24 avril 1997 |
L'Association canadienne-française pour l'avancement des sciences (ACFAS) remettra à des membres de la communauté universitaire quatre des douze prix qu'elle décerne annuellement. Les professeurs Robert Emery Prud'homme et Nabil Khoury remportent respectivement le prix Urgel-Archambault et le prix ACFAS/Caisse de dépôt et placement du Québec. Deux prix Desjardins d'excellence pour étudiant-chercheur vont à Marie-Hélène Vandersmissen et Annie Pellerin.
Robert Emery Prud'homme: réaction en chaîne
En 1985, à l'âge de 39 ans, le professeur Robert Emery Prud'homme,
du Département de chimie, recevait la bourse E.W.R. Steacie du CRSNG,
la plus prestigieuse bourse décernée à un jeune scientifique
prometteur au Canada. Aujourd'hui, à Montréal, l'ACFAS lui
remettra le prix Urgel-Archambault, commandité par Alcan, une distinction
qui souligne la qualité de la recherche et l'ensemble de l'oeuvre
d'un scientifique actif en sciences physiques, mathématiques et génie.
"Ce sont les deux prix les plus importants de ma carrière, admet-il
d'emblée. Le premier parce qu'il signifiait qu'on croyait en mon
potentiel de chercheur, le second parce que des personnes jugent que, parmi
tous les scientifiques oeuvrant dans cet ensemble de disciplines, j'ai apporté
une contribution suffisamment marquante à la société."
Spécialiste des plastiques, auteur de plus de 180 articles sur le sujet et directeur-fondateur du Centre de recherche en sciences et ingénierie des macromolécules (CERSIM), Robert Prud'homme estime que ses contributions importantes à la recherche sont de trois ordres. "La réalisation dont je suis le plus fier est la découverte des propriétés exceptionnelles des polymères optiquement actifs et de leurs stéréocomplexes. L'étude des mélanges de polymères a aussi été un fait marquant tout comme nos travaux plus récents sur la mesure de l'orientation des polymères et des mélanges de polymères. Le CERSIM est présentement l'un des centres nord-américains à posséder la meilleure expertise dans ce domaine."
Une autre réalisation dont il s'enorgueillit est la formation d'étudiants-chercheurs au sein du CERSIM. "Jusqu'à présent, j'ai personnellement dirigé 35 étudiants à la maîtrise et 17 au doctorat, dit-il. En quinze ans, les professeurs membres du CERSIM ont collaboré à la formation de plus d'une centaine d'étudiants à la maîtrise et d'une cinquantaine au doctorat qui ont par la suite contribué au développement de la science et de la technologie au Québec."
La création du CERSIM constitue probablement la pièce maîtresse de son oeuvre. Ce centre, un modèle dans le genre selon l'évaluation de la Commission de la recherche, rassemble aujourd'hui 80 membres, dont 14 professeurs, 12 professionnels et 55 étudiants-chercheurs. "Il y a 15 ans, il n'y avait que deux professeurs qui travaillaient sur les polymères à l'Université. Aujourd'hui, nous sommes devenus l'un des trois principaux centres de recherche dans le domaine au Canada."
Nabil Khoury: un prix pour ses actions
Spécialiste en gestion de portefeuilles et expert en marchés
des produits dérivés, Nabil Khoury, professeur au Département
de finance et assurance, est le récipiendaire 1997 du Prix ACFAS/Caisse
de dépôt et placement du Québec. Il devient le deuxième
chercheur à recevoir ce prix, commandité par l'organisme qui
lui a donné son nom pour souligner l'apport exceptionnel de personnes
oeuvrant en recherche dans le domaine de la finance en gestion des portefeuilles
institutionnels.
Professeur à l'Université Laval depuis 1968, Nabil Khoury s'est distingué par ses études empiriques et théoriques sur l'asymétrie d'information sur les marchés à terme, sur l'efficacité de la couverture des contrats à terme et sur l'approche multicritères dans l'évaluation de la performance des fonds mutuels. "Les journaux ne présentent que les taux de rendement des fonds mutuels alors que leur performance s'évalue sur d'autres critères selon le type d'investisseurs que vous êtes", explique-t-il. Ses connaissances du domaine ont largement profité aux employés de la communauté universitaire puisque, depuis 1982, il est membre-expert du Régime des rentes de l'Université Laval.
Auteur de plus de 60 articles scientifiques, il a également signé sept livres destinés à la formation des étudiants. "Mes livres sont tous en français, dit-il fièrement, et il n'existait aucun équivalent avant leur publication. Il m'apparaissait important de produire du matériel pédagogique adapté au contexte canadien et québécois dans lequel les étudiants allaient travailler par la suite. Aucun de mes livres n'a été vraiment rentable financièrement mais j'ai la satisfaction d'avoir rendu service."
Doyen de la Faculté des sciences de l'administration de 1992 à 1996, il retient deux réalisations marquantes de son mandat. La première est d'avoir renforcé les liens entre la Faculté et les gens d'affaires en les associant, entre autres, au Conseil pour l'avancement de la Faculté où siègent trente diplômés. La seconde est l'accréditation de la Faculté par l'AACSB (American Assembly of Collegiate Schools of Business) en 1995. Laval devenait ainsi la première université francophone d'Amérique du Nord reconnue par cet organisme et elle joignait les rangs d'établissements comme Yale, Harvard, Stanford, UCLA, Chicago et le Massachusetts Institute of Technology pour l'excellence de son enseignement dans le domaine de l'administration. "Nous avons été des précurseurs de ce côté-là et depuis, les autres universités nous consultent pour savoir comment s'y prendre pour obtenir cette accréditation. Et cette opération, nous l'avons réussie avec la complicité des gens du milieu des affaires."
