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20 mars 1997 ![]() |
UNE UNIVERSITÉ OUVERTE ET CONFIANTE
PAR JACQUES DESAUTELS
CANDIDAT AU POSTE DE RECTEUR
Parmi les cinq orientations que comporte le programme d'action que j'ai proposé aux membres de l'Université, il en est deux dont j'ai parlé précédemment et sur lesquelles je ne reviendrai pas. Pour mémoire, je les rappelle cependant : 1- réaffirmer la mission de l'Université, et revoir la manière dont elle s'affirmera, et 2- persister à vouloir établir, pour les membres de l'Université, les conditions les meilleures pour une action de qualité.
Les trois autres orientations viennent aussi, à leur manière, illustrer le thème fondamental que je propose, à savoir une Université ouverte et confiante.
I. Éviter la polarisation sur la crise financière, et
garder les yeux sur l'université redéfinie qui en résultera
La crise financière que les universités ont commencé
à vivre est plus que sérieuse; à vrai dire, elle est
grave : une entreprise qui perd en trois ans 25% de ses revenus et quelque
10 ou 12% de sa clientèle est tenue de se poser des questions et
de réagir vite. Une université n'est pas une entreprise comme
les autres, certes, mais comme toute organisation, elle doit faire son bilan,
réagir, revenir sans délai à la santé financière,
de manière à retrouver le plus vite possible la vie normale,
celle de l'enseignement et de la recherche.
L'Université Laval ne doit pas accepter la situation actuelle et elle ne doit pas craindre de le dire vivement. Elle devra aussi démontrer le danger de certaines décisions financières de l'État, qui peuvent compromettre des aspects de sa mission, porter atteinte à la qualité de ses programmes et mettre en cause un héritage longuement acquis et toujours essentiel. L'Université va survivre à cette nouvelle crise. Elle a vécu de grands changements depuis trente ans et a montré plus d'une fois qu'elle savait s'adapter; elle va survivre, même si elle doit accepter de subir une cure d'amaigrissement inévitable dans les circonstances.
Le vrai problème qu'elle a à affronter, c'est celui de définir ce qu'elle entend être une fois la période difficile passée, notamment la position qu'elle voudra occuper dans le système universitaire québécois et canadien.
Cette orientation appelle trois actions en particulier.
A. Affronter les difficultés financières pour ce qu'elles
sont, en revoyant nos façons de faire et nos priorités.
L'Université Laval maintiendra sa mission. Les ressources lui sont
davantage comptées, à elle comme à toutes les autres,
mais elle ne devra pas hésiter à tout mettre en oeuvre pour
utiliser au mieux celles dont elle continue de disposer; elle n'hésitera
pas à innover, à modifier des habitudes, à examiner
le coût de ses activités, en particulier de celles qui seraient
moins essentielles à sa mission, à gérer avec rigueur,
convaincue que la rationalisation qui est sur toutes les lèvres commence
d'abord dans ses propres murs.
· L'Université étant très différente dans ses composantes, gérer la diversité sous toutes ses formes (poursuite de la décentralisation, adaptation des mécanismes de représentation et de décision à la variété des unités, concertation par secteur...)
· Mettre de la souplesse et de l'efficacité dans le système (règlements d'études, programmes, règles de toutes sortes, débureaucratisation, réseau d'information, etc.)
· Accepter de remettre en question certaines de nos convictions et de nos traditions, v.g. la spécialisation du premier cycle, l'absence de continuité entre le collège et les programmes universitaires, les cours de trois crédits et les blocs de trois heures de présence
· Tabler sur notre capacité individuelle et collective, notre volonté d'agir et de réagir, notre sens de l'exigence et les valeurs morales auxquelles tous les membres de l'Université adhèrent.
B. Poursuivre l'adaptation de l'Université et savoir se saisir des changements pour les tourner à son avantage et en faire bénéficier sa mission.
L'Université Laval a beaucoup réfléchi à ce qu'elle est, depuis quelques années, et elle a pris des dispositions pour préparer l'avenir. On ne se trompera pas en agissant dans cette continuité. Par ailleurs, les difficultés qui s'annoncent dépassent les prévisions. "À quelque chose malheur est bon", dit l'adage; ces difficultés peuvent avoir un caractère bénéfique si nous savons y faire face et y prendre appui pour améliorer nos façons de faire.
