13 février 1997 |
LA GUERRE DES ÉTOILES
En 1977, une bombe éclatait dans le ciel plutôt morose
du cinéma américain: La guerre des étoiles.
Cette épopée intergalactique signée George Lucas eut
l'effet d'un véritable coup de foudre auprès de millions de
personnes avides de fantastique et de merveilleux. Vingt ans plus tard,
cette histoire abracadabrante élevée au rang de film-culte
exerce toujours la même fascination auprès des foules. À
preuve: trois jours après sa sortie dans plus de 2 000 salles aux
États-Unis, en janvier dernier, La guerre des étoiles
nouvelle version rapportait la somme rondelette de 36 millions de dollars.
Mais l'aventure ne s'arrête pas là puisqu'on prévoit
une nouvelle trilogie qui devrait sortir sur les écrans dès
1999.
Reconnu pour son esprit très critique à l'égard du cinéma américain, Paul Warren, professeur de cinéma à l'Université Laval maintenant retraité, avoue pourtant avoir été enchanté lors de la première du film à laquelle il a eu la chance d'assister, à Hollywood, en 1977. "Je me souviens que nous étions tous sous le charme après la projection du film. L'histoire était simple - pour ne pas dire simpliste - mais rafraîchissante et gentille. Essentiellement, le public a été conquis par la qualité et la puissance du son. La musique était remarquable également; c'était une sorte d'opéra dans l'espace. Il faut dire que tout ce qui concernait la conquête de l'espace fascinait les Américains à cette époque. "
Vive le fric
Selon Paul Warren, la sortie d'une copie améliorée de La
guerre des étoiles s'inscrit dans cette stratégie américaine
de faire le plus d'argent possible avec un produit qui n'a d'ailleurs jamais
cessé de générer des profits. En 1995, par exemple,
plus de 30 millions de cassettes vidéo ont été vendues,
sans compter les T-shirts, posters et souvenirs rattachés au film.
"Après le succès qu'ont remporté des films de
science-fiction comme Le jour de l'Indépendance ou encore
Mars attaque, les producteurs américains se sont dit qu'il
fallait battre le fer pendant qu'il était chaud. À cet égard,
La guerre des étoiles représente le prototype de ce
cinéma que les Américains souhaitent lancer."
Professeur de cinéma au Département des littératures, François Baby attribue le succès du film à une campagne de publicité bien orchestré, plutôt qu'au film lui-même, qui n'aurait pas incidemment pas si bien marché lors de sa sortie. Ceci étant dit, plusieurs facteurs expliquent la popularité du film, selon François Baby, dont des qualités techniques indéniables. Certaines prouesses techniques étaient explorées pour la première fois au cinéma, soutient-il. Par ailleurs, le film a constitué un événement susceptible de créer un nouveau consensus social. Après le scandale du Watergate et la guerre du Viet-Nam, les Américains sentaient en effet le besoin de redorer leur image de marque, ce que La guerre de étoiles leur a permis de faire. Cette conquête de l'espace par procuration a constitué pour le peuple américain un motif de fierté."
Les bons et les méchants
Par ailleurs, François Baby estime que le fait que les personnages
qui évoluent dans La guerre des étoiles soient très
typés - les bons d'un côté et les méchants de
l'autre - a facilité leur entrée dans l'imaginaire de la masse
américaine. Finalement, le visionnement d'un tel film a permis aux
gens de se ressourcer, de s'anéantir pour mieux revivre, en quelque
sorte.
De son côté, Jean Mercier, du Département de science politique, soutient que le film a été l'annonce d'une sorte de visualisation de ce que le monde allait devenir, c'est-à-dire une société centrée sur l'informatique et la haute technologie. "Dans le contexte de la fin de la guerre du Viet-Nam, le film a constitué une sorte de phénomène compensatoire. Ne pouvant utiliser tout leur arsenal technologique au Viet-Nam sous peine de se mettre à dos le reste du monde, les États-Unis ont montré tout leur potentiel, à travers La guerre des étoiles. Au début des années 1980, alors qu'il était président des États-Unis, Ronald Reagan a d'ailleurs utilisé le terme de "guerre des étoiles" (Star Wars) pour qualifier une stratégie militaire, donnant à entendre que la guerre contre l'Union soviétique pourrait bien avoir lieu non pas sur terre, mais dans l'espace."