12 décembre 1996 |
L'appétit passerait davantage par la tête que par l'estomac
Deux physiologistes de la Faculté de médecine viennent de démontrer que le simple fait de mastiquer des aliments, sans les avaler, suffit à diminuer la faim et provoque, à certains égards, les mêmes réactions physiologiques que la prise d'un repas. Des résultats qui, à l'approche du Temps des Fêtes, devraient faire réfléchir tous ceux qui ont les yeux plus grand que la panse.
"Nous avons réalisé une expérience dans le but d'éclaircir les interactions qui pouvaient exister entre les stimulations sensorielles causées par les aliments, la diminution de la faim au cours d'un repas et la thermogenèse", explique Jacques Leblanc. La thermogenèse est la production de chaleur, provoquée par l'augmentation du métabolisme, qui survient spontanément après l'ingestion de nourriture. "Il semble que notre organisme se prépare à la digestion des aliments en activant le métabolisme, poursuit le chercheur. L'ampleur de cette augmentation dépend des aliments ingérés. Par exemple, la digestion des protéines exige plus d'énergie que celle des glucides et des graisses et de ce fait, produit davantage de chaleur. L'augmentation de métabolisme atteint un pic d'environ 30 %, environ 90 minutes après le début du repas."
Le professeur Leblanc et l'étudiante-chercheure Julie Soucy ont invité des sujets, à jeun depuis plusieurs heures, à manger deux petits gâteaux au caramel. Les sujets du premier groupe devaient manger leurs gâteaux d'une traite alors que ceux du deuxième groupe les dégustaient en huit parts égales, à raison d'une portion à toutes les dix minutes. De leur côté, les sujets du troisième groupe devaient mastiquer les gâteaux, sans en avaler une seule bouchée, pour ensuite les recracher. Enfin, les chercheurs ont demandé aux infortunés sujets du groupe témoin de mastiquer comme s'ils mangeaient des gâteaux alors que rien ne leur était servi. À intervalles réguliers, les chercheurs enregistraient différents paramètres vitaux de leurs invités, notamment la consommation d'oxygène, un indicateur du taux métabolique et de la production de chaleur. De plus, les sujets devaient évaluer l'évolution de leur sensation de faim.
Pendant les 40 premières minutes qui suivent le début du repas, rapportent les chercheurs dans une récente édition de l'American Journal of Physiology, le métabolisme des sujets qui mastiquaient les gâteaux sans les avaler augmente davantage que celui du groupe deux (les petites portions). "Ceci démontre que ce sont les stimulations sensorielles, et non l'ingestion de nourriture, qui déclenchent la production de chaleur", dit Jacques Leblanc. La sensation de faim après 90 minutes avait diminué davantage chez les sujets qui avaient pris leur repas en huit portions que chez ceux qui l'avaient pris d'un seul coup. Plus encore, les sujets qui n'avaient fait que mastiquer les gâteaux avaient moins faim après 90 minutes qu'au début de l'expérience. "Ces données indiquent clairement le rôle des stimulations sensorielles dans le contrôle de la faim", ajoute-t-il.
Conclusion? "Si on mange lentement, résume Jacques Leblanc, en douceur, si on se laisse envahir par les sensations, on contrôle mieux notre appétit et on goûte davantage les plaisirs d'un bon repas."