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27 février 1997 ![]() |
Tout jeune qui postule un emploi sait cette incontournable difficulté de convaincre que sa jeunesse et son inexpérience n'altèrent pas forcément son efficacité et peuvent, au contraire, amener un regard neuf et différent à la résolution des problèmes auxquels il sera confronté dans ses fonctions.
Tout jeune qui postule un emploi, mais qui risque de masquer difficilement son inexpérience, se met à rêver que ses concurrents et ceux qui auront à en juger mettent en apposition, pour que toute comparaison reste signifiante, des C.V. qui s'arrêteraient au parcours des 20 premières années... Il est permis de rêver.
J'ose, malgré mon âge, prétendre au poste de recteur de l'Université Laval. Il ne faut pas se méprendre. Je n'essaie pas de récrire la fable de "la grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le boeuf..."
Citoyen de Beauport, j'ai décroché mon diplôme d'études collégiales en sciences administratives au CÉGEP de Sainte-Foy. À l'Université Laval, depuis septembre 1995, je poursuis des études à temps plein pour l'obtention d'un baccalauréat en économie.
La plupart des étudiants de mon âge doivent aujourd'hui travailler pour payer leurs études et leurs frais de subsistance. Je ne fais pas exception à la règle. Ainsi, employé à temps plein l'été et à temps partiel pendant l'année scolaire pour le Réseau des SADC du Québec (Société d'Aide au Développement des Collectivités) je suis agent d'information et de recherche. Conseiller les projets de développement et gérer les programmes d'emploi font partie de mes responsabilités, entre autres choses.
Je suis aussi gestionnaire principal, fondateur et co-propriétaire d'une entreprise, Mercali informatique intégrale enr. Cette jeune entreprise offre, entre autres services, la formation sur informatique et la maintenance des ordinateurs.
C'est bien connu, l'homme ne vit pas seulement de pain... Aussi suis-je actif dans plusieurs activités sportives, culturelles, sociales, para-scolaires.
Ainsi, au CÉGEP de Sainte-Foy, j'ai été co-fondateur et administrateur du projet BABEL, babillard électronique instauré pour que les associations étudiantes collégiales, ainsi que les étudiants et professeurs puissent disposer d'un outil de télécommunications simple et efficace.
À l'Université Laval, je suis co-fondateur et journaliste du journal des Sciences sociales, L'Épicentre. Je suis aussi directeur général du journal des étudiants en économique, le Ceteris Paribus.
J'ai été également impliqué au niveau sportif de compétition: en 1994-1995, j'ai été choisi capitaine de l'équipe d'élite de compétition de ski de fond Nordique Mont-Sainte-Anne. Par ailleurs, depuis avril 1996 je suis membre du conseil d'administration du Club de ski Nordique M-S-A. Nous travaillons à maintenir une école de ski efficace, organisons des championnats et veillons à ce que le Club puisse s'affirmer sur la scène provinciale et nationale.
En terminant, je n'en disconviens pas, les savants "collègues" qui postulent avec moi la fonction de recteur de notre université ont des dossiers fort impressionnants en divers domaines. Je salue très bas leur science et leur savoir-faire. Peut-être que l'un ou l'autre voudra devenir un des précieux collaborateurs dont je veux m'entourer...
Mesdames, messieurs,
Vous avez appris ma candidature au poste de recteur de l'Université Laval. Je suis sûrement le moins expérimenté, pourra-t-on prétendre sans grand mérite. Cependant, je m'efforcerai de rendre cette campagne la plus publique possible et de poser à ceux qui prétendent occuper le poste des vrais questions et les obliger à chercher des vraies solutions.
Certes, à cause de mon inexpérience et du peu de temps que me laisse mes obligations d'étudiant, je n'ai pas réussi à ouvrir toutes les portes ni obtenu toutes les informations que j'aurais voulu avoir. Mais une équipe de jeunes étudiantes et étudiants dynamiques seconde mes efforts et d'ici les différentes étapes de l'élection du recteur nous entendons poser beaucoup de questions et espérons obtenir les réponses.
Si le collège électoral prouve son intérêt vis-à-vis les points de vue des jeunes, des étudiantes et étudiants de l'Université Laval, il voudra me laisser le temps d'exposer mes idées et les leurs. Il se peut que mes idéees puissent rallier un grand nombre de membres du collège et que ceux-ci soient enclins à m'appuyer dans ma démarche.
D'entrée de jeu, j'affirme être sérieux dans mes prétentions. Je consulte. Les problèmes sont nombreux et d'envergure. Les jeunes qui se sentent concernés par les solutions n'ont pas plus que moi le goût d'en rire.
