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6 mars 1997 ![]() |
Quelles que soient les turbulences qui l'affectent présentement, l'Université Laval est une grande université, une excellente université, qui est fière de ce qu'elle offre aux étudiantes et aux étudiants , et à la société tout entière. C'est parce que j'y crois passionnément et que j'ai envie d'agir, sans céder sur les valeurs de fond, que j'ai voulu en devenir le recteur, si tel est l'avis du collège électoral.
C'est aussi parce que j'estime que la personne dont l'Université a besoin comme recteur, à ce moment-ci de son histoire, ce n'est pas d'un gestionnaire froid, aussi compétent soit-il, mais d'une personne dynamique, à la fois énergique et sensible à la réalité universitaire, capable de décisions rapides et qui ne perde jamais le contact avec les membres de l'Université. Ni non plus avec tous ceux et celles qui, à l'extérieur, ont les yeux tournés vers l'Université parce qu'ils attendent beaucoup d'elle et s'offrent à travailler avec elle.
Le prochain recteur devra être un homme d'action (un homme, puisqu'il n'y a pas de femme dans la course) capable d'orienter, de décider, d'agir, de combattre. Il devra être très conscient des enjeux, non seulement financiers, mais plus encore intellectuels et organisationnels, au moment où la turbulence devient un trait essentiel et le changement, un mode de vie. Il devra en même temps être un homme de présence, toujours là pour diriger, motiver et donner confiance, un homme d'écoute, soucieux d'entendre le point de vue des étudiants et des étudiantes, des enseignants et des enseignantes, de tout le personnel administratif, ainsi que les avis de l'extérieur, très importants eux aussi pour l'Université. Un homme d'équipe enfin, car il devra savoir s'entourer avec soin de vice-rectrices ou de vice-recteurs qui partageront avec lui le leadership et l'administration de l'Université, dans un souci de complémentarité avec lui et d'efficacité.
Le Fil des événements du 27 février dernier présentait les cinq orientations que je propose pour faire de l'Université Laval une Université ouverte et confiante. La première de ces orientations se formulait ainsi : réaffirmer la mission de l'Université, mais revoir la manière dont elle s'affirmera. Il y était question de choix à faire et de priorités à définir; de lucidité, de courage et de détermination à cultiver; enfin, d'ouverture non seulement sur le monde, mais sur les institutions universitaires et collégiales de l'Est du Québec, qui sont des partenaires naturels de Laval.
Je n'y reviendrai pas aujourd'hui, pour m'arrêter plutôt sur la seconde orientation, celle qui touche la vie des membres de l'Université. Quant aux autres orientations annoncées, je les aborderai dans la prochaine édition du Fil.
Persister à vouloir établir, pour les membres de l'Université, les conditions les meilleures pour une action de qualité, tel est l'énoncé de cette deuxième orientation, dont on me permettra d'expliciter le sens qu'elle prend pour moi et les engagements que je prends à ce titre.
A. Pour les étudiants
Améliorer l'ensemble des conditions d'études que
l'Université leur offre pour les assurer, aux trois cycles,
de la meilleure formation qui soit;
L'Université doit se préoccuper autant de ce qui attend les étudiants pendant et après leurs études qu'elle s'est préoccupée de les amener chez elle et qu'elle s'occupe de la qualité des programmes.
1. Pour ce faire, l'Université doit, en matière de programmes et d'études,
· offrir aux étudiants des programmes adaptés, rigoureux, exigeants, propres à attirer les étudiants les plus motivés et à créer pour eux un climat intellectuel stimulant;
· leur offrir des programmes qui donnent accès non seulement à une formation polyvalente, à un savoir pratique et au monde du travail, mais aussi à une expérience intellectuelle, à une réflexion critique et à un esprit d'éducation permanente, qui appartiennent en propre à la vie universitaire;
· les assurer du fait que les programmes sont constamment évalués, mis à jour et dotés des ressources les plus à point; qu'ils font place à la formation continue et y préparent, et qu'ils sont adaptés à la diversité des lieux et des personnes;
· mettre en place les moyens pour améliorer l'efficacité des programmes et des cours à l'intention des étudiants, en leur assurant un encadrement pédagogique de qualité, en évitant au maximum le décrochage chez eux et en augmentant le taux de diplomation .
· s'assurer de diminuer pour les étudiants l'espèce de "culture de complication" à laquelle on en est progressivement venu (règlements pédagogiques, horaires, formulaires, morcellement des responsabilités...).
2. Elle doit aussi s'assurer que l'on donne droit aux étudiants lorsqu'ils demandent avec raison à tous ceux qui participent à leur formation d'être compétents, d'être disponibles, et de prendre intérêt à leur réussite.
3. De même que les professeurs sentent le besoin de réfléchir au métier de professeur, de même serait-il souhaitable d'inviter les étudiants à réfléchir à leur "métier", et notamment aux responsabilités qui sont les leurs dans leur formation. C'est là un défi d'envergure pour les associations étudiantes du campus, et la matière d'un intéressant débat. Il sera souhaitable également d'inviter les étudiants, qu'on a souvent pris l'habitude de qualifier de "clients", à dire comment ils se sentent à cet égard et de préciser leur position par rapport à l'Université, à ce propos.
