13 février 1997 |
Jusqu'au 24 février, le Musée du Québec propose un clin d'oeil rétrospectif de l'oeuvre de Richard Mill, professeur à l'École des arts visuels.
"Il m'est déjà arrivé de commencer une toile le matin et de la vendre le soir, confie Richard Mill. Ça, c'est l'état de grâce. En revanche, il peut parfois s'écouler un an avant que je termine un tableau; chacun possède une genèse différente." Sur l'un des murs de l'atelier où vit et travaille l'artiste, deux tableaux inachevés témoignent de ce questionnement constant sur ce qui est, sur ce qui pourrait être, en un mot, sur tous les possibles imaginés et imaginables.
En même temps, Richard Mill affirme avoir - et voir - le tableau dans sa tête avant même d'y avoir déposé la moindre touche de couleur: "Le temps de réflexion se compte en mois mais le temps d'action, lui, est plus rapide. Une fois que je sais ce que je vais faire, je me laisse complètement aller. Mon travail est gérée par une idée: faire des écarts dans un cadre"
"Les tableaux de Richard Mill procèdent essentiellement d'un discours sur et autour de la peinture", explique Michel Martin, commissaire de cette exposition consacrée à l'artiste, dans la brochure publiée pour l'occasion. "Cette peinture, en quelque sorte prise au pied de la lettre, se présente donc à celui qui la regarde non pas comme l'image figée d'une réalité qui lui est autre, mais bien comme l'élan d'un mot, d'un échange, d'une émotion qui passe par la forme, la matière, la couleur, la texture, la ligne, voire le signe, et que nous sommes conviés à décoder et à partager."
Au-delà du tableau
Véritable livre ouvert sur l'évolution de ce peintre abstrait,
l'exposition comporte sept tableaux de grande dimension, réalisés
de 1973 à 1996. Il y a ce large tableau noir bordé de masking
tape, qui correspond à l'époque où la théorie
minimaliste, alors en vogue chez les peintres américains ("Less
is more"), exerçait une véritable fascination chez lui.
Délaissant cette approche un peu trop "cérébrale",
Richard Mill poursuit sa quête, dans cette volonté d'explorer
les limites de cet univers qu'il porte en lui. Au coeur de sa peinture apparaissent
parfois certaines figures dont il ne fait aucun mystère; ainsi ce
tableau-objet évoquant une sorte de paradis perdu où l'oeil
devine sans peine un ange descendu du ciel. Une autre toile laisse entrevoir
une forme humaine sortant de la pénombre et dont les bras se tendent
vers la lumière.
"Je tente de donner plusieurs portes d'accès au spectateur, explique Richard Mill. Le fait que mes tableaux soient immédiatement abordables permet d'aller plus loin, de passer tout de suite à un autre niveau. Mais peu importe le sens, ce qui compte pour moi réside dans le langage des couleurs et de la forme." Les tableaux de cet artiste qui a joué un rôle de premier plan dans l'histoire de la peinture abstraite des 25 dernières années au Québec se présentent comme des écrans - sorte de trouées sur le monde - présentant deux parties distinctes, comme si l'artiste avait voulu opposer deux univers: "Cela délimite l'espace et la structure du tableau. Je pense qu'un tableau fonctionne bien quand l'oeil l'accepte d'emblée."
Récipiendaire du prix Videre, prix des arts visuels pour la région de Québec en 1995, Richard Mill a commencé à enseigner à l'École des arts visuels de l'Université Laval en 1971. En 1978, le Musée du Québec a organisé, conjointement avec le Musée d'art contemporain de Montréal, une première exposition individuelle consacrée aux tableaux de la première période de l'artiste, de 1973 à 1977. Depuis, ce diplômé de l'Université Laval a exposé en France, en Belgique, au Canada et dans les principaux musées du Québec.
À travers son oeuvre, cet homme simple et attachant affirme n'avoir aucun message particulier à livrer, visant plutôt une meilleure connaissance de lui-même et de l'Homme. C'est cette même démarche qui guide son enseignement avec ses étudiants depuis un quart de siècle. "Le plus important est qu'ils partent de leurs tripes et qu'ils découvrent ce qu'ils ont en eux. Par la suite, il faut les aider à structurer leur travail."
Le Musée est ouvert du mardi au dimanche, de 11 h à 17 h 45, le mercredi jusqu'à 20 h 45.