Je suis jeune, il est vrai. C'est un défaut qui disparaît avec le temps, et fort vite à ce que j'entends dire. Mais maturité n'est pas incompatible avec jeunesse. Mon équipe et moi sommes prêts à la prouver. Oui, je suis bien entouré. Je sais bien choisir mes collaborateurs. Si le collège électoral me fait confiance, je saurai composer une équipe d'hommes et de femmes expérimentées qui aimeront travailler avec des jeunes dynamiques, assoiffés de réalisme, de transparence, de vérité. Je sais prendre avis et décider en temps opportun. J'entends travailler de bonne foi et consulter non pour la forme mais pour information pertinente tous les représentants des associations dûment mandatés pour parler au nom de tous ceux qui oeuvrent à l'université.
Pour l'heure, et sans que cela ne soit restrictif, nous sommes préoccupés par la qualité de la formation sur le campus, par tous les problèmes reliés au budget, à l'administration et au financement de l'université. Nous voudrions ensuite que l'Université Laval ait du rayonnement dans cette région où elle peut rendre de multiples services et accueillir favorablement toutes les idées de collaboration efficace là surtout où nos étudiantes et étudiants en retireraient profit sur le plan intellectuel et professionnel.
De façon générale, le prochain recteur devra relever plusieurs défis et y consacrer tout son temps. Il devra arrimer le milieu universitaire aux milieux socio-économiques et éducatifs de la grande région de Québec et de la société québécoise.
L'Université Laval devra prendre conscience de la nécessité de collaborer étroitement avec les futurs employeurs afin de favoriser sinon l'expérience et un espoir accru d'employabilité.
La qualité des diplômes de notre université ne vaut certes pas moins, au contraire, que celle de n'importe quelle autre institution comparable. Pourtant, combien de bacheliers de ces dernières années sont obligés de gagner difficilement leur vie, souvent au salaire minimum et dans des emplois qui n'ont rien à voir avec leur formation, encore moins avec les idéaux qu'ils s'étaient fixés! Nous formons des administrateurs qui deviennent caissiers de supermarchés, des enseignants qui sont concierges de salles de quilles, des sociologues et des ingénieurs qui sont vendeurs d'assurances.
L'Université Laval aujourd'hui aurait bien de la difficulté à rentabiliser un plan d'assurance-emploi qu'elle offrirait à ses futurs diplômés, fussent-ils les meilleurs! N'y a-t-il rien d'autre à faire, du côté universitaire, que d'accuser tout le monde et son père d'être les responsables de ce gâchis?
Je vous assure que je me pencherai sérieusement sur ce problème et explorerai toutes les avenues de solutions au lieu d'observer et d'admettre. À étudier notamment, la création de cours et de diplômes où l'offre d'emploi ne reçoit pas actuellement de réponse satisfaisante faute de candidats qualifiés.
Qualité de la formation
L'Université Laval a la chance de pouvoir compter sur des doyens
de facultés consciencieux et expérimentés. Je voudrai
m'assurer que leurs nombreuses préoccupations administratives ne
les empêche de faire preuve de beaucoup de sensibilité face
aux préoccupations et problèmes de leurs étudiants.
Nos doyens devront donc initier, dans chacune de leurs facultés respectives, des outils de concertation, de dépannage, d'entraide, de soutien en vue de maximiser l'effort de chaque étudiant ou étudiante et de rendre son succès possible pour peu qu'il en dépende de la qualité d'accueil et d'accompagnement de sa faculté.
L'Université Laval a aussi la chance de compter sur des titulaires de cours dont l'immense majorité dispense sciences et expériences avec savoir-faire et humanité. Je m'assurerai que tous ces enseignants, dans leur enseignement et dans leurs mesures et évaluations des apprentissages des étudiants, soient littéralement près des préoccupations et des besoins de la société d'aujourd'hui. C'est dans le cadre de cet objectif que je veillerai à ce que les comités des programmes exercent un rôle accru en ce qui a trait à la qualité de la formation.
Ces comités des programmes prendront les moyens, s'il le faut, que des écarts inadmissibles n'apparaissent dans les résultats des divers groupes d'étudiants seulement parce que le credo pédagogique de l'un ou les disparités de l'évaluation de l'autre ait pu faire la différence entre l'échec et le succès d'un étudiant. Notamment, nos enseignants devraient idéalement enseigner avec conviction, savoir-faire, dynamisme, en utilisant les ressources modernes de communication et en évaluant leurs étudiants strictement en fonction de ce qu'ils ont enseigné ou proposé comme lecture et travaux.
Quant aux chargés de cours, ils constituent probablement la meilleure garantie de l'arrimage entre l'université et le monde du travail. En effet, ces derniers, issus du monde du travail, sont reconnus pour leur excellence et apportent à nos étudiantes et étudiants toute l'expérience pratique utile afin de bien débuter sa carrière. Je souhaiterai que la voix de ces enseignants se fasse entendre haut et clair et qu'ils influencent ostensiblement la dynamique des corps professoraux de toutes les facultés.
