14 novembre 1996 |
Une étudiante au doctorat en ethnologie a collaboré à la préparation de l'exposition qui s'ouvre cette semaine au Musée de la civilisation
Tous les immigrants ne choisissent pas le Québec pour fuir un pays en guerre. Tous les immigrants ne vivent pas cantonnés dans un quartier ethnique de Montréal. Tous les immigrants ne trouvent pas un emploi dès qu'ils franchissent le portillon d'entrée aux frontières. Marie-France Saint-Laurent, étudiante au doctorat en ethnologie à l'Université Laval, a rencontré une vingtaine de personnes, nées aux quatre coins de la planète, qui habitent aujourd'hui au Québec. Leurs témoignages constituent le plat principal de l'exposition Les immigrants racontent qui prend l'affiche cette semaine au Musée de la civilisation.
Les préjugés contre ces étrangers qui s'installent un beau jour dans notre ville ou notre village naissent souvent d'un manque de connaissance, surtout en période de crise économique. Le Musée de la civilisation a donc choisi de donner la parole à plusieurs immigrants, dont l'histoire personnelle brosse un portrait de cette nouvelle réalité multiculturelle québécoise. L'un vient du Cambodge et a trouvé refuge ici, ce couple de Suisses allemands a acheté une ferme en Estrie et reconstitué le décor de leur pays d'origine, cette Haïtienne éprise de danse et de musique n'a pas repris le chemin de la maison familiale après ses études d'infirmière, ces Algériens-là, arrivés depuis peu, hésitent à fréquenter leur propre communauté.
Des objets du pays mythique
"Nous voulions mieux comprendre la réalité de ces immigrants,
raconte Marie-France Saint-Laurent. Je les ai donc rencontré chez
eux, et je leur ai demandé de me prêter les objets qui reflètaient
le mieux leur univers." Chaque famille ou individu possède un
espace propre dans l'exposition. Il suffit parfois d'un coffre en bois haïtien
et de quelques toiles, d'un bureau d'écrivain et d'une Thora juive,
de plats de cérémonie de mariage d'origine cambodgienne et
de tous les documents nécessaires à l'immigration au Québec,
pour opérer une incursion dans un autre monde. Casque sur les oreilles,
le visiteur navigue d'une histoire d'immigration à l'autre, en écoutant
ces universitaires, cet auteur, ce restaurateur, cette militante syndicaliste
narrer leur expérience.
L'exposition présente également un résumé des grandes dates de l'histoire de l'immigration au Québec, ainsi qu'un aperçu des formalités d'entrée au pays. Le test de connaissance qui permet notamment l'obtention de la citoyenneté canadienne est également disponible, et n'a rien d'une épreuve facile si l'on se fie aux témoignages des Québécois "pure laine" qui l'ont passé ... et parfois échoué!
"Au fil des témoignages, on s'aperçoit que même les immigrants qui vivent dans une situation matérielle confortable, comme les Suisses-investisseurs, conservent la nostalgie de leur pays d'origine, raconte Marie-France Saint-Laurent. La deuxième génération, représentée dans l'exposition notamment par une descendante de juifs polonais, tente souvent de s'intégrer dans la société, tandis que la troisième génération part à la recherche de ses racines." Les immigrants racontent s'arrêtent également sur le visage de ces hommes et de ces femmes connus, nés auprès d'autres fleuves que le Saint-Laurent ou issus de familles immigrantes, qui contribuent par leur travail à la richesse du Québec. Au fait, jusqu'à quand un étranger reste-t-il étranger à la communauté québecoise?
Pascale Guéricolas