31 octobre 1996 |
Le phénomène d'hyperventilation survenant lors d'un exercice
physique intense intrigue les chercheurs depuis des décennies. En
effet, on ne savait trop à quoi attribuer le fait que lorsqu'un sujet
déploie un effort physique dépassant 70 % de sa capacité
maximale de travail, sa consommation d'air augmente de façon disproportionnée
par rapport à ses besoins métaboliques en oxygène.
Comme une auto qui réclamerait plus d'essence que son moteur n'en
consomme pour franchir une distance donnée.
Dans le dernier numéro du Journal of Applied Physiology,
les physiologistes Matthew White et Michel Cabanac, de la Faculté
de médecine, proposent une explication originale au problème:
l'hyperventilation servirait à refroidir le cerveau. "L'augmentation
de la circulation d'air dans les voies respiratoires supérieures
contribue au refroidissement du cerveau et préviendrait une élévation
de température intracrânienne qui pourrait être dangereuse
pour l'organisme", explique Michel Cabanac.
Les deux chercheurs arrivent à cette conclusion après avoir
mesuré la température tympanique (le meilleur indice de la
température du cerveau) et la température de l'oesophage (un
indice de la température du thorax) chez six sujets soumis à
des séances de bicyclette stationnaire pendant lesquelles ils devaient
pédaler jusqu'à épuisement total. Lors d'une première
séance, l'intensité de l'exercice augmentait de 40 watts à
toutes les deux minutes, provoquant une élévation rapide de
la température. Lors de la seconde séance, l'intensité
augmentait au taux de 20 watts aux deux minutes. "Dans les deux cas,
nous avons observé un seuil à partir duquel les températures
du cerveau et du thorax diffèrent. Lorsque ce seuil de température
est atteint, l'hyperventilation s'enclenche et la ventilation augmente proportionnellement
à la température interne du corps."
Lors d'une expérience précédente, les deux chercheurs
avaient démontré que des sujets au repos placés dans
une baignoire d'eau chaude commencent également à hyperventiler
lorsque leur température interne atteint un certain seuil. "Cette
élévation de température s'accompagne d'une vasodilatation
des vaisseaux sanguins des voies respiratoires qui permet d'éliminer
davantage de chaleur. Donc, que l'hyperthermie soit induite de façon
passive ou active, il semble exister une relation entre la ventilation et
la température interne du corps." Les deux chercheurs signalent
que les mammifères ayant recours au refroidissement sélectif
du cerveau éliminent la plus grande partie de leur chaleur par les
voies respiratoires.
Jean Hamann