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2 octobre 1997 ![]() |
Cette nouvelle méthode mise au point à la Faculté de médecine ouvrirait de nouveaux horizons dans la lutte contre les maladies infectieuses
Des chercheurs de la Faculté de médecine ont mis au point un test grâce auquel de nouveaux médicaments contre les bactéries, les virus et les champignons pourraient voir le jour. Les trois chercheurs responsables de cette découverte, Roger Levesque, Guy Cardinal et François Sanschagrin ont déposé, le 19 septembre, une demande au Bureau américain des brevets pour une "Méthode d'identification de gènes essentiels et de nouvelles cibles thérapeutiques".
"Cette découverte répond à un énorme besoin du côté de l'industrie pharmaceutique, dit Roger Levesque. Grâce à des travaux réalisés à travers le monde, on connaît maintenant des millions de séquences dans les gènes des microorganismes mais on ignore cependant à quoi elles servent. La méthode que nous avons développée permet de déterminer si la séquence est essentielle pour la survie d'un microorganisme, sans qu'il soit nécessaire de connaître la fonction de ce gène. Si la séquence est essentielle, elle constitue une cible intéressante pour tester des médicaments."
La genèse d'une idée
La petite histoire de cette découverte commence au printemps dans
les laboratoires Abbott, à Abbott Park en Illinois où, devant
une centaine de chercheurs de l'entreprise, Roger Levesque présente
ses travaux en génomique bactérienne. Pendant la période
de question, un des chercheurs présents l'interroge sur la façon
d'identifier les gènes importants parmi tout le génome d'une
bactérie. "Je l'ignorais et il n'y avait rien dans la littérature
scientifique à ce sujet, dit-il. J'ai réfléchi pendant
quelques jours puis, Guy Cardinal, François Sanschagrin et moi nous
sommes enfermés dans un local pendant plusieurs heures pour brasser
des idées. À la fin de la journée, nous avions une
piste et quelques jours plus tard, j'appelais Abbott pour leur annoncer
que nous avions un prototype du test de gènes essentiels. Les gens
de Abbott sont venus à Laval, nous avons signé une entente
réciproque de confidentialité et nous leur avons fait une
présentation de quatre heures. Le 19 septembre, nous avions un contrat
avec Abbott et un dépôt de brevet."
Le brevet sera octroyé si la démonstration est faite que la technologie constitue une innovation utile et légale. Abbott semble déjà avoir son idée sur la question puisque la compagnie a couvert tous les frais entourant la demande de brevet et que, dans la prochaine année, elle investira 121 000 $ US (environ 165 000 $ CAN) dans le laboratoire de Roger Levesque pour la mise à l'essai de la méthode des gènes essentiels sur la bactérie responsable de la fibrose kystique.
"La demande de brevet a été déposée du côté américain parce qu'elle sera traitée en moins de six mois alors qu'il aurait fallu trois ans au Canada", dit Ghislaine Mathieu, responsable de ce dossier au Bureau de valorisation des applications de la recherche de l'Université Laval. L'obtention d'un brevet pour la méthode des gènes essentiels implique que l'Université détient tous les droits de propriété intellectuelle sur cette découverte et qu'elle pourra éventuellement toucher des redevances si la méthode était commercialisée.
"Cette expérience me fait réaliser qu'en tant que chercheur universitaire, on se sait pas toujours ce que veulent les industries, dit Roger Levesque. On ne peut pas orienter nos recherches uniquement en fonction de leurs besoins mais il y a moyen de réaliser des projets ensemble. Ma participation au Réseau canadien de centres d'excellence sur les maladies bactérienne a favorisé les rencontres et les contacts avec le monde de l'entreprise privée."
Outre cette ouverture à l'entreprise, Roger Levesque attribue la découverte du test des gènes essentiels au climat de travail qui règne parmi la dizaine de membres de son laboratoire. "J'ai une équipe du tonnerre, dit-il. Notre but n'est pas de croître mais de former des étudiants-chercheurs compétents, capables de trouver de l'emploi sur le marché au terme de leurs études, tout en faisant des travaux scientifiques de qualité. Chaque étudiant est continuellement en contact avec un professionnel de recherche et avec moi. Cet encadrement fait qu'en moyenne, ils complètent une maîtrise en cinq trimestres et leur doctorat en neuf trimestres."
JEAN HAMANN