instar de la peinture. Ce respect des matériaux et de la démarche propre à l'estampe revient d'ailleurs constamment dans la bouche des artistes qui, loin d'être rebutés par la technique, s'en servent pour porter leur art vers des sommets inconnus d'eux-mêmes. "La pierre parle, il faut bien la traiter pour qu'elle réponde", dit doucement Pauline Hébert, dont la superbe lithographie intitulée "L'E dans l'O" pourrait résumer à elle seule cette magnifique exposition: l'Excellence dans l'Oeuvre.
L'exposition Oeuvres vives est présentée à la salle d'exposition du pavillon Alphonse-Desjardins jusqu'au 17 octobre. Les heures d'ouverture sont, du lundi au vendredi, de 9 h à 17 h; le samedi et le dimanche de 13 h à 17 h.