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6 mars 1997 ![]() |
Le philosophe Thomas De Koninck
reçoit le Prix La Bruyère de l'Académie française
Thomas De Koninck recevait récemment le Prix La Bruyère de l'Académie française, au titre de "Prix de philosophie, de morale et de sociologie 1996" pour son ouvrage De la dignité humaine (Presses Universitaires de France, 1995). Très honoré de recevoir cette récompense prestigieuse qui échoit pour la première fois à un Canadien, ce professeur à la Faculté de philosophie est intarissable sur le sujet qui lui a valu cet honneur, la dignité humaine, estimant que "tout être humain, quel qu'il soit, possède une dignité propre, au sens que Kant a donné à ce terme: ce qui est au-dessus de tout prix et n'admet aucun équivalent, n'ayant pas une valeur relative, mais absolue. "
Avec passion, Thomas De Koninck parle de la dignité humaine comme d'une condition sine qua non pour le salut de l'humanité. "Contrairement à une opinion reçue, c'est très vite, en Orient comme en Occident, bien avant les Lumières, que la dignité humaine a imposé à la conscience de reconnaître même aux plus faibles une noblesse particulière. La figure exemplaire à cet égard est celle d'Antigone, qui défend au nom de "lois non écrites" le droit du corps de son frère à la sépulture, reconnaissant par là l'humanité même d'un cadavre. Cette reconnaissance que chaque être humain compte est de plus en plus actuelle et nécessaire dans notre monde. En fait, la dignité humaine représente la valeur par excellence de l'avenir."
Un sens à la vie
Très préoccupé par le problème de "l'autodestruction
chez les jeunes" - autodestruction qui se manifeste par le suicide
et le décrochage scolaire - le philosophe affirme qu'"il faut
repenser l'éducation en fonction des jeunes qui ont essentiellement
soif de Beau et d'Idéal". "À mon avis, on investit
beaucoup dans l'ordinateur et peut-être pas assez dans les beaux-arts,
par exemple. Non que je sois contre l'informatique, bien au contraire, mais
j'estime qu'il manque une certaine forme de sens dans cette société
narcissique qui est la nôtre."
Depuis plus de trente ans qu'il enseigne à l'Université Laval, Thomas De Koninck, qui a été doyen de la Faculté de philosophie de 1974 à 1978, n'a pas d'autre prétention que d'essayer de transmettre "le goût d'aimer et de vivre" à ses étudiants. À travers ses champs d'expertise que sont l'éthique, la philosophie grecque (Platon, Socrate) et des questions de métaphysique, le philosophe ne veut pas donner de réponses toutes faites, mais bien susciter des questions chez l'étudiant. "Nous sommes tous des autodidactes parce que nous apprenons ce que nous voulons bien apprendre, estime-t-il. À cet égard, la fonction du maître consiste à donner le goût aux personnes d'être autodidactes. À l'instar de Hegel qui croyait que "rien de ce qui est grand ne s'est fait sans passion", je considère que sans la passion, nous sommes perdus."
Apprendre à penser
"Avec Thomas De Koninck, il n'existe jamais de réponse définitive",
commente Rita Poulin, une étudiante au doctorat en philosophie pour
qui la rencontre avec ce professeur a été déterminante.
Souhaitant prendre quelques cours de philosophie pour sa culture personnelle,
la chercheuse affirme avoir attrapé "la piqûre de la philo"
en côtoyant cet homme qui incite constamment ses étudiants
à ne rien prendre pour acquis: "Avec lui, nous nous sentons
des êtres humains. Tout se déroule dans le respect et la confiance.
En outre, il nous encourage constamment à persévérer."
Même son de cloche chez Monique Savard qui souligne avoir été frappée de la "bienveillance" et de "l'extrême délicatesse" dont fait preuve Thomas De Koninck envers ses étudiants, dont plusieurs en sont à leurs premières armes en philosophie. "C'est un excellent pédagogue qui illustre sa matière de nombreux exemples et d'analogies, constate-t-elle. Afin de nous laisser le plaisir de la découverte, il ne nous donne pas toutes les réponses, mais nous incite plutôt à aller lire les auteurs dans le texte." Isabelle Létourneau, qui effectue son mémoire de maîtrise sous sa direction, vante sa culture impressionnante et son extrême disponibilité: "Quand on travaille avec Thomas De Koninck, il faut avoir des questions. Sinon, on n'a pas vraiment l'impression d'avancer."
Nommé Chevalier de l'Ordre des Palmes Académiques de la République française par décret ministériel du 25 juillet 1996, pour services rendus à la culture française, Thomas De Koninck considère que l'étude de la philosophie est primordiale pour l'avenir de la société. Il croit également que la philosophie offre une formation fondamentale des plus utiles, dans un monde "hyper-spécialisé" où les changements se produisent à la vitesse de l'éclair. "De nos jours, lance-t-il, tout est centré sur l'économie. C'est à l'université qu'incombe la responsabilité de créer de nouveaux idéaux chez les étudiants; à cet égard, comme première tâche, l'Université a aussi celle d'apprendre à penser. Et cela, c'est la tâche de la philosophie."