27 février 1997 |
Professeur à la Faculté des lettres de l'Université Laval depuis 1967, j'y ai donné un enseignement de langue, de littérature et de civilisation grecques jusqu'en 1975 tout en occupant, durant quelques années, les postes de secrétaire de la Faculté, puis de vice-doyen aux études avant de devenir directeur général adjoint des études de premier cycle de l'Université. En 1975, j'ai accepté, à l'Université du Québec, un poste de directeur du Service d'évaluation de l'enseignement et du Service de la planification. Deux ans plus tard, en juin 1977, je revins à l'Université Laval comme vice-recteur à l'enseignement et à la recherche, responsable également du secteur des Sciences de la santé et des services auxiliaires à l'enseignement et à la recherche. À la fin de ce mandat de cinq ans, j'ai repris l'enseignement et la recherche à la Faculté des lettres dont je suis devenu doyen en août 1995 tout en poursuivant mes activités de professeur.
Auteur ou coauteur de sept volumes, directeur ou codirecteur des recherches de douze étudiants à la maîtrise et au doctorat, j'ai aussi publié une quinzaine d'études scientifiques et donné plus de vingt communications dans des congrès ou des colloques nationaux et internationaux.
Après avoir été finaliste au Prix du gouverneur général (1988) dans la catégorie essai pour le volume Dieux et mythes de la Grèce ancienne, j'ai commencé en 1993 une carrière de romancier (prix Robert-Cliche et prix Molson de l'Académie des lettres du Québec pour Le quatrième roi mage), qui n'est pas sans lien avec le souci que j'ai toujours eu de rendre le savoir accessible au plus grand nombre, par la collaboration à des expositions dans les musées, des conférences publiques, des participations radiophoniques ou télévisuelles et même des séries de cours télévisés.
Très impliqué dans le milieu, j'ai été notamment membre du Conseil d'administration de la Régie et des services sociaux de la région et du Conseil d'administration du CHUL. Je fais partie présentement du Conseil d'administration de la Commission de la Capitale nationale.
L'engagement fondamental d'un recteur a d'abord trait à la mission de l'Université et au rôle que celle-ci joue dans la société. Cette mission s'incarne dans une institution et à travers des personnes envers lesquelles le recteur a aussi des engagements : étudiants , professeurs, chargés de cours et autres enseignants, personnel d'appui à l'enseignement et à la recherche, diplômés et retraités.
D'autre part, l'Université Laval vit au coeur d'une société qui l'appuie et attend beaucoup d'elle; elle est également insérée dans un réseau d'établissements d'enseignement supérieur dans lequel elle doit occuper une place de premier plan et apporter une contribution exemplaire. Ce sont là des réalités dont l'Université doit tenir le plus grand compte dans ses choix comme dans ses manières de faire. L'Université et le recteur ont également des engagements à cet égard.
Enfin, si la crédibilité de l'Université tient d'abord et avant tout à la valeur de l'enseignement et de la recherche qui s'y font et à la qualité de ses membres, elle repose aussi sur la bonne gestion de l'institution. Le recteur doit s'assurer que l'Université Laval est bien administrée.
Le programme d'action reposera sur ces engagements.
Une note préalable
la mission de l'Université et ceux qui l'accomplissent
Bien que parfois, elle puisse sembler mise en cause ces temps-ci, la mission de l'Université n'a pas changé : c'est la société tout entière qui se tourne vers cet ensemble d'hommes et de femmes, de maîtres et d'étudiants, à qui elle confie la tâche de conserver, de transmettre et de développer le savoir et la compétence, d'exercer sur elle-même une fonction critique qui la protège des excès et des modes de toutes sortes, et d'améliorer le plus possible les conditions de vie et la qualité d'être de tous les citoyens.
La mission de l'Université n'a pas changé. Ce qui est en voie de changer cependant, c'est la manière dont Laval s'acquittera de sa mission et sa position dans le réseau des universités.
Mon programme d'action s'appuiera également sur cinq orientations principales.
I. RÉAFFIRMER ET DÉFENDRE LA MISSION DE L'UNIVERSITÉ, MAIS REVOIR LA MANIÈRE DONT ELLE S'AFFIRMERA
1. Réaffirmer et défendre la mission de l'Université, à l'intérieur comme à l'extérieur, avec lucidité, courage et détermination, en ne perdant jamais de vue la place première des étudiants et des étudiantes, et la qualité de leur formation, les exigences du savoir, et les attentes de la société.
