![]() |
25 septembre 1997 ![]() |
Des féministes de la première heure déplorent le retour en force du conservatisme
Vous avez certainement déjà entendu quelqu'un confier dans un micro, avec un air entendu, cette expression: "Ce n'est peut-être pas pollitically correct de le dire, mais..." qui précède généralement une remise en doute des statistiques sur la violence faite aux femmes, ou la dénonciation d'une école trop féministe. Si l'on en croit Benoîte Groult et Armande Saint-Jean, les féministes en ont plus qu'assez de faire les frais de cette forme de rectitude politique qui les confine à un rôle d'anciennes combattantes, dépassées par les événements. L'essayiste et romancière française et l'ancienne journaliste devenue professeure en communication traçaient un portrait de l'évolution du mouvement des femmes dans leur pays respectif, en clôture de la Journée féministe, à l'invitation, notamment, de la Chaire d'études Claire-Bonenfant sur la condition des femmes.
Benoîte Groult l'avouait candidement vendredi, la vue d'une salle bondée pour ce débat la surprenait agréablement et la réconfortait, elle qui vit dans un pays où le féminisme lui semble mort. "Des féministes repenties écrivent des livres de contrition et dénoncent le matriarcat débridé qui se serait installé", précisait-elle, tout en dénonceant le refus des femmes politiques françaises de prendre position clairement en faveur des droits des femmes pour ne pas perdre leur crédibilité. Cette écrivaine, qui a vécu une partie de sa vie par procuration, épousant des hommes qui exerceaient le métier dont elle rêvait, sait pourtant l'importance de posséder des références dans la société. Sans ces personnages publics auquels elles peuvent s'identifier, les femmes ont parfois du mal à accéder à une conscience féministe.
Continuer le combat
Combattante de la première heure, Armande Saint-Jean s'inquiète
pour sa part de l'essoufflement du mouvement des femmes au Québec,
durant la dernière décennie, et de l'absence des jeunes, qui
associe le féminisme à une idéologie dépassée.
Selon elle, les féministes ont perdu de leur combativité,
leur ardeur a tiédi. Mais si les grands combats des années
60 ou 70, comme le droit à l'avortement, semblent en apparence remportés,
la véritable bataille se mène ajourd'hui dans la vie quotidienne.
La professeure en communication part ainsi en guerre contre le traitement de faveur dont bénéficieraient les associations de pères divorcés revendiquant la garde de leurs enfants, au détriment des milliers de femmes qui ne touchent toujours pas leur pension alimentaire. De la même façon, elle s'insurge contre la couverture médiatique de la Journée des femmes, le 8 mars dernier, qui n'évaurait évoqué que les enfants privés de nourriture ou affligés d'un quotien intellectuel inférieur à la moyenne dans les familles monoparentales.
Plusieurs jeunes femmes, présentes au débat, sont venues affirmer au micro leur espoir d'insuffler un souffle nouveau à ce mouvement qui leur a apporté "sur un plateau", pour reprendre les mots d'une participante, ces acquis dont elles bénéficient aujourd'hui. De quoi réconforter encore un peu plus Benoîte Groult avant de repartir vers un pays où les femmes présidents ou dirigeants d'entreprise hésitent encore à ajouter un "e" à la fin de leur titre.