20 février 1997 |
Profil
La Société Royale du Canada reconnaît l'apport majeur de Christian Roy à l'innovation technologique en lui décernant la médaille Thomas W. Eadie
Même s'il consacre sa vie à la commercialisation et l'amélioration d'une technique de recyclage qui contribue à la sauvegarde de l'environnement, Christian Roy ne se considère pas pour autant comme un intégriste du bac bleu. Ce professeur et chercheur au Département de génie chimique de la Faculté des sciences et génie, qui a découvert un procédé themochimique permettant de récupérer des produits de grande valeur commerciale à partir de pneus usés, a réussi un exploit que beaucoup lui envient. À la fois ingénieur, chercheur, entrepreneur, inventeur, il conjugue tous les talents sans nuire à sa crédibilité. Ses recherches sur la pyrolyse sous vide lui ont effet attiré le respect des scientifiques de son domaine, tandis que sa capacité à construire des montages financiers audacieux amène plusieurs hommes d'affaires à le considérer comme un des leurs.
Des pneus recyclables
Dès son doctorat en génie chimique à l'Université
de Sherbrooke au début des années 80, Christian Roy a cherché
des applications industrielles à sa recherche. Au fil des ans, il
a perfectionné sa technique de pyrolyse sous vide, une invention
qui lui a valu de recevoir de 1994 à 1996, la prestigieuse bourse
E.W.R. Steacie, décernée par le Conseil de recherches en sciences
naturelles et en génie. Grâce à ce procédé,
les industriels peuvent récupérer des huiles, du noir de carbone,
et un peu de gaz à partir de pneus usés, en les portant à
haute température dans des conditions très particulières.
Ces produits entrent ensuite dans la composition de divers objets comme
les pneus de bicyclette, les tapis d'automobile ou les bottes en caoutchouc.
Ce professeur aurait pu se contenter de perfectionner sa découverte et de s'assoir sur ses lauriers, mais le démon des affaires l'a poussé à aller plus loin. "Pour moi, c'était important que la recherche et le développement de la pyrolyse sous vide se fassent au Québec, explique-t-il. J'ai donc créé l'Institut Pyrovac en 1988, avec quelques chercheurs qui avaient suffisamment confiance en moi pour me suivre de Sherbrooke à Québec." Les premières années se caractérisent surtout par une recherche active de financement. Contrats privés, subventions, Christian Roy cogne à toutes les portes pour développer son procédé et maintenir les postes. "Pour moi, c'était un véritable devoir social, car l'équipe n'avait aucune sécurité d'emploi", confie-t-il.
Chasse aux investisseurs
Contrairement à de nombreux scientifiques qui échouent parfois
en accomplissant des démarches similaires, Christian Roy possédait
un atout de taille, son pragmatisme. "Il sait très bien comment
présenter un dossier et faire valoir le potentiel commercial de sa
technologie, remarque Alain Drouin, associé chez KPMG, un cabinet
de comptables qui a aidé le professeur de génie chimique à
procéder au transfert technologique en 1992. Il parvient également
à comprendre globalement une opportuinité d'affaires."
À se frotter pendant plusieurs années à des investisseurs
pas toujours fiables, Christian Roy a développé peu à
peu une véritable expertise en montages financiers. Désormais,
il jongle avec les structures corporatives aussi bien qu'avec ses équations
chimiques.
Jugez-en plutôt. Après avoir créé de toutes pièces l'Institut Pyrovac en 1988, qui a pignon sur rue au Parc technologique du Québec métropolitain, il lance en 1991 Pyrovac International, qui négocie avec des entreprises du monde entier la commercialisation du procédé de pyrolyse. Récemment, ce travailleur infatigable s'est allié à une compagnie hollandaise d'électricité, réputée pour son expertise environnementale, et une nouvelle entreprise a fait son apparition. Pyro-système Inc, s'occupe désormais du développement et de la construction d'usines utilisant le procédé de pyrolyse sous vide.
Au milieu de cet échafaudage savant de capitaux et d'entreprises, Christian Roy trouve le temps d'assouvir une autre de ses passions, l'enseignement à saveur environnementale. Il arrive souvent, par ailleurs, que les étudiants, qui suivent ses cours sur la prévention de la pollution ou l'introduction au génie chimique, suivent un stage industriel crédité chez Pyrovac. Ce professeur "tous terrains" a participé ainsi activement à la mise sur pied d'un programme de deuxième cycle en entreprenariat technologique, en collaboration avec la Faculté des sciences de l'administration. La transmission des connaissances scientifiques et le sens des affaires font donc désormais bon ménage.