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14 novembre 1996 ![]() |
Un programme spécial de dépistage du cancer du sein, incluant un counseling médical, permet aux femmes à risques de mieux jauger le danger réel qu'elles courent et de réduire leur détresse psychologique
Les femmes provenant de familles marquées par de nombreux cas de cancer du sein vivent dans la crainte incessante d'avoir tiré la mauvaise combinaison à la loterie des gènes. En moyenne, une femme sur douze sera victime du cancer du sein au cours de sa vie mais les hasards de la génétique font grimper dramatiquement cette probabilité dans certaines familles. Faute de moyens efficaces pour prévenir ce cancer, les espoirs reposent actuellement sur les programmes de dépistage car plus une tumeur est détectée tôt, meilleures sont les chances de survie.
Une étude publiée dans le dernier numéro de Psycho-Oncology par le psychiatre Pierre Gagnon, du Centre de recherche en cancérologie (Hôtel-Dieu de Québec) et sept chercheurs américains, montre qu'un programme de suivi du cancer du sein, incluant une séance de counseling médical, permet aux femmes à risques d'acquérir une perception plus juste du danger qui les guette et conséquemment de réduire la détresse psychologique qu'elles éprouvent. Les chercheurs en arrivent à ces conclusions après avoir étudié l'impact d'un programme de suivi chez un groupe de 94 femmes qui, en raison d'antécédents familiaux, avaient un risque élevé d'être un jour atteintes d'un cancer du sein.
À leur première visite à la clinique médicale, les participantes rencontraient individuellement un chirurgien spécialiste pour discuter des causes du cancer du sein et des facteurs contribuant à son apparition. Chaque femme recevait un programme de suivi établi par le médecin et, à la fin de la rencontre, une infirmière lui enseignait la technique d'auto-examen des seins. Des questionnaires, complétés avant la première visite puis deux mois et quatre mois plus tard, ont permis d'établir qu'avant de participer au programme, près de neuf femmes sur dix surestimaient le risque réel qui planait sur elles, dont 76 % par un facteur de deux ou plus. En moyenne, les participantes évaluaient à environ 50 % la probabilité d'avoir un jour un cancer du sein alors que, selon les données statistiques disponibles, ce risque se situait plutôt à 18 %. À l'opposé, seulement 6 % des femmes avaient une perception juste du risque qu'elles couraient.
La moitié des femmes pratiquaient moins d'une fois par mois l'auto-examen des seins et 10 % ne le faisaient jamais (la prescription était d'une fois par mois). Plus les femmes se percevaient à risques, moins elles étaient confiantes de pouvoir pratiquer correctement cet examen, ce qui contribuait à accroître leur détresse psychologique. En moyenne, les scores de détresse des participantes atteignaient la limite supérieure de l'échelle.
Quatre mois après le début du programme, le risque perçu par les femmes avait baissé d'environ 10 % et cette diminution s'accompagnait d'une réduction significative de la détresse psychologique, en particulier de l'anxiété reliée au cancer. Par contre, les chercheurs n'ont noté aucun changement dans les habitudes d'auto-examen des seins. Selon Pierre Gagnon, il faudrait répéter l'expérience chez un plus grand nombre de femmes et pendant une plus longue période de temps afin de déterminer si l'amélioration de la perception du risque et la baisse de détresse psychologique peuvent entraîner un plus grand respect des mesures de dépistage.
Cette étude, réalisée dans un centre médical de New York, pourrait avoir des répercussions ici. "Nous songeons à mettre sur pied un programme de suivi des femmes à risques dans la région de Québec, poursuit Pierre Gagnon. La chose devient de plus en plus importante à mesure que des gènes marqueurs sont découverts. L'un de ces gènes confère aux femmes qui en sont porteuses une probabilité de 90 % d'avoir un cancer du sein."