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28 novembre 1996 ![]() |
La consommation de suppléments vitaminiques
est associée
à un risque trois fois moins élevé de mourir d'une
maladie cardiaque.
La vitamine E pourrait en être la cause.
Une étude réalisée par le Groupe de recherche en épidémiologie de l'Université Laval révèle que les personnes qui consomment des suppléments vitaminiques courent moins de risques de souffrir ou de mourir de maladies cardiaques que celles qui n'en prennent pas. Cette association est surtout manifeste du côté des risques de mortalité due à une maladie cardiaque qui sont trois fois plus faibles chez les consommateurs de vitamines. Par ailleurs, la prise régulière de vitamines abaisserait de 50 % les risques d'infarctus et de 15 % les risques d'angine de poitrine.
François Meyer et Isabelle Bairati, chercheurs à la Faculté de médecine, et leur collègue Gilles Dagenais, de l'Université de Montréal, arrivent à ces conclusions au terme d'une étude de cinq ans qui a porté sur 2 313 hommes de la région de Québec. En 1985, les participants ont été rencontrés pour subir une batterie de tests médicaux et pour compléter des questionnaires portant sur leurs habitudes de vie. L'une des questions, qui portait sur la consommation de vitamines, a permis d'établir que 542 sujets (23,4 %) avaient pris des suppléments vitaminiques au cours des douze mois précédant la rencontre. Les données fournies par chaque participant ont permis d'évaluer sa consommation de différents types de vitamines.
Cinq ans plus tard, les participants toujours vivants ont été recontactés pour déterminer s'ils avaient éprouvé des problèmes cardiaques depuis leur dernière visite. La cause de la mort des sujets décédés a été relevée à partir des certificats de décès et des dossiers médicaux. Bilan du suivi: 41 morts en raison de maladies cardiaques, 56 cas d'infarctus et 57 cas d'angine. Les consommateurs de vitamines étaient systématiquement sous-représentés parmi les gens frappés par ces trois traumatismes cardiaques, montrent les données publiées par les trois chercheurs dans le dernier numéro du Canadian Journal of Cardiology.
"L'incidence plus faible des maladies cardiaques chez les hommes qui consomment des vitamines pourrait ne pas être directement causée par les vitamines mais résulter plutôt de certains autres facteurs qui y sont associés, comme par exemple, le fait de prendre soin de sa santé, souligne François Meyer. Mais, même en tenant compte de facteurs comme le tabagisme, l'indice de poids corporel, la pratique d'activités physiques et l'alimentation, nous avons trouvé que les différences touchant les risques de maladies cardiaques subsistaient entre ceux qui prennent et ceux qui ne prennent pas de suppléments vitaminiques."
Bien que la plupart des vitamines étaient consommées sous forme de multivitamines, les analyses ont permis de dégager une étroite association entre la vitamine E et la réduction de l'incidence des maladies cardiaques. "Plusieurs études ont déjà souligné les propriétés antioxydantes de la vitamine E et son rôle probable dans la prévention de l'athérosclérose, rappelle François Meyer. Cependant, son impact réel sur la prévention des maladies cardiaques reste encore à être démontré."
En dépit du lien très fort entre les vitamines et les risques de maladies cardiaques, François Meyer ne recommande pas pour autant un blitz sur les suppléments vitaminiques. "Il se peut que l'effet protecteur ne soit pas dû spécifiquement aux vitamines parce que nous n'avons pas mesuré toutes les variables associées à la santé", prévient-il. Quant à savoir si les vitamines provenant d'un régime alimentaire équilibré suffisent à créer le même effet protecteur contre les maladies cardiaques, le chercheur admet l'ignorance de la science face à cette question. Cependant, précise-t-il, des recherches ont montré récemment que des doses élevées de vitamines ne produisaient pas nécessairement de meilleurs effets et qu'elles pouvaient même avoir des répercussions néfastes pour la santé. Les doses se rapprochant de celles retrouvées dans l'alimentation normale semblent produire les effets optimums.
"Le choix de prendre ou non des vitamines relève du jugement de chaque individu, dit-il. Personnellement, je ne prends pas de vitamines ni de suppléments alimentaires, pas plus que je ne prends d'aspirine même si des études ont déjà démontré que ce médicament réduisait les risques de maladies cardiaques."