27 février 1997 |
J'enseigne, j'effectue des recherches et je participe à diverses fonctions administratives au département d'Anthropologie et à l'Université Laval depuis 1976.
Mes recherches en Afrique, en Asie du Sud-Est et au Québec ont reçu financement du CRSHC, du FCAR, du CQRS, de l'ACCT, de la fondation Asie-Pacifique, de la fondation Max-Bell. Elles portent sur la transmission et le transfert des connaissances, le développement international, la santé publique, les différentes pratiques thérapeutiques, le SIDA.
J'ai par ailleurs dirigé ou co-dirigé une trentaine de mémoires et une douzaine de thèses.
Mon travail dans le domaine des études régionales et de l'anthropologie médicale m'a permis d'acquérir une expérience de l'interdisciplinarité qui s'avère un élément déterminant de la vie universitaire de nos jours. Ce qui m'a permis de développer une vision d'ensemble de l'Université Laval et de construire des rapports étroits avec nombre de mes collègues de différentes disciplines, à l'intérieur mais aussi à l'extérieur de cette institution. Rédacteur de la Revue canadienne des études africaines (1984-1988), j'ai également agi comme président de l'Association canadienne des études africaines (1990-1993).
Je me suis impliqué à plusieurs reprises dans différentes instances administratives de l'Université Laval: directeur des programmes des 2e et 3e cycles du département d'Anthropologie (1983-1985), puis directeur de ce département (1986-1989); directeur d'un groupe de recherche sur l'Asie, le GÉRAC (1988-1996). Au cours des dernières années, j'ai siégé au Conseil universitaire (1991-1996), j'ai été membre du comité sur la structure facultaire (comité Bélanger, 1994-1995) et également du comité d'évaluation du Service de la bibliothèque (1996).
J'ai eu l'occasion de faire connaître publiquement ma position concernant les motifs qui nous obligent à refaire les solidarités à l'Université Laval. Il ne s'agit pas là, dans mon esprit, d'un discours creux et sans conséquences. Bien au contraire. En fait, construire quotidiennement la fierté de travailler et d'étudier à l'Université Laval, le respect entre les personnes, afin de renforcer le sentiment d'appartenance tant de fois évoqué au cours des dernières années, s'avère une condition sine qua non pour affronter les problèmes financiers auxquels nous faisons face maintenant. C'est en serrant les coudes, en nous sentant tous interpellés par la crise financière dans laquelle nous sommes plongés que nous trouverons ensemble des moyens d'action.
Ne traiter la situation actuelle qu'à partir d'intérêts corporatistes, voire d'intérêts ou de droits individuels confine purement et simplement au déni de la réalité dans laquelle nous sommes engagés. Se soumettre à de telles pressions nous entraînerait à brève échéance et collectivement dans un état de très grande vulnérabilité par rapport à l'ensemble du réseau des universités du Québec. Il faut changer cette attitude, adopter une autre orientation dans le sens de la solidarité que j'ai proposée.
La solidarité sera d'autant nécessaire que nous aurons des choix à faire ensemble en matière de formation et dans les services qui lui sont liés. Continuer de penser que nous pourrons maintenir le cap sur l'université complète à tout prix sous prétexte que nous devons couvrir l'est du Québec par nos programmes ne peut contribuer qu'à nous marginaliser et à affaiblir notre position face aux stratégies de mise en commun qui se développent ailleurs dans le réseau des universités. Si nous voulons que la formation, c'est-à-dire une relation maîtres-élèves de qualité, demeure le coeur de la mission de l'Université, nous ne pourrons échapper au travail de planification stratégique qu'exige la présente situation.
Nous n'aurons pas le choix que de développer des liens avec d'autres institutions (universités et cégeps) dans l'optique des réaménagements inévitables qui sont attendus dans l'ensemble du réseau universitaire. Pourquoi ne profiterions-nous pas de cette conjoncture pour développer, de façon sélective, des programmes de formation qui s'écarteraient d'une vision d'abord axée sur le baccalauréat spécialisé comme modèle de la formation de base au premier cycle?
Il y a par ailleurs un travail de meilleure coordination à faire entre les programmes de formation aux cycles supérieurs et les programmes de recherche. La conjoncture fait en sorte que les programmes de recherche comprennent désormais, et de plus en plus fréquemment, des recherches en commandite et de la coopération internationale. Sans penser que des liens mécaniques doivent exister entre les activités de recherche et les programmes de formation offerts, des efforts dans le sens d'une plus grande jonction entre ces deux activités s'avèrent essentiels. Une université qui produirait de plus en plus de connaissances sans retombées pour la formation supérieure ne remplirait plus sa mission qu'à moitié. Il faut éviter de succomber à cette tentation.