De même, là où le nombre le justifie, il faudra augmenter le nombre d'auxiliaires de cours pour aider l'enseignant à atteindre ses objectifs et aider les étudiants dans leur cheminement.
Enfin, j'inciterai fortement toutes les facultés à implanter des "bureaux de stage", aptes à recevoir les offres du marché du travail ainsi qu'appuyer les démarches des étudiantes et étudiants en recherche de stage. Ces bureaux de stages pourront aussi proposer, chaque fois que la pertinence du stage sera reconnue, que ces derniers soient normalement crédités et que l'expérience acquise s'affiche sur le relevé de notes de l'étudiante ou de l'étudiant.
Transparence et amélioration des structures administratives
Je voudrais maintenant aborder l'un des sujets les plus controversés
de l'heure qui préoccupe non seulement l'ensemble de la communauté
universitaire mais également nombre de contribuables; il s'agit évidemment
du fonctionnement administratif de l'université et des dépenses
occasionnées par celles-ci, financées à même
les fonds publics.
Selon moi, il est inacceptable qu'un recteur exerce un intense lobby auprès des gouvernements pour relever les frais de scolarité alors que d'autres solutions pourraient encore être explorées pour réaliser des économies supplémentaires.Le recteur doit représenter les intérêt de la majorité de la communauté universitaire, y compris les étudiants. Il doit envisager d'autres solutions dans le but de résorber le déficit financier.
En premier lieu, des économies de temps, d'argent et d'énergie pourraient encore être réalisées en favorisant le décloisonnement et le dialogue entre les départements universitaires, et ce, dans le respect de la diversité. Cela éviterait des situations désagréables où des cours pourtant semblables ne sont pas reconnus d'un département à l'autre. Cela éviterait également de disperser à travers les différents départements les étudiantes et étudiants intéressés à suivre des cours semblables.
Par ailleurs, nous savons tous que le décrochage universitaire de la première année du baccalauréat est très élevé, avec des proportions qui atteignent même les 50%. Afin de prendre des mesures pour contrer une telle situation, je permettrai l'instauration d'un système de "mentorat" à la grandeur de l'université afin que les étudiants nouvellement admis puissent disposer d'une ressource humaine fiable en la personne d'un étudiant plus avancé afin de susciter l'intérêt de la recrue étudiante et avoir accès à plus d'information sur son programme d'études, et pourquoi pas, les perspectives et alternatives d'emploi caractérisant le secteur privilégié. En luttant contre le décrochage, il en coûterait beaucoup moins cher à la société pour former ses travailleurs de demain.
Je ne saurais passer sous silence mon intention d'inciter les professeurs à prendre leur retraite à un âge raisonnable, soit en supportant les programmes déjà prévus à cette fin ou en appuyant d'autres arrangements. Ceci permettrait implicitement l'arrivée de forces fraiches dans le corps professoral tout en maintenant la contribution de ces vétérants de l'enseignement et de la recherche dont le savoir et l'expérience demeureront toujours utiles à l'ensemble de la communauté universitaire.
Il sera également de ma responsabilité de m'assurer qu'aucune transaction, vente ou dépense ne se fasse avec le moindre soupçon de nébulosité. En ces temps d'incertitude, la transparence la plus complète, l'honnêteté et l'intégrité devront être de rigueur. Le fait qu'il existe des intervenants cherchant à tirer profit des installations universitaires et des recherches effectuées honnêtement par les étudiants dans un objectif de capitalisation personnelle est tout à fait inadmissible. Je puis vous assurer dès maintenant que l'environnement dans lequel ils évolueront ne sera pas du tout conforme à leurs aspirations dont les pratiques contreviennent aux règles d'éthiques les plus fondamentales.
Transparence signifie d'autant plus que le budget de cette université devra cesser de faire l'objet d'un mystère aussi inaccessible que le troisième secret de Fatima. Ne serait ce que par respect pour les contribuables, j'ai l'intention d'ouvrir les discussions sur le budget afin de permettre aux membres de la société de savoir où vont les deniers publics et mettre les nombreuses experiences de cette université à contribution pour trouver des moyens originaux et diversifiés de faire face aux contraintes budgétaires qu'il nous faudra surmonter. De cette manière, l'université se verra contrainte de gérer plus consciencieusement son administration.
Il est également un dossier administratif qu'il me faut commenter: la réorganisation facultaire. Pour nous, il ne fait aucun doute qu'assez de deniers publics ont été investis dans de coûteuses études et nous sommes d'avis que le statut quo éviterait par surcroît de se lancer dans des coûts inutiles de restructuration facultaire.
