3 avril 1997 |
L'enseignement religieux au Québec est en crise. Il s'agit peut-être du symptôme d'un malaise identitaire plus global.
"On a l'impression que les opposants courent après les soutanes, alors qu'il n'y en a plus de puis 30 ans dans les écoles. Ils ne veulent même plus que l'enseignement religieux soit un cours à option, comme c'est le cas actuellement, qu'il n'y ait rien qui ressemble à du religieux dans les écoles."
L'enseignement religieux vit des moments difficiles au Québec. Loin de nier un contexte social et scolaire dans lequel les mots "pluralisme" et "déconfessionnalisation" reviennent continuellement sur la place publique, Raymond Brodeur considère que la province traverse la plus importante remise en cause de son histoire dans ce domaine. "N'est-on pas en train de se faire hara kiri, quelque part, dans une dimension de notre identité?", s'interroge le professeur de la Faculté de théologie, qui est coresponsable avec la professeure Brigitte Caulier, du Département d'histoire, du Centre de recherche sur l'histoire de l'enseignement religieux au Québec.
Évacuer à tout prix?
En cette fin de siècle, où la contestation d'un enseignement
religieux doctrinal, voire dogmatique, devrait conduire "à la
recherche d'une nouvelle voie de transmission", et ce dans un système
pluraliste, la question de la "confessionnalité" est encore
plus grave, parce qu'elle touche vraiment aux identités profondes,
soutient Raymond Brodeur. "C'est comme si on devenait complètement
amnésique ou inconscient de ce qui est directement dans l'ordre de
l'évolution de la culture et de la spiritualité et des enfants,
et des individus", déplore-t-il, en pointant du doigt le discours
des militants qui veulent évacuer du système scolaire tout
ce qui peut ressembler à des convictions et à des confessions
religieuses.
Laisser entre les mains de l'école le soin de développer le côté professionnel, scientifique, autrement dit la "grosse tête ", et confier la formation à l'ordre des valeurs aux communautés et à la famille ne représente pas une solution valable, surtout dans le contexte actuel, juge le professeur de théologie. "On n'a jamais connu une famille aussi éclatée, constate-t-il. L'un des seuls éléments qui fait montre encore d'une certaine stabilité, aujourd'hui, c'est le monde de l'éducation."
Entre statut et statue
Les prochains mois seront cruciaux pour l'enseignement religieux aux niveaux
primaire et secondaire, car la ministre de l'Éducation, Pauline Marois,
devrait se prononcer sur la question d'ici à un an. Les choses vont
donc bouger en ce qui a trait au statut légal de l'école confessionnelle,
avec l'apparition possible des commissions scolaires linguistiques, croit
Raymond Brodeur. Celui-ci entrevoit d'ailleurs des administrations scolaires
qui n'afficheront pas de "confessionnalité", mais qui offriront
tout de même un enseignement religieux confessionnel dans les écoles.
"C'est une question de vie ou de mort pour un gouvernement. Avec 80 % des gens qui se sont toujours déclarés en faveur d'un enseignement religieux confessionnel, le gouvernement qui déciderait de faire sauter cet enseignement, sous la pression des syndicats, perdrait encore plus de votes qu'à l'élection qui a suivi la coupure salariale de 20 % aux employés de la fonction publique et parapublique en 1982", affirme-t-il.