19 juin 1997 |
Une humble plante de sous-bois et un champignon microscopique apportent une réponse à la grande question: "Les unions, qu'ossa donne?"
La plupart des plantes abritent sur leurs racines des champignons microscopiques (mycorhizes) avec lesquels elles vivent en harmonie. Les champignons favorisent la croissance des plantes en leur apportant des éléments nutritifs et, en échange, ils s'alimentent à même les réserves constituées par leurs hôtes. Derrière cette belle histoire d'entraide se cachent de cruelles questions d'économie naturelle auxquelles personne n'avait encore trouvé réponse: quel prix la plante doit-elle payer pour maintenir cette union et à qui la relation profite-t-elle vraiment?
Grâce à la biologie particulière d'une plante printanière, l'érythrone d'Amérique, deux chercheures du Département de biologie, Line Lapointe et Julie Molard, publient, dans le dernier numéro du New Phytologist , des données inédites sur les coûts cachés de cette union "underground".
Donnant-donnant?
Au printemps, l'érythrone dispose d'à peine sept semaines
avant que les feuilles des arbres ne tressent au-dessus d'elle un voile
opaque, pareil à un linceul, marquant la fin de sa saison de croissance.
L'été venu, la plante perd ses feuilles (une seule feuille
dans 90 % des cas) et entre en période de dormance. Pour profiter
à plein de la courte saison, l'érythrone fabrique ses nouvelles
racines au début de chaque automne et, aussitôt, celles-ci
sont envahies par les champignons. Fait inédit dans le monde végétal,
les champignons se développent alors que l'érythrone est dépourvu
de feuille rendant impossible tout mécanisme de compensation par
photosynthèse.
Grâce à cette singularité, Line Lapointe et Julie Molard ont pu quantifier les coûts de cohabitation en comparant la croissance d'érythrones normaux à celle d'un groupe d'érythrones sur lesquels elles ont appliqué un fongicide (stoppant ainsi le développement des champignons). Résultats? En absence de champignons, les plantes produisent des racines trois fois plus longues et deux fois plus lourdes. En fait, en conditions naturelles, l'érythrone investit davantage de réserves nutritives dans les champignons que dans la fabrication de ses propres racines.
Au printemps par contre, les gourmands invités se métamorphosent en précieux alliés: le taux de croissance des plantes associées à des champignons atteint deux fois celui des plantes traitées aux fongicides. "Les plantes mycorhizées partent désavantagées parce qu'il leur reste moins de réserves nutritives mais elles rattrapent vite le retard. En bout de ligne, les mycorhizes semblent très bénéfiques aux érythrones", conclut Line Lapointe.