14 novembre 1996 |
On savait leurs chefs en froid depuis la fin de l'alliance des forces du Non contre la séparation du Québec. On savait les deux anciens partis frères brouillés pour une question de distinction de société. Mais ce qu'on ne savait pas, c'est que laissant ses aînés s'invectiver par médias interposés, la génération montante prépare l'avenir du Québec et du Canada main dans la main. Sur le campus de l'Université Laval, les responsables du Parti Libéral du Québec, du Parti Conservateur et du Parti Libéral du Canada se rencontrent régulièrement, échangent des services et des idées. À tel point qu'il devient même parfois difficile de distinguer à quelle formation ils appartiennent.
"David Rhéault et moi, nous avons une bien meilleure relation que Jean Chrétien et Daniel Johnson", reconnait Charles Fortin, un étudiant au Département d'économique qui dirige le groupe de jeunes libéraux canadiens sur le campus. "Au-delà de nos divergences politiques, nous avons à coeur la cause des jeunes." L'aile jeunesse du PLC, qui compte actuellement une vingtaine de membres à l'Université Laval, existe seulement depuis quelques semaines sur le campus. Elle devrait organiser prochainement des conférences avec des politiciens, mais surtout rencontrer les étudiants. "Nous voulons d'abord parler avec eux d'emploi et de la valorisation de leur diplôme, explique Charles Fortin. Il est primordial de disposer d'une formation de qualité, axée sur les besoins du marché du travail. Quant à l'augmentation éventuelle des frais de scolarité, il nous semble normal que chacun fasse sa part, à condition d'en surveiller la hausse."
Le retour de l'interprovincialisme
"Je pense que nous devrions conserver les frais de scolarité
au niveau où ils sont car l'éducation constitue un investissement
et non une dépense", fait valoir de son côté David
Rhéault, qui dirige la centaine de militants du Parti libéral
du Québec sur le campus. "À mon avis, il faudrait revoir
le système de gestion trop centralisé, et doter le milieu
scolaire des pouvoirs nécessaires." Le raisonnement de cet étudiant
en droit sur le débat constitutionnel ne diffère pas vraiment
de celui sur la décentralisation de l'éducation, puisqu'il
préconise un partage des pouvoirs entre les provinces selon leurs
compétences respectives.
"Il faut revenir à l'esprit du fédéralisme, et assigner tel ou tel dossier au gouvernement provincial ou au fédéral selon l'efficacité, soutient David Rhéault. Même si je suis fier d'être Québécois, je sais que le concept de l'État-Nation est dépassé et que l'avenir passe par le Canada. Au fond, la véritable indépendance du Québec s'appuie sur l'emploi." Le représentant de Chaudières-Appalaches à la Commission jeunesse du PLQ salue donc les efforts déployés par le gouvernement fédéral pour inclure la notion de société distincte dans la constitution, car selon lui les difficultés actuelles de négociation ne ressemblent en rien à une confrontation. Jérôme Leclerc, étudiant en communication publique et représentant des jeunes du Parti conservateur sur le campus, abonde dans le même sens.À ses yeux, la reconnaissance de la société distincte par le reste du Canada n'est qu'une question de temps.
"Pas dans ma cour!"
"L'entente intervenue au Lac Meech prouve que les provinces peuvent
s'entendre, poursuit Jérôme Leclerc. Il faut surtout éviter
de tout traiter en même temps, négocier d'abord la décentralisation,
puis ensuite la clause de la société distincte." Jérôme
Leclerc reconnait qu'il rejoint les libéraux du Québec sur
le dossier de l'éducation même s'il considère ce sujet
comme relevant de la compétence des provinces. À l'entendre,
l'obtention du gel des frais de scolarité est primordial, car un
système éducatif accessible à tous devient essentiel
dans une société en plein bouleversement. Par contre, il soutient
que les assistés sociaux devraient, à l'avenir, davantage
s'impliquer dans le redressement des finances publiques.
"La majorité de la population qui travaille supporte de très lourdes contraintes fiscales, explique le jeune progressiste-conservateur. Je crois que certains bénéficiaires de la sécurité du revenu, en particulier ceux qui ont cessé de chercher du travail, devraient s'engager dans des travaux communautaires pour faire leur part." Il préconise également une aide accrue de l'État envers les assistés plus jeunes pour les pousser à reprendre le chemin de l'école. Une position pas très éloignée de celle défendue par la Commission jeunesse du PLQ qui, lors de son dernier congrès, recommandait au gouvernement de faire travailler les assistés sociaux 10 à 15 heures par semaine. Les jeunes souhaitaient, d'une part lutter contre le travail au noir, et d'autre part évider que ce type de prestation ne devienne un mode de vie.
Le représentant des jeunes du PLC se distingue de ses deux collègues sur ce point. Il refuse que les bénéficiaires de la sécurité du revenu deviennent une main-d'oeuvre à bon marché, exploitable à merci. Après tout, l'essence même du libéralisme repose sur la défense de l'égalité de tous les citoyens, assistés sociaux ou non. Pour le reste, Charles Fortin recherche activement la collaboration du PLQ et du PC pour organiser des activités. On n'est jamais trop nombreux pour mobiliser une communauté étudiante peu intéressée généralement par la politique.