30 janvier 1997 |
Aux membres du Comité consultatif sur le statut de la Faculté des sciences et de génie:
La question soulevée par la proposition 16 du rapport Gervais au sujet de la création d'une faculté de génie ne soulève qu'un aspect de la problématique à savoir la formation d'une nouvelle structure facultaire regroupant les unités de formation des ingénieurs. Elle peut laisser entendre que les autres unités de la faculté constitueront automatiquement une deuxième entité fonctionnelle. Il n'est pas du tout dans notre intention de débattre ici de la question de fond, ni de celle de l'argumentation fondée sur la comparabilité et la visibilité des programmes de génie. Nous aimerions plutôt et simplement attirer l'attention des membres du Comité sur la logique que sous-tend une telle division dont le principe pourrait tout naturellement s'appliquer aussi à la nouvelle entité créée de facto par une telle division. En effet, si au terme de la démarche du Comité le regroupement des programmes de génie s'avère inéluctable, il risque fort d'engendrer des problèmes du même ordre pour les autres secteurs regroupés, par défaut, dans une faculté dite des Sciences.
En effet, nous pouvons déjà mentionner que le fait de regrouper les statistiques, les mathématiques, l'informatique et l'actuariat avec les programmes de sciences fondamentales constitue un amalgame tout aussi hétérogène en regard des finalités de formation, des contenus des enseignements et des méthodes propres à chaque discipline. Par exemple, l'informatique est une discipline autonome qui ne peut être classée, de par ses méthodes et l'objet de ses études, ni en sciences pures ni en ingénierie, même si elle y est associée de par ses applications. Nous pourrions faire le même raisonnement pour les statistiques et l'actuariat.
Dans son document du 12 décembre 1996, le doyen Cardinal mentionne que les unités actuelles peuvent être regroupées en trois secteurs : les sciences, le génie et les sciences appliquées. Les statistiques sur les clientèles étudiantes, tous cycles confondus, appuient avec éloquence cette division sectorielle. L'importance relative des clientèles de chaque grand secteur est respectivement de l'ordre de 35 %, 40 % et 25 %. Si la création d'une
faculté d'ingénierie apparaît au Comité comme souhaitable, nous lui proposons aussi d'examiner le bien fondé et le fonctionnement des autres unités, réunies dans ce qui serait alors une nouvelle faculté, et cela dans l'optique d'une recherche de meilleures conditions pour le développement des sciences et des sciences appliquées quant aux plans de l'enseignement et de la recherche. Nous croyons que les arguments invoqués par les ingénieurs pour une scission de l'actuelle faculté s'appliquent également pour les disciplines appliquées. Celles-ci se distinguent en effet des secteurs des sciences dites fondamentales, notamment par les formations offertes qui ont un caractère professionnel de plus en plus visible et par leurs méthodes qui s'apparentent davantage à celles de l'ingénierie qu'à celles des sciences.
Nous croyons aussi que la consultation sur la restructuration de la FSG est une excellente occasion d'élargir le débat et la réflexion et de poser la question de la place des secteurs appliqués dans notre Université. Il y a de plus en plus d'universités au Canada et aux USA qui reconnaissent aux départements d'informatique un rôle stratégique en lui accordant le statut d'école voire même de faculté. Si l'Université Laval souhaite que l'informatique soit une discipline reconnue comme porteuse et créatrice d'emplois pour notre région, nous croyons qu'elle doit examiner immédiatement la place qu'elle devrait avoir dans la structure universitaire et s'interroger sur la synergie qu'elle devrait favoriser en rassemblant toutes les activités d'enseignement et de recherche en informatique.
Rappelons enfin que le seul objectif de cette réflexion est de soulever certaines questions collatérales qui nous semblent importantes, en espérant contribuer, ne serait-ce que modestement, à éclairer les membres du Comité dans l'une des plus importantes décisions que notre université va être amenée à prendre depuis la création de la Faculté des sciences et de génie. Cette décision éventuelle de restructurer notre actuelle faculté aura des répercussions majeures à long terme et nous sommes convaincus que pour les
mêmes raisons, notre université doit en examiner attentivement les effets sur les autres unités d'enseignement et de recherche.
