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24 avril 1997 ![]() |
Les endeuillés du suicide ont souvent une longue pente à remonter
"Les réactions au deuil sont généralement amplifiées lorsqu'il s'agit d'un suicide, à cause du caractère violent du geste qui a été posé." Le départ dramatique d'un proche qui a décidé de mettre fin à ses jours sème assurément consternation et douleur dans l'entourage. C'est à ce moment, justement, qu'il importe de comprendre ce qu'est un deuil, pour mieux "passer à travers" ou pour aider une personne endeuillée du suicide à cheminer dans la sombre voie de cette pénible épreuve, révèle Louise Careau, psychologue du Service d'orientation et de counseling de l'Université Laval.
Des étapes qui se chevauchent
La première étape de tout deuil, c'est le choc. On ne réalise
pas encore ce que signifie le décès, d'où une impression
d'irréalité et de refus. On est "sur le pilote automatique",
pour reprendre ici l'expression de la psychologue. C'est la période
du déni. Dans le cas du suicide, ce déni est plus fort et
dure plus longtemps. "On refuse l'idée même du suicide.
Conscient des préjugés qui entourent le geste suicidaire,
on veut se protéger du rejet et des reproches que l'on appréhende
de la part des autres... et que l'on s'adresse parfois à soi-même",
relate Louise Careau.
Au déni succède la protestation, teintée de colère, d'agressivité, de honte, de culpabilité, ballottée par une vague d'impuissance, par un sentiment d'abandon qui devient aigu s'il s'agit d'un suicide. Puis, c'est la désorganisation, qui peut faire une place plus grande au désespoir, à la dépression. Pour l'endeuillé du suicide, ce sera la période des "pourquoi-a-t-il-fait-cela?", au cours de laquelle le sentiment de culpabilité pourra être à son comble. "C'est là où il y a risque de suicide chez la personne qui a vécu le suicide de quelqu'un d'autre, parce que celle-ci vit une période de désorganisation et de dépression intense", souligne la psychologue.
La quatrième étape de tout deuil est celle de la réorganisation, où l'on redevient apte à recomposer avec les difficultés de la vie, où l'on a réussi parfois à trouver un sens au décès. "Dans le cas d'un suicide, on parvient vraiment à cette étape finale quand on en arrive à accepter de na pas avoir perçu les signes précurseurs, de ne pas avoir été parfait, et que l'on est capable de prendre une certaine distance", constate-t-elle.
Écouter raconter
Pour les endeuillés, et encore plus pour ceux du suicide, le silence
devrait être d'argent et la parole d'or, pourrait-on affirmer en paraphrasant
a contrario un proverbe bien connu. "Dans le fond, ces gens ne veulent
pas tant qu'on leur dise quelque chose: ils ont souvent juste besoin de
sentir du support, de l'écoute, une présence", explique
Louise Careau. Il ne faut surtout pas empêcher une personne endeuillée
du suicide de se confier, conseille-t-elle. Si l'on ne se sent pas capable
de recevoir ses confidences, il vaut mieux la référer au Centre
de prévention du suicide de Québec ou la diriger vers de l'aide
professionnelle.