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30 janvier 1997 ![]() |
Un écart semble séparer la vision ouatée des fonctionnaires de la santé et la dure réalité des mères à faibles revenus
Comment convaincre plus de femmes, et en particulier celles vivant dans des milieux défavorisés, d'opter pour l'allaitement au sein? Question embêtante mais primordiale pour réaliser l'objectif gouvernemental d'augmenter de 25 %, d'ici 1999, le taux de pratique de l'allaitement maternel dans la région 03. La dizaine de jeunes mères du quartier Limoilou rencontrées par Nathalie Boivin, étudiante à la maîtrise en santé communautaire, ont leur opinion sur la question. "Laissez-nous un peu de marge de manoeuvre", ont-elles répondu en substance, faisant allusion aux exigences du type "alimentation saine, pas de tabac, pas d'alcool et pas de drogues", demandées aux mères pendant la période d'allaitement.
"Le désir de nourrir leur enfant au sein et la volonté de lui donner ce qu'elles savent être le meilleur aliment se confrontent aux conditions que les intervenants du milieu de la santé leur demandent de remplir pour allaiter", a souligné Nathalie Boivin lors d'une conférence présentée le 23 janvier au Département de médecine sociale et préventive. "Ce qui m'amène à me questionner sur l'objectif réel de l'augmentation de 25 %. Nos interventions visent-elles à soutenir ces femmes et à encourager leurs aptitudes parentales ou voulons-nous plutôt qu'elles adoptent des habitudes de vie que nous jugeons souhaitables et qui nous conféreraient les meilleures statistiques parmi les pays industrialisés?"
Des chiffres qui parlent
En 1990, seulement 16 % des femmes québécoises à faibles
revenus (moins de 20 000 $ par ménage) nourrissaient leur premier
enfant au sein, contre 66 % dans l'ensemble de la population. Afin d'orienter
les interventions du Groupe de travail en allaitement de la région
de Québec, Nathalie Boivin a voulu comprendre les raisons qui poussent
les jeunes femmes de milieux à faibles revenus à allaiter
et, surtout, pourquoi elles cessent prématurément de le faire.
Son enquête, supervisée par Lise Dubois, professeure au Département
des sciences des aliments et de la nutrition, et Nicole Doré, du
Centre de santé publique de Québec, lui a permis de mesurer
l'écart qui sépare le monde ouaté des recommandations
d'organismes officiels et la dure réalité de ces jeunes femmes.
Des femmes qui, en dépit de leurs problèmes passés
ou actuels, souhaitent être, à leur façon, les meilleures
mères qui soient pour leur enfant.
Quelqu'un pour écouter
"Un facteur semble déterminant dans leur choix de continuer
l'allaitement, dit l'étudiante: la complicité des intervenantes
du milieu de la santé ou des accompagnatrices de groupes de soutien.
Ce dont elles ont besoin, ce n'est pas une liste de numéros de téléphone
à appeler en cas de besoin mais quelqu'un qui prend le temps de les
écouter et de les comprendre." De toute évidence, poursuit-elle,
ces jeunes femmes ne cherchent pas une critique de leurs habitudes de vie
mais une forme d'appui qui leur permet de mieux vivre l'expérience
de la maternité. Une expérience, qui, pour certaines d'entre
elles, a déjà écrit un chercheur, constitue "le
seul projet possible à imaginer et à mener à terme".