3 avril 1997 |
Foresterie
Définir ce concept en foresterie équivaudrait à essayer de clouer du Jell-O sur un mur. Le débat se poursuit...
Depuis dix ans, le concept du développement durable en foresterie a fait l'objet de tant de discussions, de rapports et de documents de travail que des forêts entières ont dû y laisser leur écorce. Mais, mis à part ces arbres tombés au combat pour la noble cause, le concept du développement durable tarde à s'incarner. Le débat organisé la semaine dernière par les étudiants de foresterie dans le cadre de la Semaine des sciences forestières aura aidé à comprendre le pourquoi de cette progression à pas feutrés: les principaux acteurs ont peine à définir le concept et ceux qui s'y risquent divergent rapidement d'opinion sur les façons de réaliser cet idéal sur le terrain.
Presque dix ans après la parution du rapport Brundtland qui proposait le développement durable comme pierre d'assise de l'économie, le concept demeure "évanescent, insaisissable et obscur dans ses manifestations concrètes, dit le professeur Luc Bouthillier, de la Faculté de foresterie et de géomatique. Le définir équivaut à essayer de clouer du Jell-O sur un mur."
Pour Isabelle Cloutier, biologiste à l'emploi d'Abitibi-Price, le développement durable, c'est d'abord "une façon de penser qui intègre à la fois l'environnement, le social et l'économie. Ça implique un virage à 180 degrés dans la conception du développement économique."
Un chemin de bois à faire
"Mon problème, confesse pour sa part Louis Hamel, vice-président
chez Produits forestiers Domtar, n'est pas de définir le développement
durable mais de le réaliser." Depuis 20 ans, il y a quand même
eu une grande évolution du côté environnemental dans
les pratiques forestières, estime-t-il. Il reste encore un bon bout
de chemin à faire, admet-il cependant, entre autres pour prendre
en ligne de compte les avis de la population sur les aspects sociaux de
la foresterie.
Harvey Mead, président de l'Union québécoise pour la conservation de la nature, s'inquiète justement de l'absence du public dans le débat actuel au Québec. "Nous somme mûrs pour un crise, estime-t-il. Les opérations forestières se déplacent maintenant au nord du 50e parallèle dans des régions presque totalement inhabitées. Présentement, aucun groupe environnemental québécois n'a les moyens et les compétences pour représenter les intérêts de la population dans le dossier forestier. Pourtant, il faut que la société civile soit impliquée."
Pour accélérer le tempo, le journaliste Louis-Gilles Francoeur, spécialiste de l'environnement au journal Le Devoir, suggère "d'imposer un pourcentage de mode d'exploitation forestière alternative à impact zéro qui augmenterait progressivement d'une année à l'autre. Passons à l'action au lieu de faire des études. L'emploi et l'écosystème doivent devenir les priorités."
Salon de la forêt
En plus d'organiser ce débat et la Journée colloque Kruger
sur le même thème, les étudiants responsables de la
Semaine des sciences forestières ont contribué à faire
sortir le concept de développement durable des brumes académiques
en présentant, pour le bénéfice de milliers de simples
citoyens, le Salon de la forêt 1997 aux Galeries de la Capitale. Cette
année, le thème du salon choisi par les étudiants renfermait
un message clair à l'intention des décideurs sur le chemin
à emprunter pour accéder au développement durable:
"La forêt, un milieu qui se partage".
JEAN HAMANN