7 novembre 1996 |
Des chercheurs de la Faculté de médecine utilisent un virus pour "livrer" un gène étranger dans des cellules de l'oeil
Depuis des centaines de millions d'années, les virus perfectionnent l'art d'exploiter les êtres vivants en injectant leur propre matériel génétique dans les cellules de leur hôte et en utilisant la machinerie cellulaire qui s'y trouve pour se reproduire à peu de frais. Par un curieux retour des choses, cette propriété des virus, qui rend si difficile le traitement des infections qu'ils causent, est maintenant exploitée par les chercheurs pour étudier les dérèglements cellulaires associés à certaines maladies.
Les chercheurs Michel Cayouette et Claude Gravel de la Faculté de médecine (Laboratoire de transfert de gènes, Centre de recherche Université Laval-Robert Giffard) viennent d'ajouter à l'arsenal viral déjà disponible pour la recherche en parvenant à livrer, à l'aide d'un virus, un gène étranger dans les cellules ganglionnaires de la rétine chez des souris. Leur technique, décrite dans le numéro de septembre de la revue Investigative Ophthalmology and Visual Science, constituerait une première en matière de transfert de gènes aux cellules ganglionnaires de la rétine à l'aide d'un messager viral. "Jusqu'à présent, dit Claude Gravel, directeur du Laboratoire de transfert de gènes, les chercheurs ont mis au point des techniques pour faire pénétrer des gènes dans différentes parties du corps mais, à cause d'un ensemble de facteurs, il n'y avait pas de techniques efficaces pour ces cellules de la rétine".
Une particularité de la technique des chercheurs Cayouette et Gravel réside dans le fait que la livraison du gène se fait "par la porte arrière". En effet, les virus contenant un gène marqueur provenant d'une bactérie ont été injectés dans la région du cerveau où aboutissent les terminaisons nerveuses des cellules ganglionnaires de la rétine plutôt que directement dans l'oeil. Longues d'environ un centimètre chez la souris, les cellules ganglionnaires tapissent la rétine de l'oeil et se prolongent jusque dans le cerveau par le nerf optique. "En injectant le virus dans le cerveau, on évite d'endommager les cellules de l'oeil que l'on veut étudier", explique Claude Gravel. À partir du septième jour suivant l'injection du virus, le gène bactérien est exprimé dans les cellules ganglionnaires, ce qui amène les chercheurs à conclure que le gène a été transporté du cerveau à la rétine.
"On ne peut pas penser utiliser cette technique dans des thérapies des maladies de l'oeil, prévient cependant le chercheur. Par contre, elle constitue un moyen privilégié pour manipuler l'expression des gènes en vue de mieux comprendre les mécanismes sous-jacents à la mort des cellules ganglionnaires. Éventuellement, les chercheurs pourraient également y avoir recours pour tester des méthodes d'interventions génétiques visant à augmenter la survie de ces cellules ou encore la régénération de cellules endommagées."
La mort des cellules ganglionnaires de la rétine, qui survient notamment à la suite de maladies génétiques, de diabète, de glaucome, de problèmes vasculaires ou de blessures, entraîne la cécité.