20 mars 1997 |
Voici les grandes lignes du dossier remis au Comité sur l'avenir de la Faculté des sciences et de génie en janvier dernier par le Département de génie électrique et de génie informatique. Le contenu de ce rapport a été adopté à l'unanimité par l'assemblée départementale du Département de génie électrique et de génie informatique, le 15 janvier 1997, assemblée à laquelle assistait une forte proportion des professeurs du département.
LE CONTEXTE
En 1996, le deuxième comité sur la restructuration facultaire
de l'Université Laval remettait son rapport. À vrai dire,
la seule anomalie importante décelée dans la structure facultaire
de l'Université Laval était l'absence d'une faculté
de Génie. La recommandation 16 du rapport se lit comme suit: "Que
l'Université examine la possibilité de créer une faculté
de génie et, en conséquence, de diviser l'actuelle Faculté
des sciences et de génie".
Commentaire: "Pourquoi donc envisager un changement? De toutes les grandes universités nord-américaines ( ...), il semble que l'Université Laval soit la seule à ne pas avoir une faculté de génie ou de sciences appliquées ( ....) Ce fait pose question. Mais surtout,( ...) le secteur du génie à l'Université Laval satisfait toutes les conditions et répond à tous les critères ( ...) d'une faculté. Il y a plus. ( ...) , on ne peut manquer de regretter que le génie à Laval n'ait pas la visibilité dont il jouit ailleurs. En revanche, il convient de se demander si le regroupement des sciences pures et du génie dans une même faculté ne comporte pas d'immenses avantages ... "
CRITÈRES DE FORMATION D'UNE FACULTÉ
La Faculté de génie répond parfaitement aux quatre
critères précédemment définis à l'Université
Laval pour la création d'une faculté.
Critère 1. L'opportunité d'une structure intermédiaire
Le rapport sur la restructuration de l'Université Laval insiste sur
le rôle important des facultés comme structure intermédiaire.
Critère 2. L'importance de la discipline dans le contexte de l'Université
Laval
Quel que soit le critère utilisé, on retrouve près
de 50 % de l'activité mesurable à la Faculté des sciences
et de génie au sein des département de génie, donc
près de 10 % de l'activité mesurable à l'Université
Laval en enseignement et recherche.
Critère 3. La constante de niveau, c'est-à-dire la situation
dans d'autres institutions comparables
Il n'existe plus au Canada sauf à l'Université Laval d'université
d'une certaine taille sans faculté de génie et/ou de sciences
appliquées distincte. La dernière en date était l'Université
d'Ottawa, jusqu'à voici quelques années. Aux États-Unis,
on trouve très peu d'exemples d'école, collège ou faculté
conjointes de sciences et de génie.
Critère 4. Degré d'implication de l'unité dans l'enseignement
au trois cycles et la recherche.
Au niveau sous-gradué, la Faculté de génie sera responsable,
ou dans quelques cas co-responsable, pour les programmes de Baccalauréat
en sciences appliquées dans au moins neuf disciplines, et de programmes
de 2e et de 3e cycle dans la plupart de ces disciplines. À l'automne
1975, quelque 1 450, 300 et 200 étudiants étaient inscrits
à ces programmes de 1er, 2e et 3e cycles.
Comme pour l'enseignement, la recherche en génie possède des caractéristiques distinctives, issues de ce que son rôle principal est d'appuyer la démarche de conception. À Laval, certains se plaisent à répéter que l'existence d'une seule faculté regroupamt les sciences et le génie consitue un atout considérable. Qu'en est-il en réalité?
Une analyse faite au printemps 1996 des informations du serveur www officiel de l'Université concernant les subventions et contrats indique que la collaboration entre les départements de génie et de science ne dépasse guère les 5 %, bien qu'au sein d"une même faculté. L'examen des co-directions d'études avancées offre éloquemment le même constat.
En recherche, les individus s'associent dans la mesure où ils cohabitent intimement et qu'ils partagent des intérêts compatibles et complémentaires. C'est à cet égard que s'impose une Faculté de génie, entité capable d'engendrer une culture collective cohérente vis-à-vis la spécificité de la recherche en génie.
RECOMMANDATION
Attendu l'ensemble des considérations ci-dessus,
Il est recommandé que l'Université Laval crée une Faculté
de génie.
Le vif débat qui anime le monde des idées aujourd'hui tant à l'Est qu'à l'Ouest vise non seulement le rôle et les méthodes des sciences de la société dans la problématique de leur dimension normative, mais aussi le relativisme moral régnant parmi les intellectuels concernant la position vis-à-vis de l'utopie communiste. Maintenant que, depuis la chute des régimes dictatorials à l'Est, nous sommes sortis d'un mauvaise rêve, on peut s'interroger à la lumière du savoir sur les raisons de la séduction du communisme, question passionnante mais extrêmement difficile.