Professeur(e)s du département d'informatique signataires de cette lettre :
JEAN-PAUL JULIEN, 1918-1996
Je suis de ceux qui ont eu le privilège de connaître et de côtoyer Jean-Paul Julien à la fois comme élève et comme professeur d'université. Il me fait donc plaisir de témoigner ici, au nom de mes collègues de l'Université Laval et à titre personnel, de tout l'attachement et de la profonde reconnaissance que nous lui vouons comme scientifiques et professionnels.
En tant que professeur, Jean-Paul Julien a laissé sa marque comme un véritable maître à penser: sa grande ouverture d'esprit et sa sagesse ont été une source d'inspiration pour la plupart des jeunes universitaires qui l'ont connu, non seulement comme professeur mais aussi comme directeur de département. Ses examens "à livres ouverts" étaient très redoutés des étudiants puisqu'ils ne reposaient pas sur le "par coeur"; ils exigeaient plutôt un sens aigu de l'observation, une dose certaine de gros bon sens et un bon esprit de synthèse. Maître très exigeant, il ne tolérait pas la négligence ou le relâchement dans l'effort: il nous a donné le goût d'apprendre et la fierté du travail bien fait. Ses anciens élèves le consultaient souvent: il avait la réputation d'être bien branché et d'aller rapidement au coeur des problèmes. Je suis de ceux qui ont largement bénéficié de ses talents et de sa grande générosité à cet égard.
En tant que collègue de travail, j'ai surtout connu Jean-Paul comme un leader discret; il était de cette catégorie de meneurs qui ne s'imposent jamais par la force ou l'affrontement mais plutôt par le respect et l'intelligence. Comme directeur de département il a été un homme de consensus qui savait consulter efficacement et qui ne craignait pas de prendre des décisions. Avec le sens de l'humour et le flegme qu'on lui connaissait, il répétait aux moins braves qu'"il n'y a rien de déshonorant à recevoir des coups par derrière puisque celui qui encaisse a au moins une longueur d'avance sur ceux ou celui qui le frappent". Son sens du devoir et des responsabilités était très élevé, ce qui l'a amené à accepter des charges de travail très lourdes tant à l'université que dans certaines organisations professionnelles comme l'Institut Canadien de Science et Technologie Alimentaires (ICSTA) dont il a assumé la présidence nationale.
Jean-Paul Julien faisait aussi partie du groupe sélect des grands innovateurs. Il a constitué avec René-R. Miel et Marcel Boulet l'équipe fondatrice du département des vivres en 1962. Ce département dont le nom a évolué en Sciences et technologie des aliments (1982) et en Sciences des aliments et de nutrition (1996) a connu un essor remarquable : il est considéré actuellement comme l'un des deux plus importants département de "Food Science" au Canada. Après avoir participé à la publication du premier Manuel de technologie laitière en 1957, il a été co-responsable, au début des années quatre-vingt, de l'édition d'un deuxième ouvrage intitulé Science et technologie du lait. Devant le retard important qu'accusait la recherche laitière au Québec par rapport à certains pays comme l'Australie, la Nouvelle-Zélande, la France, le Danemark, la Hollande et les États-Unis, il a longtemps prêché en faveur d'un financement reposant sur les volumes de lait produit et transformé. Il suggérait même la formule d'un prélèvement obligatoire d'"un demi-cent par 100 livres de lait". Son idée a cheminé lentement mais sûrement et elle a donné lìeu à la création d'un centre de recherche en Science et technologie du lait (STELA) dont une partie du financement provient de diverses associations de producteurs et de transformateurs. Jean-Pau Julien a toujours milité en faveur d'une plus grande ouverture du département et de l'université sur le monde extérieur; bien avant la venue d'Internet et du courrier électronique, il a su se brancher sur les réalités para- et extra-universitaires et en faire bénéficier ses collègues et ses étudiants. Ses contacts industriels ont été à l'origine de très nombreuses collaborations et de réalisations qui ont contribué au développement du secteur bio-alimentaire tant régional que national et international.
Jean-Paul Julien demeurera toujours vivant et inspirant pour tous ceux qui l'ont connu. Il saura certainement, là où il se trouve aujourd'hui, continuer d'encourager et de supporter tous ses parents et amis de bonne volonté. Au revoir Jean-Paul!