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30 janvier 1997 ![]() |
Ce canidé prédateur du cerf peut se
transformer
en fin dégustateur de fruits sauvages
Même si les forêts de l'Est du Québec constituent un habitat marginal pour lui, le coyote s'y adapte en modifiant son régime alimentaire. Carnivore habitué aux milieux ouverts, le coyote se métamorphose, en milieu forestier, en mangeur de petits fruits pendant la saison estivale, révèlent les recherches de l'étudiant-chercheur Jean-Pierre Tremblay.
Afin de faciliter la gestion de cette espèce aussi opportuniste que problématique, l'étudiant-chercheur a voulu comprendre en quoi les stratégies alimentaires des coyotes des milieux forestiers différaient de celles des coyotes de milieux agro-forestiers dans la région du Témiscouata. Le suivi radiotélémétrique de ces canidés et l'analyse de leurs fèces ont révélé que, pendant les premières semaines qui suivent la naissance des jeunes, les coyotes des deux milieux adoptent un régime alimentaire à forte composante carnée (plus de 80% du volume des aliments consommés). Par contre, de la mi-juillet au mois d'octobre, les petits fruits composent 55% du régime alimentaire des coyotes des forêts contre à peine 30% de celui des animaux de milieux ouverts. Les coyotes forestiers atteignent une plus petite taille, sont plus souvent en déplacement et parcourent de plus grandes distances que leurs congénères des milieux ouverts (830 contre 190 mètres/heure en moyenne).
"Le paysage forestier constitue un milieu de qualité marginale pour le coyote en raison d'une déficience dans la disponibilité des ressources alimentaires, conclut l'étudiant-chercheur dans son mémoire de maîtrise, supervisé par Jean Huot et Michel Crête du Département de biologie. La taille inférieure et la condition physique moindre des coyotes des milieux forestiers pourraient réduire leurs aptitudes à compétitionner efficacement contre les coyotes agro-forestiers pour les territoires de qualité supérieure de ce milieu."
La plasticité des comportements du coyote complique la gestion de cette espèce accusée, à tort ou à raison, d'avoir décimé la population de cerfs de l'Est du Québec. Le moratoire de cinq ans imposé sur la chasse au cerf de Virginie aurait fait perdre quelque 8 millions de dollars à l'économie régionale. Jean-Pierre Tremblay estime qu'on ne peut envisager le contrôle du nombre de coyote par une réduction de ses ressources alimentaires puisqu'il s'agit essentiellement de petits rongeurs et de fruits sauvages. La manipulation des causes de mortalité, par le piégeage notamment, constitue vraisemblablement l'opportunité de gestion la plus prometteuse. "En absence de piégeage, conclut-il, il est à prévoir une augmentation des populations de coyotes, plus rapides dans les milieux agro-forestiers, accompagnée d'une émigration importante dans les milieux forestiers. Tous ces coyotes seraient susceptibles de capturer des cerfs de Virginie, en particulier lors d'hivers rigoureux."
Au cours des dernières années, le programme d'intensification du piégeage à proximité des ravages de cerfs de Virginie semble avoir porté fruit puisque le nombre de coyotes est à la baisse et que la population de cerfs grimpe. La chasse a d'ailleurs repris l'automne dernier dans la région du Bas-Saint-Laurent et 2046 chevreuils ont été récoltés, signale Jean-Pierre Tremblay.