À cet égard, le temps est tout à fait propice à ce que l'Université Laval passe à l'action pour devenir plus que jamais une grande université, d'envergure nationale et internationale. En effet, une nouvelle carte universitaire se dessine au Québec, où la région de Montréal a un poids énorme. L'Université Laval, avec toutes ses forces, ses réussites et son passé, se doit de contrebalancer la dynamique de la concentration vers les seules universités montréalaises, en faisant qu'on la reconnaisse comme l'autre centre d'excellence au Québec. Ce qui suppose des choix à faire, une nouvelle manière de s'affirmer.
Dans la concertation interuniversitaire, l'Université Laval voudra
· prendre une place de premier plan qui soit à la mesure de
ce qu'elle est et de ce qu'elle entend apporter à l'oeuvre commune
,
· offrir une collaboration complète, tout en faisant valoir sa présence irremplaçable, son originalité et sa situation particulière, notamment dans l'Est du Québec,
· participer activement aux travaux sur l'avenir du réseau universitaire en s'obligeant elle-même, préalablement, à déterminer ce qu'elle veut être, ce en quoi (enseignement et recherche) elle veut se signaler dans l'avenir, et les lignes de force qui la caractériseront dans un système pour lequel elle veut être active comme centre d'excellence;
· renforcer les réseaux d'échanges qui dans les faits existent déjà avec d'autres universités, en matière d'enseignement et surtout, de deuxième et troisième cycles et d'équipes de recherche : la meilleure garantie de succès sera toujours de miser d'abord et avant tout sur les personnes et sur des projets, et de s'allier à des partenaires forts, qui ont des activités complémentaires aux nôtres.
Il lui faut développer plus que d'autres une culture de l'innovation et une capacité de réagir vite.
II. Développer dans l'Université une gestion rigoureuse
et exigeante, respectueuse et ouverte
qui soit fondée, pour les personnes occupant des fonctions administratives,
sur la compétence, le sens de la responsabilité, l'esprit
de décision et la volonté de rendre compte de ses actions,
de même que sur l'information à donner, l'échange, l'écoute
et la confiance.
· Assurer pleinement le leadership qu'on attend du recteur et de la direction de l'Université (le premier geste à cet égard sera de former une équipe de vice-recteurs et de vice-rectrices qui partagent les vues du recteur sur les orientations à donner à l'Université, qui lui sont complémentaires notamment par leur compétence, leur expérience scientifique et professionnelle, leur sensibilité à la diversité qui caractérise l'Université)
· S'attacher à construire l'avenir et non pas à refaire le passé
· Aborder de front le déficit structurel pour en contrer les effets négatifs et rétablir une situation saine : ajuster les budgets en fonction des revenus, tout en misant sur le rétablissement des finances publiques dans un horizon de temps accepté; poursuivre la rationalisation interne, la réduction des dépenses non essentielles à la mission, la gestion responsable des ressources; revoir le cas échéant certains éléments de l'organisation du travail; s'efforcer d'augmenter les revenus par la promotion de programmes ciblés, aux trois cycles, par le recours plus attentif aux retombées de la recherche, par la promotion de certaines activités universitaires de formation continue, par la contribution des entreprises auxiliaires; examiner avec d'autres institutions le partage d'activités et de services, etc.
· Développer de nouvelles formes de collaboration et de concertation entre les unités de l'Université, des formes de collaboration qui favorisent le décloisonnement, l'échange, les liens interfacultaires et interdépartementaux, à partir de mécanismes et d'incitations budgétaires révisés. Ne pas hésiter à revoir les façons de faire et les formules de répartition des budgets lorsqu'elles ne paraissent pas supporter les orientations et les priorités de l'Université
· Poursuivre la décentralisation, de la gestion des études, des ressources humaines, des masses salariales et des autres budgets, en complétant cette décentralisation d'un sens très poussé de la responsabilité chez chacun des membres de l'Université, et d'une autonomie de gestion qui soit assortie d'une reddition de compte normale.
