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13 février 1997 ![]() |
Professeure de musique à la fin des années 1970, Nicole Martel a décidé, un beau jour, d'emprunter un chemin professionnel différent. Captivée à la fois par les arts et la psychologie, elle cherchait un métier où elle pourrait combiner ses deux passions. En réalisant son mémoire de maîtrise sur la thérapie par l'art chez les victimes d'abus sexuel, sous la direction d'André Renaud, de l'École de psychologie, Nicole Martel a finalement trouvé sa voie.
L'art thérapie s'adresse aux gens qui ont des troubles émotionnels liés à certains souvenirs douloureux. Elle offre, aux personnes qui ont de la difficulté à s'exprimer avec les mots, la possibilité de le faire par le dessin. En illustrant sur papier ce qui les ronge à l'intérieur, les victimes extériorisent ainsi les sentiments nuisibles à leur épanouissement. "Le simple fait de dessiner leur permet de mettre leurs problèmes en perspective", précise Nicole Martel qui, pendant vingt semaines, s'est intéressée plus particulièrement au degré de l'estime de soi chez les personnes abusées sexuellement. "En leur demandant de dessiner tout ce qui leur passe par la tête, je ne leur impose aucune barrière. Elles illustrent ce qui les trouble; étant inconscientes du fait que ce qu'il y a sur la feuille fait partie de leur monde, elles ne se sentent pas directement impliquées dans ce qu'elles voient. C'est lors de la discussion que tout éclate. Aucune valeur n'est accordée à la qualité de l'oeuvre, car le but premier de l'art thérapie est de permettre l'expression spontanée de soi."
Grâce, entre autres, à ses rencontres avec Amélie (nom fictif), abusée sexuellement à cinq ans par un employé de son père, Nicole Martel a pu conclure que la thérapie par l'art influence bel et bien l'estime de soi. Selon elle, une faible estime de soi est non seulement commune à toutes les victimes, mais constitue aussi le point de départ de plusieurs autres problèmes, comme la dépendance affective ou l'incapacité relationnelle. "L'évolution d'Amélie était remarquable après chacune des séances. Souvent, les souvenirs sont tellement refoulés que les victimes oublient le traumatisme éprouvé dans l'enfance. Inconsciemment, elles tentent de vivre de façon normale en essayant le plus possible de se couper de leur passé, mais lorsqu'elles commencent à souffrir de troubles sexuels graves, par exemple, comme ce fut le cas pour Amélie, tout explose. Bien que ces prises de conscience soient très douloureuses, elles sont aussi très bénéfiques."
De plus en plus populaire aux États-Unis, la thérapie par l'art offre aux personnes la possibilité de choisir le moyen qui leur permettra de mieux panser leurs plaies. Selon l'étudiante, la musique, l'écriture, la sculpture et la peinture constituent autant d'alternatives pour le sujet qui a besoin d'exprimer ses sentiments.
Sur le point de terminer un doctorat en psychologie sur "l'approche psychodynamique pure", Nicole Martel a un carnet de route très chargé. En 1991, elle entamait ses stages où elle a eu l'occasion de côtoyer parallèlement un groupe de victimes d'abus sexuel et un groupe de pédophiles. Au fil des années, ses expériences de travail au Centre hospitalier Robert-Giffard et son emploi à l'Hôpital Saint-François d'Assise l'ont amenée à évaluer les toxicomanes, à venir en aide à leurs conjointes et à travailler avec des psychotiques. Nicole Martel exerce actuellement à Québec dans un bureau de pratique privée en art thérapie où, pour la première fois, elle tente l'expérience avec des couples.