6 mars 1997 |
Avec l'accélération du développement des connaissances et le renouvellement perpétuel des besoins de formation dans le contexte de "l'économie du savoir", les universités doivent gérer leurs programmes de premier cycle d'une manière de plus en plus dynamique pour en maintenir la pertinence et la qualité et elles doivent les compléter par des actions de formations continue bien développées. Au niveau des 2e et 3e cycles, elles doivent former en plus grand nombre les diplômés dont les industries de haute technologie ont besoin pour assurer le développement économique du Québec; elles doivent aussi former les spécialistes de toute nature dans les domaines des sciences humaines et de la santé, spécialistes qui sont de plus en plus nécessaires pour aider notre société à faire face aux mutations sociales et culturelles profondes qui résultent de la mondialisation de cette économie du savoir et du progrés technologique.
L'Université Laval a pris des initiatives porteuses d'avenir au cours des dernières années: nouvelle approche à l'évaluation périodique des programmes; mise au point du baccalauréat multidisciplinaire; création de micro-programmes; adoption de la politique sur l'internationalisation de la formation; nouvelles initiatives en formation continue; création de la Faculté des études supérieures. Je propose à la communauté universitaire de bâtir sur ces initiatives pour permettre à l'Université Laval de conforter sa position parmi les leaders de l'enseignement supérieur au Québec et au Canada.
LE PREMIER CYCLE
Dans un contexte de plus en plus compétitif, l'Université
Laval doit doter ses programmes de premier cycle d'un caractère distinctif
pour leur permettre d'attirer d'excellents étudiants de toutes les
régions du Québec et d'autres régions du Canada et
du monde. Je propose diverses voies pour atteindre cet objectif:
- ré-examen de la structure des programmes de baccalauréat spécialisé pour renforcer une formation de base plus générale qui permettra à nos diplômés d'être mieux préparés à un marché du travail changeant;
- création, dans le cadre du baccalauréat multidisciplinaire, d'un programme de formation de type "Arts et Sciences", qui répond à un besoin croissant en diplômés polyvalents;
- création de programmes courts "d'insertion dans la vie active"; d'une durée de 15 ou 30 crédits, ces programmes fourniront aux étudiants une formation axées sur des besoins immédiats du marché du travail; facilement adaptables, ils pourraient être offerts avec l'appui des milieux économiques;
- développement, en concertation avec les CEGEPs, de nouvelles filières intégrées CEGEP-Université permettant d'améliorer la qualité et de réduire la durée totale de formation post-secondaire;
- création, dans certains programmes de baccalauréat, d'une "filière internationale" structurée, en collaboration avec quelques universités soigneusement sélectionnées dans diverses régions du monde; les étudiants inscrits dans ces filières passeront un trimestre complet dans l'université partenaire; les programmes européens ERASMUS et SOCRATES pourront nous servir de modèle et de sources de partenaires;
LA QUALITE DE L'ENSEIGNEMENT
Au delà de la structure et des modalités de gestion des programmes
de premier cycle, la question de la qualité de l'enseignement doit
être au centre de nos préoccupations.
Pour illustrer l'importance que l'Université Laval attache à la formation de premier cycle, je me propose de prêcher par l'exemple en assumant, durant tout mon mandat de recteur, une tâche d'enseignement de premier cycle et je compte demander à mes collègues vice-recteurs de faire de même. J'espère que, suivant l'exemple du recteur, tous les professeurs de Laval auront à coeur de placer leur fonction d'enseignant au premier rang de leurs priorités.
Les mesures prises lors de la sélection et de l'intégration des nouveaux professeurs sont déterminantes pour la qualité de l'enseignement. Je suggère à cette fin: vérification formelle de l'aptitude à l'enseignement lors de la sélection; offre d'un programme structuré d'intégration et de préparation pédagogique, sans responsabilité directe d'enseignement durant le premier semestre de présence du nouveau professeur; intégration progressive à l'équipe professorale avec l'appui d'un "parrain".
Le "Réseau" créé l'an dernier constitue un excellent cadre de développement de la pédagogie universitaire. Compte tenu de la spécificité des démarches pédagogiques dans les différentes disciplines, je propose que l'action du "Réseau" se matérialise aux niveaux facultaire ou départemental par la mise en place de "cercles de pédagogie universitaire" animés par les professeurs eux-mêmes et permettant la mise en commun des expertises et des expériences.
Grâce aux NTIC, le professeur dispose désormais de toute une panoplie de moyens pour accroître l'efficacité et la qualité de l'apprentissage. Pour pleinement exploiter ces moyens, nous devrons investir. La CREPUQ, sous les auspices d'un groupe de travail que je préside depuis sa création en février 1996, est en train de développer deux programmes, de formation du corps professoral à l'utilisation des NTIC, et de développement de produits d'enseignement médiatisés qui pourraient être diffusés, non seulement au Québec, mais partout dans le monde. Grâce aux investissements faits depuis quelques années, l'Université Laval a un pas d'avance sur les autres universités québécoises pour exploiter ces deux programmes; elle doit capitaliser sur cette avance.