Marie-Hélène Vandersmissen: la quête de la liberté
À l'âge de 16 ans, Marie-Hélène Vandersmissen
a suivi ses parents, qui avaient décidé de quitter la ferme
qu'ils louaient d'un riche propriétaire terrien de Belgique, pour
tenter la grande aventure au Canada. "À l'époque, changer
de pays était quelque chose de très excitant, de très
valorisant", se souvient-elle. Est-ce le fruit du hasard ou le résultat
de ce grand dérangement, on n'en sait trop rien, mais la géographe
a choisi la mobilité des femmes pour sujet du doctorat qu'elle a
entrepris l'automne dernier avec Paul Villeneuve au Programme d'aménagement
du territoire et du développement régional.
Modeste dans toute sa grandeur - elle a été pendant cinq ans membre de l'équipe interuniversitaire de volleyball de l'Université de Sherbrooke- la jeune femme est surprise de l'attention que lui vaut le prix Desjardins d'excellence pour étudiants-chercheurs décerné par l'ACFAS. "Je ne sais pas pourquoi mon dossier a été retenu plutôt que celui d'un autre et l'attention qu'on m'accorde suite à ce prix me gêne un peu, dit-elle. Mon dossier scolaire était bon mais pas exceptionnel." Un coup d'oeil rapide à son curriculum suffit à tirer l'affaire au clair: sa liste de publications compte déjà douze titres, ce qui n'est pas rien.
La plupart de ces articles sont le fruit du travail qu'elle a mené pendant six ans, après un bac et une maîtrise, au sein du Groupe de recherche en sécurité routière de l'Université de Sherbrooke. "Au cours des dernières années, j'ai surtout travaillé sur des intersections, des accidents et des points noirs sur des cartes, dit-elle. La question de la mobilité des femmes amène des considérations beaucoup plus théoriques." À l'aide des enquêtes origine-destination réalisées depuis plusieurs années par la Société de transport de la Communauté urbaine de Québec, l'étudiante-chercheure entend documenter l'évolution de la mobilité spatiale des femmes et ses répercussions sur la société.
Géographe de formation, elle espère devenir professeure d'université une fois son doctorat terminé. "J'aime donner des cours, avoir des échanges avec les étudiants et j'aime aussi la recherche. Les professeurs ont la chance d'être leur propre patron et c'est quelque chose d'important pour moi. Même si c'est exigeant et qu'il faut investir beaucoup de temps, c'est ce qui m'intéresse. Je ne veux pas faire du 8 à 5, avec une pause à 10 h, dans un bureau de consultants. J'aime trop la liberté et les possibilités qu'offre le milieu universitaire".
Annie Pellerin: la gamme de sols
Pendant ses études au Cégep Édouard-Montpetit, à
Longueuil, Annie Pellerin a longtemps hésité avant d'arrêter
son choix sur ce qu'elle voulait étudier à l'université.
Mais, après deux cours de géologie, la réponse est
devenue claire comme de l'eau de roche: les sols. Ce choix, étrange
selon plusieurs personnes de son entourage urbain, la récipiendaire
1997 du prix Desjardins d'excellence pour étudiant-chercheur l'explique
simplement: "L'étude des sols requiert des notions de chimie,
de physique, de biologie et d'environnement et cette convergence de disciplines
scientifiques me plaît bien. Et puis, les sols ne sont pas aussi stagnants
qu'ils en ont l'air, ce sont même des milieux très dynamiques."
Lors de la dernière année de son bac en agronomie, Annie Pellerin a été boursière d'été du CRSNG pour l'initiation à la recherche, une expérience qui lui a donné la piqûre de la recherche. Sa maîtrise, commencée en mai dernier sous la supervision de Josée Fortin et de Léon-Étienne Parent, s'inscrit dans la perspective de l'agriculture durable. "Je tente de déterminer si on ne pourrait pas diminuer les doses d'engrais, l'azote et le potassium plus spécifiquement, dans la culture du maïs-grain en fonction de la texture des sols et en fonction de la région." Idéalement, explique-t-elle, il faudrait mettre juste la quantité d'engrais requise par le plante, sinon les surplus se retrouvent dans le sol et l'azote risque de contaminer la nappe phréatique. "Les études réalisées jusqu'à maintenant ont montré que, dans certains sols, l'épandage de phosphore et de potassium était inutile puisque, peu importe la quantité utilisée, la production végétale n'augmentait pas significativement."
Comme en témoigne sa moyenne cumulative de 4,2 sur 4,33, Annie Pellerin est une perfectionniste. Cette culture de l'excellence lui a d'ailleurs valu une récolte abondante de cinq bourses au mérite pendant son bac et de deux bourses d'excellence à la maîtrise. À cette liste s'ajoute maintenant le prix de l'ACFAS commandité par la Fondation Desjardins. Si les détails de ses projets d'avenir sont encore flous pour le moment, une chose apparaît désormais certaine dans sa boule de cristal: "J'aime apprendre et surtout j'aime comprendre. Je veux travailler en recherche".