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21 août 1997 ![]() |
À l'instar de certains antibiotiques devenus inefficaces contre les maladies infectieuses, de plus en plus d'herbicides, de fongicides et d'insecticides font chou blanc contre les ennemis des plantes cultivées.
"Depuis trois ans, le nombre de mauvaises herbes résistantes aux herbicides augmente de façon exponentielle", a signalé Anita Brûlée-Babel, de l'Université du Manitoba, devant les participants au Congrès annuel de la Société de protection des plantes du Québec, rassemblés les 12 et 13 juin au Centre agronomique de l'Université Laval à Sainte-Croix. L'émergence de mauvaises herbes résistantes, qui menace de se transformer en raz de marée, résulte de plusieurs facteurs, rappelle la chercheure. "La vitesse de propagation du phénomène dépend de la fréquence des gènes de résistance chez une espèce donnée, de sa fécondité, de son mode de reproduction et de la transmission génétique de la résistance. Une fréquence élevée combinée à l'usage répété d'un puissant herbicide peut rapidement conduire à l'apparition d'une nouvelle population de mauvaises herbes résistantes."
La création, par manipulations génétiques, de cultures résistantes aux herbicides constitue une des voies de salut envisagées présentement, signalent Gilles Leroux, du Département de phytologie de l'Université Laval et François Tardif, de l'Université Guelph. Une approche qui ressemble étrangement à une fuite vers l'avant puisqu'elle permettrait d'utiliser plus d'herbicides pour éliminer les plantes indésirables sans toutefois menacer la survie des plantes en culture. Au Canada, la libération de végétaux modifiés génétiquement est maintenant autorisée mais elle doit être approuvée par le Bureau fédéral de biotechnologie végétale. Avant de prendre la clé des champs, les espèces transgéniques doivent montrer patte blanche quant aux risques qu'elles font peser sur l'environnement.
"Les plantes transgéniques offrent un moyen additionnel de désherbage, la possibilité d'utiliser des herbicides sécuritaires et une flexibilité accrue dans les rotations", estiment les chercheurs Leroux et Tardif. Par contre, certains craignent que l'augmentation de l'usage des herbicides ne favorisent l'apparition de "super mauvaises herbes" ou que la plante résistante se propage dans d'autres types de cultures où elle serait alors nuisible, ou bien encore qu'elle transmette le gène de résistance à des espèces sauvages apparentées. "Les cultures transgéniques présentent des bénéfices potentiels importants et leur utilisation dans des systèmes de lutte intégrée permettra de limiter les effets négatifs", concluent tout de même les deux chercheurs.
Aussi bien se faire une raison, le développement de la résistance est presque inévitable, constate Marjorie Hoy, de l'Université de la Floride. "Les espoirs fondés sur la recherche du magic bullet ont été déçus. La question maintenant n'est plus de savoir si la résistance va se manifester mais bien quand elle va le faire. À partir de là, nous devons planifier nos interventions de façon à retarder l'apparition de la résistance plutôt que d'espérer la prévenir."