4. Sans jamais oublier le caractère libre et fondamental de la formation universitaire, faire écho, dans tous les programmes, chez les enseignants et les responsables des études, au souhait que les étudiants expriment que leurs études leur donnent accès à des emplois, ou tout au moins qu'elles les y préparent, et voir à ce que les programmes, en particulier dans les secteurs non professionnels, affichent une préoccupation envers l'insertion sur le marché du travail, l'emploi et les fonctions sociales que voudront exercer par la suite les étudiants qui les fréquentent.
5. Se préoccuper de la situation financière des étudiants, en la liant notamment au maintien de l'accessibilité, au premier cycle, ou aux conditions de formation par la recherche, aux cycles supérieurs : ne pas esquiver le débat sur la place plus grande que les étudiants doivent prendre au coût de leurs études et appuyer les efforts des étudiants pour faire en sorte que des programmes d'aide financière adéquats les supportent.
6. Poursuivre aussi les efforts consentis jusqu'ici pour aider au placement des nouveaux diplômés, en multipliant les liens avec les entreprises et le monde de l'emploi (alternance études-emploi, stages crédités, etc.), en continuant d'appuyer l'action du Service de placement et de tous les organismes, de toutes les personnes qui, dans l'Université, travaillent avec détermination pour assurer aux diplômés - nouveaux et, parfois aussi, anciens - un emploi qui soit à la mesure de la préparation qu'ils se sont donnée.
7. S'assurer que l'Université prend les moyens pour connaître le devenir de ses diplômés, de manière à disposer de toute l'information sur leur insertion dans le marché du travail, le degré de satisfaction que leur procurent leurs études et leur diplôme, afin de les suivre, de les aider, le cas échéant, et de profiter de leur expérience d'une part, et d'être en mesure, d'autre part, d'agir sur les programmes de formation et de pouvoir les adapter sans cesse aux besoins des étudiants et aux fonctions sociales - parfois inusitées - qui les attendent.
À cela s'ajoutent l'environnement général du campus universitaire, milieu de vie qu'il faut sans cesse vivifier, celui des autres lieux où l'Université est présente, de même que les services de tous ordres qu'elle met à leur disposition.
B. Pour les professeurs et les autres enseignants
1. L'Université a fait des efforts pour constituer un corps
professoral stable, engagé dans l'enseignement et la recherche.
Il s'impose de ne pas mettre en cause ce choix, en acceptant cependant
de tenir davantage compte des particularités de certaines
disciplines ou champs d'études.
2. L'enseignement et la recherche sont indissociables et forment ensemble la fonction essentielle du professeur. On doit tout faire, par conséquent, pour que la modulation de la tâche dont on parle vise le groupe et le moins possible les personnes, puisqu'elles sont appelées à maintenir un égal souci envers l'enseignement et la recherche.
S'il n'y a pas d'opposition enseignement-recherche, il y a certainement une tension pour les personnes (v.g. gestion du temps, choix des priorités) et pour les unités (v.g. équité, modulation, reconnaissance, évaluation de la part prise par chacun et du "rendement") dont on doit être collectivement conscient.
3. Il faut continuer à créer les conditions pour valoriser le travail des professeurs (plans de carrière, critères de promotion modulés, habilitation aux études supérieures, reconnaissance de l'excellence en enseignement et recherche, etc.), pour faciliter leur tâche et pour reconnaître leur action.
Le recrutement de nouveaux professeurs, la capacité de l'Université de les attirer et de les garder sont aussi directement liés à ces conditions, dans le contexte de concurrence internationale qui existe plus que jamais.
4. Liés intimement aux professeurs et indispensables dans l'Université d'aujourd'hui figurent aussi d'autres enseignants et d'autres collaborateurs qui y ont leur place, une place indispensable. Les chargés de cours, les maîtres de langue, les professeurs de clinique, les professionnels de recherche, les responsables de formation pratique, pour ne nommer que les plus visibles, exercent avec les professeurs les fonctions d'enseignement ou de recherche. Dans l'Université, ils doivent se sentir valorisés de travailler à la cause commune et constamment incités à être, eux aussi, les meilleurs.
5. Les professeurs, les enseignants et les responsables de l'enseignement doivent également s'appliquer à concevoir les programmes comme un ensemble de moyens mis en place pour assurer aux étudiants des trois cycles une formation intégrée, grâce à un esprit d'équipe à l'intérieur des unités et des programmes.
Donner une formation est un défi collectif, qui fait appel à des hommes et des femmes qui entendent être des maîtres. On ne peut que gagner à favoriser l'esprit d'équipe, la concertation des enseignants d'un programme, l'innovation pédagogique, et à explorer davantage la variété de moyens que les technologies nouvelles de l'enseignement mettent à la disposition des professeurs et des étudiants, en tenant compte toutefois des besoins, des degrés d'avancement ou d'ouverture, qui peuvent être fort variables dans une institution aussi diversifiée que Laval.