Enfin, pour clore ce volet administratif, il me faut spécifier que les étudiants sont sous-représentés dans les diverses instances universitaires légales et ce, même dans les comités de programme où les réglements du 1er cycle relatifs à ces comités ne sont pas correctement appliqués. Il sera donc de mon devoir de m'assurer que la représentation étudiante soit à la mesure de l'importance qu'ils occupent sur ce campus.
Rayonnement
Nous les jeunes, aimerions fréquenter une institution dont le renom,
le prestige et le rayonnement dépassent avec une aisance incontestée
les limites du territoire où nichent ses facultés.
J'en conviens, l'Université Laval a encore bonne presse. Mais -et je voudrais bien me tromper- je ne suis plus certain que les diplômes qu'elle décerne maintenant ont, aux yeux de l'employeur, la supériorité qu'on lui reconnaissait volontiers autrefois sur tout autre diplôme qui venait d'ailleurs. Je ne souhaite pas qu'on banalise désormais ce qui sort de Laval. Au contraire pour une fois, je voudrais être taxé de rétrograde en souhaitant que les titres qu'on décerne retrouvent le lustre d'antan.
En conséquence, je voudrai qu'on informe régulièrement les finissants de nos écoles secondaires et les cégepiens du Québec qu'à Laval on ne saurait diluer, affaiblir, atténuer les exigences d'entrée sous prétexte d'augmenter le nombre d'inscriptions. Au contraire, il faut motiver le plus grand nombre d'entre eux qui visent l'excellence et veulent partager notre fierté, à s'inscrire ici dans le but que leur formation contribue à notre réputation d'excellence.
Pour les convaincre de notre accessibilité, qu'ils nous voient vivre. Qu'ils aient le droit de venir sur le campus consulter notre bibliothèque par exemple, où d'utiliser nos installations sportives. Les portes de dizaines d'associations qui ont pignon sur rue a l'université, qu'ils s'interessent à la littérature, à la musique, au folklore, aux sports aux loisirs, aux problèmes sociaux, aux affinités diverses qui réunissent étudiants et étudiantes autour d'intêrets ou de goûts communs ne pourraient-elles s'ouvrir à ceux et celles qui pourraient bientôt être des nôtres ?
D'ailleurs les étudiants du campus devraient idéalement avoir plus d'informations sur les services de toutes sortes offerts par les différentes associations. Cela ne pourrait que mieux servir notre sentiment d'appartenance à une institution qu'on veux tous voir progresser.
Nos étudiants, nos professeurs, nos chercheurs, nos penseurs devraient, chacun à la mesure de ses talants et de sa spécialité aider l'Université à rayonner aussi a l'extérieur de ses murs. Les cadres ne doivent pas être en reste non plus.
J'insiste sur un plus grand partenariat avec le secteur privé, les parcs technologiques par exemple, les artistes et les artisans, les professionnels, les gens d'affaires, les syndicats, les associations professionnelles, les représentants politiques, les leaders religieux. L'Université a également un rôle non négligeable à jouer dans le développement régional. Nos penseurs et nos spécialistes devraient être plus naturellement invités à débattre publiquement plutôt que d'en discuter dans les bureaux fermés de nos facultés.
L'Université a des ressources techniques, humaines, professionnelles, logistiques et j'en passe. Elle devrait être ouverte à l'idée d'en faire profiter les organismes qui feraient appel à nos services.
Malgré nos difficultés budgétaires mais en tenant compte de ces contraintes néanmoins, notre université devra commanditer sur le campus les associations qui ont à coeur le mieux être de ses membres et hors campus certains événements scientifiques, artistiques, culturels, litteraires, sportifs quand leurs objectifs sont liés à la formation transmise.
Pour contrer cette impression de tour de Babel quand il s'agit de cogner à la bonne porte, je souhaiterai qu'un guichet unique, efficace soit connu et reconnu pour que quiconque de l'intérieur comme de l'extérieur voulant rejoindre une catégorie d'étudiants ou de spécialistes ou obtenir l'aide et, ou l'appui de l'Université puisse le faire. Cela aiderait concrètement l'Université à rayonner.
En conclusion, nous pouvons vous certifier que, tout au long de la campagne, nos priorités demeureront la qualité de la formation, la transparence et l'amélioration des structures administratives ainsi que le rayonnement.
Vous pouvez le constater, les jeunes sont conscients des problèmes qui les concernent...
Il est certain, quand on occupe une fonction aussi importante que celle de recteur, on ne saurait plaire à tout le monde. Je ne ferai donc aucune promesse que celle-ci : une fois devenu recteur je n'oublierai pas que je suis jeune. Cela me sera plus facile que d'autres qui ont déjà oublié qu'ils l'ont été.
Merci.