Pour donner à tous les professeurs intéressés les moyens d'investir en développement pédagogique, je propose d'améliorer les programmes existants de soutien à l'innovation pédagogique en les consolidant, en décentralisant leur gestion et en accroissant substantiellement leurs budgets dans une approche de financement conjoint entre les facultés et l'université. Je propose également de reconnaître formellement la production de matériel pédagogique de haut niveau dans l'évaluation en vue de l'agrégation ou de la titularisation.
LE RECRUTEMENT DES ETUDIANTS DE PREMIER CYCLE
On ne peut traiter de la formation de premier cycle sans aborder la question
du recrutement étudiant. L'Université Laval recrute la très
grande majorité de ses étudiants dans la région de
Québec et dans l'Est du Québec, deux régions dont la
démographie est plutôt déclinante. Dans ce contexte,
Laval se doit de diversifier son recrutement. Pour ce faire, elle doit doter
ses programmes d'un caractère distinctif qui attirera d'excellents
étudiants de toutes les régions du Québec; elle doit
aussi, en concertation avec les facultés, adopter une véritable
politique de recrutement. Compte tenu des mécanismes de financement
des universités québécoises, un recrutement efficace
est une condition de santé financière tout autant que de vitalité
intellectuelle.
LA FORMATION CONTINUE
La formation continue est appelée à une forte croissance pour
répondre aux besoins de l'économie du savoir et pour satisfaire
aux législations récentes. Il y a là un marché
à exploiter, aussi bien du côté des professionnels qui
doivent maintenir leurs qualifications, que du côté des entreprises
qui doivent adapter leur main-d'oeuvre. Au delà de notre mission
sociale, nous avons tout intérêt à nous impliquer activement
dans ce domaine qui nous permettra d'établir de nouvelles collaborations
avec le milieu, dans la mesure où les forces économiques en
jeu justifient un financement privé de ces activités.
Par ailleurs, l'usage des NTIC dans ces activités peut nous ouvrir des champs d'action nouveaux dans le domaine de "l'apprentissage juste-à-temps" ou même de la fourniture d'une expertise "en temps réel" à nos diplômés. Il peut également nous donner accès à des clientèles nouvelles, ailleurs au Québec ou dans le monde entier; dans certains domaines comme l'agriculture, la foresterie ou la santé, nous avons des expertises uniques et de grande valeur à offrir dans les pays de l'Europe de l'est ou dans les pays en voie de développement, par le biais de la formation continue à distance sur Internet.
LES PROGRAMMES DE 2e ET 3e CYCLES
La formation de 2e et 3e cycles est une composante essentielle de l'activité
d'une grande université de recherche comme Laval. Nos progrès,
en particulier au niveau du doctorat, ont été remarquables
depuis 15 ans. Pour consolider notre action dans ce domaine, nous devrons
prendre des mesures pour mieux contrôler la durée des études:
- généralisation de l'utilisation des comités de supervision pour améliorer la qualité de l'encadrement;
- mise en place de procédures plus rigoureuses de suivi du progrès des étudiants;
- révision du niveau de financement et des procédures du fonds de soutien au doctorat pour en optimiser l'efficacité, avec une attention particulière à la situation des étudiants dans les secteurs des sciences humaines où le financement de la recherche est insuffisant;
- accroissement substantiel, dans la suite de la Campagne Défi, des fonds privés consacrés à l'offre de bourses aux meilleurs étudiants de 2e et 3e cycles.
Nous devrions ré-examiner le rôle de la maîtrise avec thèse. D'une part, ce type de programme a tendance à disparaître partout ailleurs en Amérique du Nord et dans le monde. D'autre part, la durée de ces programmes a souvent pour effet de décourager des étudiants, par ailleurs excellents, à poursuivre au delà de ces maîtrise et à s'engager dans des études de doctorat pourtant plus profitables. Si nous devions conserver ces programmes, il faudrait à tout le moins mettre en place des procédures systématiques de passage accéléré au doctorat pour tous les étudiants qualifiés et intéressés.
Enfin, il faudra apporter une attention particulière à la diversité du recrutement étudiants au niveau des 2e et 3e cycles. Laval, comme les autres universités québécoises, a tendance à recruter surtout parmi ses propres diplômés de 1er cycle. Je suggère que nous adoptions une stratégie de recrutement diversifié à l'échelle mondiale, quitte à trouver les accommodements nécessaires au chapitre de la langue. Je me propose aussi de mettre en place, avec les autres universités du Québec, des ententes de réciprocité visant à améliorer la mobilité des étudiants diplômés.
Vous trouverez sur mon site web quatre textes qui présentent en plus grands détails les voies d'action que je viens d'évoquer pour permettre à Laval, forte de ses traditions, d'être maître de l'innovation et de son avenir.
Adresse électronique:
http://www.qbc.clic.net/~tavenas/