6. S'assurer que se fasse partout l'évaluation des enseignements, selon une pratique juste et efficace : c'est là la mesure du sérieux que l'on accorde à un bon enseignement et des efforts auxquels on est prêt à consentir pour améliorer les choses quand c'est nécessaire. C'est aussi une condition absolue pour que la qualité de l'enseignement puisse être reconnue au même titre que la recherche aux fins de la promotion et de la reconnaissance universitaire . C'est une marque de respect envers les étudiants, une preuve qu'on a à coeur leur bien, leur réussite, la qualité de leur formation.
7. Appuyer les efforts du Réseau de valorisation de l'enseignement, qui a contribué à pousser plus loin la réflexion pédagogique et a créé, dans l'Université et chez les enseignants, un état d'esprit nouveau, où la qualité de l'acte d'enseigner et celle de la relation professeur-étudiants sont mises en valeur de façon incontournable dorénavant.
8. Dans les domaines aussi bien de l'enseignement que de la recherche, ne pas craindre de faire sortir du rang les meilleurs, ceux et celles qui, par la qualité exceptionnelle de leur action, peuvent le plus dynamiser leur milieu et créer des pôles d'excellence propres à stimuler l'entourage et à attirer les meilleurs éléments à l'Université. Les mettre en valeur, souligner leur mérite constituent une bonne façon de donner du relief à ce qui se fait à Laval.
C'est par de tels choix aussi que les nouveaux professeurs seront incités à venir à Laval se joindre à des équipes gagnantes, et que les étudiants sauront que dans tel ou tel domaine, c'est à Laval qu'on trouve les meilleurs professeurs, les meilleures équipes, et donc qu'on trouvera le meilleur lieu de formation, parce que c'est un milieu fort.
9. En matière de recherche, continuer à renforcer la position des professeurs de l'Université Laval, pour les rendre plus compétitifs encore et qu'ils puissent soutenir les exigences des organismes subventionnaires. Contribuer d'autre part à ce que les professeurs qui font de la recherche sans subvention voient reconnues la pertinence et la valeur de leurs travaux (rayonnement, nombre d'étudiants des cycles supérieurs dirigés, volumes et publications, etc.).
10. Si l'on veut enfin que l'Université Laval reste une grande université, qu'elle mène des actions de qualité et qu'elle obtienne le respect du monde universitaire et de la société, on ne devra pas craindre, d'une part, de faire valoir à quel point les professeurs sont soumis à une évaluation constante, d'autre part, de s'assurer du bon fonctionnement des mécanismes d'évaluation, notamment dans la manière d'en rendre compte.
C. Pour le personnel administratif
1. Faire en sorte que les membres de ce groupe, dans les unités
pédagogiques autant que dans les services, perçoivent
l'importance de l'action qu'ils mènent dans l'Université,
eux qui pourraient le plus se sentir parfois tenus à l'écart
des grandes missions d'enseignement et de recherche de l'Université.
2. Faire prendre conscience aux professeurs et aux étudiants de la valeur indispensable du travail de soutien du personnel administratif et du fait qu'ils sont sans doute ceux qui ont le plus été touchés par les contraintes budgétaires récentes; dans la plupart des cas, il serait difficile de demander davantage d'efforts aux personnes de ce groupe.
3. Multiplier les occasions pour favoriser le contact et la compréhension entre le personnel administratif - qu'il soit lié à l'enseignement et à la recherche ou qu'il oeuvre dans les services - et les professeurs, le personnel enseignant, ainsi que les responsables des unités d'enseignement et de recherche.
4. Mettre en valeur également ceux et celles qui, par leur action, contribuent de façon remarquable au bon renom des services administratifs et "académiques", et à leur efficacité reconnue.
D. Pour les diplômés et les retraités
Ne pas craindre d'avoir recours à eux et les informer sur
la vie de l'Université : ce sont ses alliés
les plus naturels, ses meilleurs ambassadeurs et bien souvent
ses conseillers les plus sages.
Mon engagement premier s'adressera à toutes ces personnes qui forment l'Université, professeurs et autres collaborateurs à l'enseignement et à la recherche, étudiants, administrateurs et personnel administratif, auxquels je lie aussi les retraités et les diplômés. J'ai toujours eu plus d'égards pour les gens que pour les dossiers, et je n'ai pas l'intention d'en changer !
Plus que jamais, nous avons ensemble à développer le sentiment d'appartenance, le respect mutuel et la reconnaissance du rôle de chacun, pour garder l'Université Laval au rang des grandes universités et, une fois franchis les temps difficiles que vivent les institutions d'enseignement supérieur, la confirmer dans sa mission. L'Université est remplie de gens de bonne volonté, de personnes qui ont le goût de voir bouger les choses : il faut compter sur leur loyauté, leur générosité, aller les chercher dans leurs désirs de changement et tracer, avec eux et avec les associations ou les syndicats qui les regroupent, les voies de l'avenir. C'est là aussi le rôle du recteur.