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5 juin 1997 ![]() |
De jeunes diplômés veulent exporter la révolution de la numérisation 3-D dans les contrées encore vierges du domaine biomédical.
Naviguer dans l'immense gruyère qu'est l'Internet peut réserver des surprises. Et, parfois, de fulgurantes révélations. En 1992, Pascal-Simon Houle a sursauté en lisant, sur son écran d'ordinateur, un appel lancé aux internautes du monde entier par un chercheur américain: "Existe-t-il, demandait ce chercheur, un procédé de numérisation sans contact de la surface du corps humain pour la confection automatique de vêtements compressifs à l'intention grands brûlés?".
Chez cet étudiant à la maîtrise en génie électrique, déjà engagé avec un collègue, Éric Beaulieu, dans les activités d'une petite firme de consultation en systèmes électroniques et informatiques, cette question plutôt pointue a fait aussitôt s'allumer le double voyant lumineux de l'intuition technologique et entrepreneuriale. "Le biomédical, se rappelle Pascal-Simon Houle, c'était un secteur non traditionnel en imagerie 3-D. Un domaine presque vierge pour les techniques de numérisation de surfaces, auquel les grandes firmes de recherche et de développement ne s'étaient pas encore intéressées. En plein le créneau que nous cherchions!"
De ce hasard cybernétique est née, en 1993, la firme Neogenix Technologies Inc., orientée vers la recherche, le développement et la commercialisation de systèmes de numérisation 3-D à haute performance. Secondés par un nouveau venu dans l'équipe, Bruno Lemay, fraîchement diplômé de la Faculté des sciences de l'administration, les jeunes ingénieurs ont vécu le choc du réel que représente la préparation d'un plan d'affaires, le montage d'un plan de financement, la chasse aux subventions. Et aussi le choc "scientifique" de réaliser que leur projet initial, la cartographie numérique de la surface totale du corps humain, qui suscitait beaucoup d'intérêt au Centre des grands brûlés de l'Hôtel-Dieu de Montréal, se révélait un peu trop ambitieux et technologiquement ardu.
L'équipe décide alors de "découper" son projet en traitant des sections particulières du corps humain, par ordre de difficulté technologique. C'est à ce moment que le hasard se manifeste encore, cette fois par la rencontre fortuite de manufacturiers québécois d'orthèses plantaires. Ces derniers, apprennent les chercheurs de Neogenix Technologies, utilisent de vieilles techniques de mesure et de moulage qui laissent à désirer sur les plans de la précision, de la propreté des opérations et aussi de la qualité du produit fini. De ce contact naît un partenariat stratégique avec deux manufacturiers, dans le but de développer un produit spécifique pour "prendre pied" sur le marché convoité.
Avec l'appui financier d'Innovatech et du CNRC, l'équipe de Neogenix Technologies a mis au point une caméra 3-D qui permet de capturer, avec une grande précision, le relief de surfaces complexes, ainsi que des logiciels qui aident à visualiser les images en 3-D sur un moniteur d'ordinateur, notamment à réaliser la fusion d'images, c'est-à-dire la réunion de plusieurs points de vue d'un même objet pour en former une représentation numérique tri-dimensionnelle. Neogenix Technologies met la dernière main, ces jours-ci, à un prototype de production d'orthèse plantaire comprenant une caméra et son matériel de soutien électronique, un support biomécanique et un logiciel. Ce prototype sera dévoilé en août prochain à Washington, lors d'un congrès de podiatres américains et on espère procéder au lencement commercial en octobre après une ronde de financement.
L'équipe de Néogenix Technologies désire diversifier ses opérations dans le secteur biomédical en développant notamment un scanner 3-D portable et en s'attaquant aux domaines prometteurs de la dentisterie, de la chirurgie plastique et reconstructive, de l'ophtalmologie, du traitement des plaies chroniques. L'industrie de l'imagerie médicale représente un marché annuel de quelque 20 millions de dollars US. Neogenix Technologies avance déjà des prévisions de ventes de l'ordre de 27,5 millions de dollars pour ses appareils biomédicaux en 2002. Ses dirigeants estiment que la firme pourrait, à ce moment, compter un personnel de plus de 150 spécialistes engagés dans des tâches a forte valeur ajoutée. Neogenix Technologies emploie actuellement 10 personnes, dont des diplômés en génie électrique issus du Laboratoire de vision et système numériques de l'Université Laval, où la formation dispensée est "world class" aux dires de Pascal-Simon Houle.
Neogenix Technologies est solidement implantée dans la région de Québec et compte bien y rester pour rayonner sur le pays, le continent et - pourquoi pas? - la planète. "On se sent appuyés dans la région. Il existe ici une bonne masse critique pour le développement des technologies de pointe, fait valoir Pascal-Simon Houle. Nous avons particulièrement apprécié notre passage au Parc Technologique du Québec métropolitain. Il y a, là-bas, un ¨focus¨ qui n'existe pas ailleurs. C'est une sorte de commune scientifique où l'information circule de façon profitable, un environnement qui représente une réelle plus-value pour les firmes qui démarrent."