2. Avoir le courage de faire les choix et de donner les coups de barre qui s'imposent
· préciser les orientations de l'Université
· repenser les priorités que l'on donne aux fonctions de l'Université et leur rapport
· aborder de front la question du déficit structurel de l'Université
· pousser plus loin la réflexion sur les domaines de recherche, les programmes de formation et les rôles, sans chercher l'uniformité; à cet égard, continuer à bâtir une université forte en recherche, mais aussi en faire une université de maîtres, d'hommes et de femmes qui prodiguent non seulement des cours, mais qui s'attachent à donner aux étudiants le feu sacré, le désir d'apprendre, le goût de l'aventure intellectuelle, la volonté de réussir et d'exceller, et qui pourront les marquer pour la vie de leur influence
· instaurer dans l'Université un mode d'échanges, de communication et de consultation qui permette à chacun des membres de se sentir impliqué dans les discussions en cours et bien informé non seulement des décisions, mais aussi des raisons qui y ont mené.
3. Consacrer Laval comme université ouverte sur le monde
4. Tisser de nouveaux liens avec les institutions d'enseignement supérieur de la région et de l'Est du Québec.
5. Développer un esprit de confiance à l'égard
des collèges et tisser avec eux de nouveaux liens.
II. PERSISTER À VOULOIR ÉTABLIR, POUR LES MEMBRES DE L'UNIVERSITÉ, LES CONDITIONS LES MEILLEURES POUR UNE ACTION DE QUALITÉ.
A. Pour les étudiants et les étudiantes
1. formation de qualité, par des programmes adaptés, rigoureux et exigeants, assurés par des enseignants compétents, disponibles, intéressés à la réussite des étudiants,
2. efforts continus pour que leur situation financière soit la meilleure possible,
3. préoccupation des programmes envers l'insertion sur le marché du travail et l'emploi,
4. réflexion à mener sur le "métier" d'étudiant,
5. poursuite des moyens pour connaître constamment le
devenir de ses diplômés.
B. Pour les professeur-e-s et les autres enseignants
1. un corps professoral stable, valorisé, renouvelé (importance d'engager encore de jeunes professeurs),
2. caractère indissociable de l'enseignement et de la recherche, malgré les tensions entre les deux fonctions,
3. une place plus grande pour les chargés de cours, les autres enseignants et les autres collaborateurs,
4. travail en équipe, concertation et recours aux technologies nouvelles,
5. l'évaluation des enseignements, une condition absolue pour que la qualité de l'enseignement puisse être reconnue au même titre que la recherche,
6. appui au Réseau de valorisation de l'enseignement,
7. accepter de souligner l'action des meilleurs,
8. renforcer la position des professeurs auprès des organismes subventionnaires,
9. contribuer à ce que les professeurs qui font de la recherche sans subvention voient reconnues la pertinence et la valeur de leurs travaux,
10. faire valoir à quel point les professeurs sont soumis à une évaluation constante et s'assurer du bon fonctionnement des mécanismes d'évaluation, notamment dans la manière d'en rendre compte.
C. Pour le personnel administratif
1. souligner l'importance de leur action,
2. faire prendre conscience aux professeurs et aux étudiants de la valeur indispensable et de l'apport de ces membres de l'Université, et de la difficulté de leur travail,
3. favoriser le contact et la compréhension,
4. mettre en valeur également ceux et celles qui, par leur action, contribuent de façon remarquable au bon renom des services administratifs et "académiques", et à leur efficacité reconnue.
D. Pour les diplômés et les retraités
Les alliés les plus naturels de l'Université, ses meilleurs ambassadeurs et bien souvent ses conseillers les plus sages.
III. ÉVITER LA POLARISATION SUR LA CRISE FINANCIÈRE ET GARDER LES YEUX SUR L'UNIVERSITÉ REDÉFINIE QUI EN RÉSULTERA.
1. Dire haut et fort les dangers de la situation financière actuelle, tout en affrontant pour ce qu'elles sont les difficultés que l'on connaît, sans baisser les bras, en tirant parti des réflexions auxquelles elles nous invitent sur nos façons de faire et nos priorités.
2. Poursuivre l'adaptation de l'Université, et savoir se saisir des changements pour les tourner à l'avantage de l'Université et de ses missions.