Un fait qui me frappe encore et qui me fait tomber dans une triste perplexité, c'est qu'en France, mais aussi dans d'autres pays occidentaux, la chasse au nazisme continue plus que jamais, quand celui-ci n'existe plus nulle part. Au contrario, il semble acquis que le communisme doive, lui, échapper à toute intervention. On met en question des personnalités comme par exemple le philosophe Heidegger pour sa orientation pronazie ou l'écrivain Cioran pour son attachement à une mouvement extrémiste dans la période de l'entre deux guerres (même si ce dernier a reconnu son erreur de jeunesse) mais on oublie totalement le grande cohorte de ceux qui ont cédé à la fascination du totalitarisme rouge.
Même si l'extrémisme de gauche est coupable dans la même mesure que celui de droite pour les crimes commis, on assiste à un déplorable ménagement du communisme. En France et ailleurs, des écrivains comme Aragon, Elsa Triolet ou Sartre jouissent aujourd'hui d'une mémoire conventionnelle qui n'a aucun souci de s'occuper de leur options probolcheviques plusieurs fois impudiquement affichées sur la scène publique.
L'explication de cet état de choses qui intrigue les gens de bon sens et offense ceux qui ont subi les horreurs du cataclysme égalitaire se trouve à mon avis dans la séduction mystique exercée par le communisme sur l'esprit des intellectuels occidentaux. Cette séduction nous fait comprendre pourquoi les professionnels de l'esprit critique et les défenseurs de la liberté humaine approuvent les horreurs du réalisme socialiste. Derrière leurs attitudes, on décèle le principe redoutable selon lequel, si les fins sont suffisamment hautes, elles peuvent justifier les moyens.
Le secret du communisme a consisté en ce qu'il a promis le paradis sur terre. Il a séduit donc les esprits généreux et les deshérités. Partout, un nombre plus ou moins grand de gens ont l'impression d'être écrasés par la société, partout l'appétit de justice sociale et de bonheur est présent. La croyance du communisme relative aux fins est donc facile à comprendre; elle est basée sur la séduction greffée à son tour sur l'idée de justice et de progrès social existante dans chaque être humain. Et ici je vois la grande différence par rapport à l'autre grande idéologie du XXe siècle, le nazisme: tandis que les idées nazies provoquaient naturellement un rejet puissant, ne pouvant être installées que par la violence, les idées du communisme avaient, et ont encore, pour beaucoup des innocents, une force de séduction extraordinaire.
Les idées étaient bonnes mais elles ont eu une mauvaise application dans l'espace actuellement ex-communiste, disent encore les défenseurs de l'idéologie communiste. Ce que ces gens-là ne comprennent pas, c'est que l'URSS et les pays satellites sont devenus ce qu'ils sont devenus, non par accident, non par la faute de Staline ou d'un autre, mais parce que à l'origine, il y avait une conception du mouvement révolutionnaire qui devait aboutir à ce type de société. Ces pays sont devenus des énormes machines de violence et d'agression institutionnalisée, des systèmes atroces d'oppression authentiquement totalitaires, qui ont affecté en profondeur les conduites humaines, en déformant les modalités de la vie commune que les gens avaient pu développer au cours du temps.
Dans ce contexte, la sociologie contemporaine doit trouver une réponse à une autre question, dont elle ne peut pas se dispenser: pourquoi, aujourd'hui, on peut avoir été communiste et rester respectable alors qu'on ne peut pas rester respectable lorsqu'on a été nazi. Comment on peut expliquer le traitement différent de la part des intellectuels de ces deux barbaries, situation qui se prolonge aussi malheureusement dans la mémoire collective.
De nouveau l'explication basée sur la force des idées intervient. La cécité et le refus même de pénétrer dans l'essence même de ces "bonnes idées" ont permis à l'idéologie marxiste de s'emparer du monopole de sens de la justice et du progrès. Elle a séduit aussi par l'apparence qu'elle va mettre fin à l'histoire. Le marxisme a réussi à convaincre les gens qu'il ne représente pas seulement une doctrine et une idéologie, mais l'idéologie ultime. Et cette fausse apparence fait encore de lui une puissance. C'est ainsi que l'intolérance intellectuelle est devenu une valeur supérieure presque comme une vertu, parce qu'elle se mettait au service de la bonne cause.
On peut aussi faire intervenir dans notre explication les techniques de propagande et de manipulation qui ont jeté une grosse couverture sur les yeux de beaucoup des intellectuels occidentaux. Mais leur efficacité a été très vite annulée par l'évidence des faits. Et c'est cette évidence que la plupart d'entre eux refusent à voir. Une grande interrogation apparaît dès lors qu'on comprend que: 1) des personnes et des intellectuels se sont affiliés aux organisations communistes parce qu'elles étaient puissantes par leur idée fondatrice; 2) beaucoup d'autres ont souscrit parce que leurs objectifs étaient nobles. Mais pourquoi ont-ils refusé de voir l'échec et l'horreur des moyens et pourquoi refusent-ils de faire leur mea culpa au nom d'une minimale décence? La seule explication honorable qui me reste ici est celle donnée par Raymond Aron: parce qu'ils sont des philosophes en dehors de la réalité; ils "ne veulent ni comprendre ni changer le monde, ils veulent le dénoncer". Malheureusement, ils dénoncent une société qui repose sur un idéal de la liberté, tandis que le système qui, en donnant l'impression d'une grande espérance a présidé en fait une tragédie, reste dans leur grâces.