Les liens avec le secteur privé, entre autres en matière de développement de certains programmes de recherche, s'avèrent précieux, en particulier dans le sens du transfert des connaissances. Cependant, l'Université n'est pas au service du secteur privé. Les connaissances et les ressources humaines qu'une université produits devraient au contraire convaincre de ne pas faire se confondre universités et entreprises, mais plutôt favoriser le renforcement de la mission de l'Université grâce à des rapports clairement balisés avec des entreprises.
Une réflexion plus large sur nos relations avec le secteur privé devrait aussi nous conduire à éviter d'adopter entre nous des comportements qui relèvent davantage des règles du marché tout en comptant sur la "sécurité" que procurent des fonds alloués à une institution publique pour agir en entrepreneures-eurs.
Mais les remarques précédentes ne signifient pas que je préconise que l'Université Laval se replie sur elle-même, comme il serait trop facile de me le faire dire. Au contraire, je pense qu'une université qui évacue l'idée d'universalité, c'est une université qui se meurt. Il faudra donc travailler à la meilleure opérationnalisation possible de la politique d'internationalisation que l'administration actuelle vient à peine d'implanter. Ce qui veut dire construire des liens systématiques et organisés avec quelques institutions sélectionnées en fonction de nos programmes mutuels et qui permettront qu'étudiantes-ants et professeures-eurs bénéficient de ces échanges. Et cette orientation nous sera d'autant plus profitable que nos programmes seront structurés et mieux ciblés.
Dans la même ligne de pensée, nous devrons poursuivre et amplifier nos liens avec les organisations et les institutions de la région. Si le savoir du monde passe par l'Université Laval, comme on le dit, il faudra aussi que, dans le cadre de ses activités de formation, l'Université Laval aille vers le monde. Faire profiter la collectivité des compétences multiples de ses ressources humaines, voilà un travail passionnant auquel j'invite toutes les personnes désireuses d'implication et d'action.
Reste la question financière. A n'en point douter, le réseau universitaire, quels que soient les motifs politiques du gouvernement par ailleurs, ne sortira pas indemne de l'opération de compressions budgétaires que nous connaissons présentement. Il serait illusoire de penser qu'une fois cette "tempête" passée, nous retrouverons le calme, l'indifférence et le confort d'antan. Dès lors, que faut-il envisager de faire? Premièrement, ne pas perdre de vue que l'Université Laval ne saurait résoudre ses problèmes financiers en vase clos, c'est-à-dire sans tenir compte des autres institutions du réseau universitaire. Ensuite, faire l'élagage nécessaire de nos programmes et convenir ensemble de nos priorités pour pouvoir les faire valoir et les défendre dans nos contacts avec les autres universités. Et ne pas attendre les trois ans de grâce que la CREPUQ vient de négocier avec le ministère de l'Éducation pour réagir à la situation dans laquelle nous sommes plongés.
Par ailleurs, tous les changements auxquels nous sommes maintenant conviés ne sauront s'implanter sans l'acceptation de la diversité comme fondement de l'organisation de l'Université. Penser trouver solution à nos problèmes en appliquant des mesures de gestion qui feraient fi des particularités des secteurs, des facultés et des services nous conduirait à la stagnation, voire à l'échec. Cependant, une telle reconnaissance n'équivaut nullement à accepter de négocier des privilèges.
Car, sans la solidarité dont j'ai parlé au début de ce texte, sans la volonté de mettre en commun plutôt que de penser à ses seuls droits ou intérêts, il nous faudra accepter des tranformations beaucoup plus radicales que celles que nous avons envisagées jusqu'à maintenant pour que l'Université Laval demeure la grande institution que nous désirons qu'elle soit.
Voilà brièvement présentés quelques-uns des thèmes qui me tiennent à coeur. J'anticipe déjà d'en discuter davantage dans les rencontres publiques prévues avec les membres de la communauté universitaire et le collège électoral.
Je tiens à vous assurer de mon engagement profond (intellectuel, professionnel et émotionnel) à promouvoir et soutenir la réputation de l'Université Laval chez nous et ailleurs.