III. Faire de l'Université Laval la fierté de la Capitale
et de sa région
En n'oubliant jamais le leadership qu'elle doit exercer au Canada et dans
tout le Québec, notamment par les liens qu'elle voudra renforcer
avec les établissements d'enseignement supérieur et de recherche
de la région et de tout l'Est du Québec, l'Université
Laval doit s'afficher comme la fierté de la Capitale et de sa grande
région.
Il devient en effet plus important que jamais de tabler sur le fait que l'Université Laval, c'est l'université de la Capitale, de la région Chaudière-Appalaches et de toutes les régions environnantes. Qu'elle est un moteur pour la grande région et un objet de fierté.
Laval est une institution dont l'impact économique, pour ne prendre que cet aspect, est très grand (réalisations nombreuses faites à travers le partenariat régional, accent sur l'entrepreneurship et la haute technologie, rapprochement avec l'entreprise privée et leadership dans les sommets régionaux, par exemple), qui fournit beaucoup d'emplois elle-même et attire des capitaux de recherche importants. Mais son impact est encore plus grand du fait de son rayonnement national et international : l'Université Laval contribue à assurer à Québec, ville du patrimoine mondial et haut-lieu du fait français en Amérique, une visibilité dont la Capitale ne saurait se passer.
C'est là un rayonnement dont elle tire elle-même un prestige certain, mais qu'elle peut exploiter davantage. Le faire devra devenir une préoccupation importante des prochaines années.
·Être de plus en plus présent auprès des personnes et des organismes qui comptent sur l'Université et auprès de ceux qui se préoccupent de l'avenir de la Capitale et de ses régions. Participer aux débats de la collectivité dans laquelle l'Université tient une place unique. Et soutenir toujours mieux le partenariat avec le milieu.
· D'autre part, prêter l'oreille aux perceptions du grand public et des média, à leurs critiques, à leurs attentes, à leurs réactions face à cette université qu'ils voudraient sans doute faire "leur". Pour en tirer profit, certes, mais aussi pour établir le rôle de l'Université.
· Améliorer l'image de l'Université dans sa collectivité (avoir une vive conscience des problèmes d'image que Laval traîne avec elle, promouvoir les réalisations des membres de l'Université et de l'institution, etc.), et y cultiver un sentiment d'appartenance qui fait encore défaut.
· Prendre avantage des tribunes qui s'offriront pour dire ce qu'est l'Université, pour exposer la place majeure qu'elle occupe dans les forces de la Capitale et de ses régions, et les apports de tout genre qui proviennent d'elle.
Nos concitoyens doivent se convaincre que l'Université n'est pas un luxe; ils doivent acquérir la conviction que les membres de l'Université Laval sont exigeants pour eux-mêmes comme pour les autres, qu'ils travaillent à leur manière pour l'intérêt général, en fonction des besoins de la société et de la formation des étudiants, et qu'elle n'est pas le lieu du statu quo et des privilèges. Ce sera le rôle du recteur d'intervenir publiquement et avec force pour le dire, et d'inciter chacun, dans l'Université, à le dire et à le démontrer avec lui.
L'action qui nous attend est immense. Dès après mon élection, si telle est la décision du collège électoral, je m'y attacherai avec enthousiasme, détermination et un profond sens du travail en équipe. Je m'y attacherai avec mon expérience de professeur, de doyen d'une faculté considérable, d'ancien vice-recteur à l'enseignement et à la recherche, responsable également du Secteur des sciences de la santé et des premiers contrats d'affiliation entre l'Université et les centres hospitaliers universitaires, responsable aussi des services reliés à l'enseignement et à la recherche tels que la bibliothèque, l'informatique, les Presses, pour n'en nommer que les principaux. C'est dire que la gestion ne m'est pas étrangère, ni non plus la planification stratégique ou la gouverne des humains.
J'assure chacun des membres de l'Université de ma disponibilité totale pour faire de notre institution une université ouverte et confiante.
Pour discuter du programme d'action ou suggérer des idées nouvelles, on peut me rejoindre à l'adresse électronique suivante : http://www.fl.ulaval.ca/desautels/index.htm