3. Prendre les mesures pour que l'Université Laval soit
davantage encore une grande université d'envergure nationale
et internationale.
IV. DÉVELOPPER DANS L'UNIVERSITÉ UNE GESTION RIGOUREUSE ET EXIGEANTE, RESPECTUEUSE ET OUVERTE
qui soit fondée, pour les personnes occupant des fonctions administratives, sur la compétence, le sens de la responsabilité, l'esprit de décision et la volonté de rendre compte de ses actions, de même que sur l'information à donner, l'échange, l'écoute et la confiance.
· Développer de nouvelles formes de collaboration et de concertation entre les unités de l'Université, des formes de collaboration qui favorisent le décloisonnement, l'échange, les liens interfacultaires et interdépartementaux, à partir de mécanismes et d'incitatifs budgétaires révisés, de manière à instaurer, là aussi, une gestion et une rationalisation qui soient le plus près possible du terrain. Ne pas hésiter à revoir les façons de faire et les formules de répartition des budgets lorsqu'elles ne paraissent pas supporter les orientations et les priorités de l'Université.
· Continuer de miser sur les résultats, en valorisant la rigueur, la culture de l'exigence, le sérieux de l'engagement de chaque membre de l'Université.
· Assurer pleinement le leadership qu'on attend du recteur et de la direction de l'Université (le premier geste à cet égard sera de former une équipe de vice-recteurs et de vice-rectrices qui partagent les vues du recteur sur les orientations à donner à l'Université et qui lui sont complémentaires notamment par leur compétence, leur expérience scientifique et professionnelle, leur connaissance du milieu et leur sensibilité à la diversité qui caractérise l'Université).
V. FAIRE DE L'UNIVERSITÉ LAVAL LA FIERTÉ DE LA CAPITALE ET DE SES RÉGIONS
En n'oubliant jamais le leadership qu'elle doit exercer au Canada et dans tout le Québec, notamment par les liens qu'elle voudra renforcer avec les établissements d'enseignement supérieur et de recherche de la région et de tout l'Est du Québec, l'Université Laval doit s'afficher comme la fierté de la Capitale et de ses régions.
Il devient en effet plus important que jamais de tabler sur le fait que l'Université Laval, c'est l'université de la Capitale, de la région Chaudière-Appalaches et de toutes les régions environnantes. Qu'elle est un moteur pour la grande région (économique, culture, rayonnement international, visibilité) et un objet de fierté.
· Être de plus en plus présent auprès des personnes et des organismes, prêter l'oreille aux perceptions du grand public et des média, à leurs critiques, à leurs attentes, pour en tirer profit, certes, mais aussi pour établir le rôle de l'Université.
· Améliorer l'image de l'Université dans sa collectivité et y cultiver un sentiment d'appartenance qui fait encore défaut.
· Ne refuser aucune tribune pour dire ce qu'est l'Université.
CONCLUSION : UNE GESTION DYNAMIQUE QUI RÉPONDE
À DES IMPÉRATIFS NOUVEAUX
Une mission à réaffirmer, des valeurs à préserver, des orientations nettes pour les années à venir, la conviction partagée par tous que le changement fait dorénavant partie de la vie.
Un leadership énergique, un style de gestion empreint d'ouverture, une équipe solide qui donne confiance, tels sont mes engagements.
En définitive, ce que je propose, pour définir notre Université à ce moment de son histoire, ce ne sont pas des solutions toute faites, mais bien plutôt celles que nous allons chercher ensemble, dans la continuité, en ayant l'audace d'ouvrir les yeux, de regarder l'avenir en toute lucidité; en ayant aussi du courage et un sens de la responsabilité partagé par tous.
Mettant la qualité comme exigence première, j'assumerai le leadership qu'on attend d'un recteur, je tracerai les orientations qui me paraissent s'imposer et j'inviterai chacun des membres de l'Université à consacrer le meilleur à la mission de l'institution, comme le veut son engagement, en faisant appel aux valeurs morales et au sens de l'exigence envers soi-même que chacun cultive.
Ce que je propose, c'est un appel à l'action pour une Université ouverte et confiante; c'est aussi, dans l'ordre des moyens, une gestion serrée, responsable, ouverte, avec la collaboration de toutes les personnes comme de toutes les associations et de tous les groupes constitués.
Ce que je propose enfin, c'est de préparer l'Université nouvelle qui célébrera ses 150 ans en 2002